Autonomie alimentaire
Profilait, mobilisé pour des protéines de proximité

Le 23 mai, près de Dijon, un point d’étape a été présenté par les partenaires du projet Profilait au siège de l’Alliance BFC, chef de file du projet. Le moment était propice pour réunir l’ensemble des acteurs concernés, afin d'expliquer l’état d’avancement du projet et les étapes à venir. Plus de quatre-vingts personnes ont participé à cette première rencontre.

Profilait, mobilisé pour des protéines de proximité
Ce point d'étape sur Profilait a rassemblé près d'une centaine de participants. (Crédit Alliance BFC)

A son lancement, en 2020, les acteurs concernés par le projet Profilait (voir encadré) étaient loin d'imaginer à quel point la réflexion qu'ils entamaient aurait toute sa pertinence. A l'époque, ce besoin d'établir un diagnostic sur la capacité d'accroître l'autonomie alimentaire des élevages laitiers de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) en s'appuyant sur une production et une transformation de protéines de proximité, visait surtout à répondre à des préoccupations environnementales et à la diversification des revenus des agriculteurs. Deux ans plus tard, le retour de la guerre en Europe et le souvenir de la pandémie ont transformé le contexte, rendant l'idée de départ plus importante et les choix stratégiques qui se dessinent plus cohérents. La philosophie de Profilait c'est : construire de véritables synergies entre productions végétales, besoins alimentaires de l'élevage et acteurs locaux de la collecte, du stockage ou de la transformation. Y voir clair sur chacun des tenants de cette ambition ne se fait pas d'un claquement de doigts. De nombreuses personnes ont planché sur la question et la réunion du 23 mai, au siège d'Alliance BFC, à Longvic, près de Dijon, avait pour but d'établir un point d'étape sur l'avancée des travaux. Un état des lieux précis de la demande et de l’offre en protéines pour la filière laitière a été réalisé. Trois axes de travail ont été retenus pour Profilait :

-renforcer l’autonomie protéique des exploitations laitières,

-sécuriser le stock fourrager des exploitations dans un contexte de changement climatique,

-assurer la ration complémentaire avec des protéines locales.

 

Pourquoi le lait et les grandes cultures ?

L’idée était de partir de la demande pour mieux connaître les besoins, puis travailler sur le potentiel de production, à l’échelle de la grande région. La marche était plus facile à franchir pour la filière laitière, mais cette initiative a vocation à s’élargir aux autres filières intéressées. Les premières conclusions sont encourageantes car, si l’offre reste insuffisante, il y a de réelles potentialités et opportunités à développer avec les nouveaux dispositifs de la PAC incitant à la production de protéines (aides couplées, éco-régimes, MAEC ZI…), sans oublier les intérêts agronomiques pour les systèmes fragilisés. A l’ouverture de ce évènement, Sylvain Marmier, président du comité d'orientation Economie de la Chambre régionale d'agriculture de Bourgogne Franche-Comté (BFC), a expliqué que « l’objectif de la démarche permet de donner de la lisibilité et de sécuriser mutuellement les acteurs pour valoriser la protéine locale ». « Au départ, ajoutait Christophe Richardot, directeur général d'Alliance BFC, c’était une gageure de réunir tous ces acteurs du monde économique, les OPA, la recherche… Cela a permis d’établir un état des lieux jamais réalisé auparavant. Le projet Profilait offre les conditions d’un dialogue constructif, dans un cadre neutre et structurant pour cette nouvelle filière ». Si la démarche est collective, les intérêts peuvent être différents, en fonction des besoins de chaque filière. « Pour le lait conventionnel, c’est l’autonomie alimentaire des exploitations qui est recherchée, soulignait Nathalie Mairet, présidente de la section lait de la FRSEA BFC. Nous sentons bien que les consommateurs français, mais également européens, attendent de notre part un peu plus que des bons produits laitiers. Ils souhaitent que nous soyons plus attentifs à notre acte de production ». Mathias Bouillet, président de la Fédération régionale des coopératives laitières (FRCL) du Massif Jurassien, reconnaissait, lui, que c’est un sujet d’actualité qu’il faut travailler : « Au niveau du lait AOP, nous devons anticiper les questions par rapport à l'image attendue d'un produit d'excellence ». Pour la filière grandes cultures, Clément Tisserand, président de Terre Comtoise, a expliqué les raisons qui ont poussé Alliance BFC à porter ce projet : « Nous devons renforcer la résilience des filières et jouer sur leurs complémentarités ».

Jean-Marie Hervé, Guillaume Basset, Eric Druot et Christophe Buchet, représentaient la FDSEA du Jura lors de cette rencontre

Etat des lieux

« Pas d’état des lieux sans donner la parole aux agriculteurs », rappelait pour sa part Christophe Chambon, le président de la FRSEA BFC : «  Les résultats de l’enquête que nous avons réalisée auprès des producteurs sont intéressants. On sent que le sujet passionne de nombreux agriculteurs, que ce soit au niveau des éleveurs ou des producteurs de grandes cultures ». Dans des conditions climatiques « normales », l’offre globale en protéines fourragères est suffisante pour couvrir la demande des animaux de la filière laitière. Par contre, la fréquence des aléas climatiques peut rapidement remettre en cause l’autonomie fourragère. Cette approche macro ne permet pas de se rendre compte des spécificités de chaque exploitation. La région BFC dispose toutefois d’un potentiel et de conditions favorables, pour développer la production de protéines. « Par contre, les outils de transformation sont saturés », soulignait Fanélie Godot, chargée de mission à l’Alliance BFC. Au niveau du potentiel, avec la forte variabilité des rendements, le meilleur levier, pour accroître la quantité de protéines produites sous forme de concentrés pour les élevages laitiers, est d’augmenter les surfaces en colza, soja, tournesol, pois et féveroles ! « Le contexte géopolitique et la PAC 2023 sont des opportunités pour augmenter les surfaces et la production de protéines régionales » confirmait ainsi Jérémie Blas de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or.

Développer une intelligence collective

« Mais, au-delà de consommer ou de produire, l’important est de pouvoir concilier une bonne adéquation entre l’offre et la demande, indiquait Valérie Vivot de la Chambre régionale d'agriculture, cela va demander de travailler sur la contractualisation, avec des mécanismes de prix et sur des seuils d’acceptabilité pour les éleveurs et céréaliers (tunnel de prix), avec un contrat cadre et des contrats bipartites. La gouvernance doit être le résultat d’une relation équilibrée entre les acteurs ». Pour mieux expliciter cette démarche, Mathilde Schryve, responsable Etudes et prospectives à Cerfrance BFC, a présenté les mécanismes d’une contractualisation entre la filière grandes cultures et la filière laitière, pour limiter les risques, tout en créant et en répartissant de la valeur : « La contractualisation permet de construire une filière plus stable et d’aller chercher de la valeur ajoutée ». Lionel Borey, en tant que président de l’Alliance BFC, avait la responsabilité de synthétiser les différents travaux : « Cette filière protéines de proximité est une filière d’avenir à construire avec les nouvelles générations. Nous devons développer une intelligence collective, en dépassant les logiques clivantes de filières. Les solutions, pour les filières d’élevage, pourront naître de la filière végétale… et inversement. Il s’agira d’avancer, étape par étape, en confiance. L’une des clés sera d’avoir une bonne gouvernance pour s’adapter rapidement à l’évolution du contexte ». Christian Morel, vice-président du Conseil régional en charge de l'agriculture, a apprécié « la qualité du travail réalisé, en espérant que les travaux engagés permettront de créer une véritable dynamique de valeur ajoutée pour les filières. Si vous avez obtenu un soutien de FranceAgriMer, la Région a apporté un soutien pour ce projet ». Dans sa conclusion apportée à cette matinée de travail, le président de la Chambre régionale d'agriculture, Christian Decerle, a souligné combien « cette démarche de filière est importante, mais nous devrons mobiliser tous les leviers, au niveau des exploitations, pour renforcer la résilience des systèmes et assurer un revenu décent aux agriculteurs ».

 

Alex Sontag, Berty Robert

PROFILAIT/ Analyse de la FDSEA du Jura

« Assurer notre autonomie est une nécessité »

Un panel important d’éleveurs et de céréaliers jurassiens ont participé à l’enquête profilait sur l’opportunité de créer une filière protéine régionale. La FDSEA du Jura qui a poussé la démarche, a participé à la restitution des travaux et délivre son analyse sur ce projet.

« Ce travail prospectif profilait nous conforte dans l’idée de poursuivre un travail engagé depuis plusieurs années mais qui avait du mal à avancer jusque-là pour diverses raisons. Aujourd’hui, les opérateurs économiques du monde de l’élevage et céréaliers semblent vouloir passer à une phase opérationnelle pour que nos fermes soient moins dépendantes de l’extérieur et c’est une très bonne chose. La FDSEA avait parfois l’impression de porter seule ce message sur la recherche d’autonomie et la résilience de nos exploitations. Avec un contexte géopolitique bouleversé, une inévitable augmentation du coût de l’énergie, et une empreinte carbone de plus en plus prégnante dans les critères d’accès au marché, assurer notre autonomie est plus que jamais une nécessité et chacun commence à en prendre conscience.

Pour nous, il s’agit dans un premier temps de permettre aux agriculteurs d’assurer leur propre autonomie alimentaire sur leur exploitation. Tout d’abord au niveau fourrager, par des prairies temporaires productives et résistantes aux aléas climatiques, par des prairies permanentes riches en espèces florales diversifiées pour limiter l’apport d’aliments complémentaires, par la sécurisation de la production des fourrages secs ou fermentés avec de l’irrigation quand cela est possible… Ensuite au niveau des concentrés, en encourageant la production de céréales autoconsommées et l’achat de tourteaux produits à l’échelle régionale.

Dans un second temps, il est évidemment nécessaire de valoriser au maximum ce qui peut être produit localement dans notre région plutôt que d’acheter ou de vendre des tourteaux hors de la région, hors de France ou hors d’Europe. Nous avons, en Bourgogne Franche-Comté, des terres permettant de produire tout ce dont les éleveurs ont besoin et même une usine de trituration qui ne demande qu’à se développer. Profilait et les acteurs qui y ont participé ont l’ambition de créer des ponts pour aboutir sur une contractualisation gagnant-gagnant et ainsi créer ensemble, éleveurs et céréaliers, de la valeur ajoutée tout en renforçant notre autonomie régionale et nos outils économiques. La FDSEA du Jura ne peut être que favorable à la démarche et en rappellera les enjeux partout où cela sera nécessaire. »

Les partenaires de Profilait

Le projet Profilait fédère un grand nombre de partenaires :

-La fédération régionale des coopératives laitières (FRCL)

-La FRSEA BFC

-Conseil Elevage

-Les Chambres d'agriculture de Saône-et-Loire et de Côte-d'Or

-La Chambre régionale d'agriculture de BFC

-Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

-Les coopératives Terre Comtoise, Dijon Céréales, Bourgogne du Sud

-L'Institut de l'élevage

-Inrae

-Deshy'21

-CerFrance BFC

-Alliance BFC

-Les producteurs de Comté

-Le Centre interprofessionnel laitier BFC-Est