Inra de Mirecourt
Passer de la gestion à la maîtrise

En 2016, le passage à la monotraite du troupeau laitier de la ferme expérimentale de Mirecourt a provoqué une forte augmentation du nombre de mammites. Les traitements à base d'huile essentielles traitements n'ont pas suffi pour guérir l'ensemble des vaches touchées et 20% d'entre elles ont dû être réformées.
Passer de la gestion à la maîtrise

L'incidence économique de comptages cellulaires élevés et la prédominance des mammites parmi les pathologies rencontrées en élevage laitier font de la santé de la mamelle une source d'inquiétude pour les éleveurs laitiers qui s'engagent dans un projet de conversion à l'agriculture biologique. L'expérience de la ferme de l'Inra de Mirecourt à ce sujet est très instructive. L'installation expérimentale a mené jusqu'en 2015 un projet basé sur l'élevage simultané de deux troupeaux de vaches laitières en agriculture biologique. L'un, d'un effectif de 40 laitières, était conduit en système exclusivement herbager et l'autre (60 têtes) recevait des concentrés issus des cultures de la ferme. Sur la période 2005-2015 ces troupeaux présentaient très peu de mammites : 36 cas en 11 ans, soit en moyenne trois mammites par an.


Un équilibre sanitaire rompu


En 2016 le projet expérimental a fait l'objet d'une réorientation majeure : les deux troupeaux ont été regroupés, pour aboutir à un seul système d'élevage exclusivement herbager. Le troupeau, constituée de Montbéliardes et de Prim'Holstein, dans des proportions égales, est passé en janvier 2016 de deux traites par jour à une monotraite. « Cette modification des pratiques de traite n'a pas été sans conséquence sur la santé du troupeau, comme le montre l'analyse des données sanitaires : ainsi en 2016, sur un effectif moyen de 82 VL, 42 mammites cliniques ont été recensées, touchant 30 individus, soit 36% du troupeau de VL. », relate Clémence Corre dans son rapport de stage de Master ''sciences de l'animal pour l'élevage de demain'' consacré à « l'utilisation de l'aromathérapie dans les élevages français ».
L'aromathérapie constitue en effet un moyen de traitement des mammites important sur la ferme laitière de Mirecourt. Le mélange d'une dizaine d'huiles essentielles est appliqué par massage, après chaque traite, jusqu'à la disparition des symptômes. En 2016, pour traiter les mammites cliniques, l'aromathérapie a constitué 57% des traitements de 1ère intention, généralement en association avec un traitement vétérinaire homéopathique. « Dix mammites subcliniques ont été recensées, chez neuf individus différents, soit 11% de l'effectif du troupeau laitier. Un seul cas de mammite subclinique a dégénéré en mammite clinique. », poursuit Clémence Corre. La gestion de ces mammites subcliniques se fait systématiquement par des traitements conventionnels. Sur les 38 individus atteints par des mammites (subcliniques ou cliniques), 17 ont été réformés pour cette cause, soit 20% du troupeau de vaches laitières.


Retour à l'équilibre


2017 marque un retour à l'équilibre : sur un effectif moyen de 91 VL, 13 cas de mammites cliniques sont recensés, chez 13 individus différents, soit 14% du troupeau de VL. Onze mammites subcliniques sont survenues, dont deux ont dégénéré en mammites cliniques. « Sur les 20 individus atteints de mammites (cliniques ou subcliniques), un seul a été réformé pour cette raison.
Cet exemple concret illustre bien la divergence d'approche de la question de la santé animale en agriculture conventionnelle et biologique. Comme le rappelle le vétérinaire homéopathe Gilles Gromont « dans le système conventionnel, les vaccins et les antiparasitaires systématiques constituent la base de la pyramide de la santé des animaux. Viennent ensuite les corrections éventuelles avec des médicaments (allopathie). Dépourvu des traitements qui constituaient jusqu'alors pour lui des gages de sécurité, l'éleveur biologique est obligé de se reposer sur l'immunité naturelle des animaux, qui constitue dès lors la base de la pyramide. Viennent ensuite les corrections éventuelles avec des solutions alternatives de soins (phytothérapie, aromathérapie, compléments alimentaires), puis enfin l'emploi des vaccins et médicaments autorisés dont l'usage est minoritaire et réservé à des cas précis. » C'est un état d'équilibre en santé animale à l'échelle du troupeau qui est visé. Il se caractérise par une faible proportion d'animaux malades, un recours restreint aux médicaments allopathiques. Un changement d'alimentation, de pratiques – le passage à la monotraite par exemple – de conditions de logement, ou un stress climatique, entraine une rupture d'équilibre et entame la capacité de résistance des animaux aux agressions extérieures. Quand il se convertit à l'agriculture biologique, l'éleveur change de rôle et passe d'une logique de gestion des problèmes sanitaires à une logique de maîtrise sanitaire globale, dont il est le premier acteur à travers le management du troupeau.

AC