Dans une économie globale, le comté, produit de tradition, riche de savoir-faire et de valeur, peut-il trouver sa place ?
Le contexte économique global dans lequel nous sommes, c'est un ralentissement de l'économie que l'on ressent plutôt en Europe, sur les marchés exportateurs de produits agricoles de qualité. Je ne parlerais pas de crise de croissance mais de croissance moins bonne. La conséquence : faire attention, être attentifs autant sur les débouchés des marchés que sur le financement des exploitations..
En même temps nous avons un grand défi à relever : celui de la lutte contre le dérèglement climatique. Et le lien est fort avec un modèle global confronté, qui plus est, à l'augmentation de la démographie. Nous serons plus de sept milliards d'habitants sur terre cette année et la population mondiale s'accroît de plus de 75 millions d'habitants chaque année !.. Le problème sera de savoir comment changer le modèle économique actuel pour relever ces défis et faire face, en même temps, à un vieillisssement de cette population ?
Plus d'habitants, donc plus de consommateurs ?
Ce vieillissement de la population s'accompagne d'une émergence de classes moyennes, plus âgées et plus aisées. Des classes qui réflechissent à la manière dont elles se nourrissent et qui recherchent une amélioration de la qualité de leur alimentation ! C'est un incroyable défi positif que les jeunes générations d'agriculteurs ont à relever. Aujourdhui, les jeunes agriculteurs doivent raisonner en se projetant dans un avenir différent, mais en gardant à l'esprit la notion de qualité imposée par le consommateur...
Il n'y aura pas trop de contraintes pour les propduits laitiers. Tous les marchés sont ouverts et les produits français jouissent d'une image extraordinaire au niveau mondial. Pour eux, l'avenir s'annonce très prometteur !... Pourtant ces mêmes jeunes devront conserver une approche rationnelle et conquérante sur leur manière d'aborder les marchés. Faudra-t-il produire plus ou pas ?... Tout sera question de stratégie !
Le cahier des charges du comté et sa politique de maîtrise de la production ne permettront pas de répondre à des besoins plus importants ?
Non et il n'est pas question de rentrer dans une logique de production industrielle ! Cette stratégie sera d'imaginer de quelle manière il sera possible de gagner de la valeur ajoutée. Pas en produisant plus en quantité mais plutôt en vendant plus cher, sur des marchés mondiaux très porteurs pour des produits de qualité comme le comté. La stratégie sera d'augmenter les marges sans pour autant toucher à la qualité.
On est dans une logique d'investissement. Et c'est bien là toute la complexité de cette approche. L'investissement doit être intelligent, suivi et important. Pour arriver à une rentabilité plus importante de nouvelles façons d'approcher le consommateur devront être trouvées. Il faudra être moderne et celà ne s'improvise pas !
Le comté est un produit de tradition. Sans dénaturer le produit ni les valeurs qu'il porte, les nouvelles tehcnologies pourraient-elles contribuer à don développement ?
Un changement ne sera possible qu'avec la quatrième révolution industrielle. Et nous sommes en train de rentrer complètement dans cette révolution. Le digital change notre mode de vie, nos habitudes de consommation. L'intelligence artificielle est une technologie de rupture, indispensable pour répondre aux défis du dérèglement climatique. Et l'agriculture est directement concernée. On le voit déjà avec la multiplication des applications, le développement de l'agriculture de précision qui permet de travailler de manière plus rationnelle et plus sobre. Ce sont des techniques, des modes de fonctionnement qui sont remis à plat. Et je pense que l'agriculture est même plus en avance que d'autres secteurs pour l'utilisation de ces nouvelles technologies...
La réflexion consiste à concevoir l'utilisation de ces technologies dans une logique durable. Comment les utiliser tout en conservant la qualité remarquable de nos productions ? C'est toute la question et chacun peut mesurer les risques du changement d'outils, les « versants dangereux de l'innovation »...
Quel message aimeriez-vous laisser aux producteurs que vous rencontrerez à Frasne ?
« Vous avez un avenir formidable, un avenir mondial ! »... » c'est le message que j'aimerais faire passer aux agriculteurs des jeunes générations. Gardez des exploitations à taille humaine car la révolution industrielle s'appuiera sur de petites entités, sur des strcutures plus souples, plus agiles, capables de s'adapter. Et surtout continuez de travailler avec le soutien de fédérations comme la votre. Il y a un autre équilibre à trouver : celui d'être petits... mais d'être ensemble !
