Ravageurs
Le campagnol terrestre, ce fléau des prairies

Ils ne cessent de faire parler d’eux, tant leur présence provoque la déboire de certains agriculteurs. Le campagnol terrestre, également connu sous le nom de rat taupier, connaît des pics de pullulation de plus en plus rapprochés dans les massifs cantaliens, ardéchois, alpins et jurassiens. Véritable ravageur des prairies, cet animal fait l’objet de nombreuses luttes et de recherches afin de freiner sa reproduction.

Le campagnol terrestre, ce fléau des prairies
Le campagnol terrestre se nourrit de racines présentes dans les prairies, causant de nombreuses pertes fourragères aux agriculteurs. ©Adrien Pinot

Les dégâts peuvent se compter en dizaines de km² et occasionner jusqu’à 50 % de pertes pour certains agriculteurs. Depuis plusieurs années, les campagnols terrestres sont devenus la petite terreur à quatre pattes des éleveurs de la région. « Nous venons encore d’en avoir dans le Cézallier (Cantal) », déplore Adrien Pinot, maître de conférences à VetAgro Sup Clermont. Si le Cantal semble être la zone la plus touchée, le problème se répand également dans les prairies rhônalpines et jurassiennes. « Ils sont surtout présents dans les milieux herbacés, les prairies et les vergers enherbés », relate Corinne Martins, directrice de la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). Leur principal tort ? Être un fouisseur qui se protège de ses prédateurs en creusant des galeries. Il trouve sa nourriture dans le sol et s’attaque aux racines, ce qui a d’énormes conséquences sur la qualité et la quantité des fourrages.

Une période de reproduction de plus en plus longue

En 2017, une étude a prouvé que le réchauffement climatique influe sur la période de reproduction des campagnols terrestres. « Nous nous sommes rendu compte que cette période, qui se situe normalement du mois de mars à la fin du mois d’octobre, est dorénavant allongée, relate Geoffray Couval, responsable technique à la Fredon Bourgogne-Franche-Comté. Nous sommes dorénavant sur une période de reproduction de la fin du mois de février, jusqu’à la fin du mois de novembre ou début décembre ». La cause ? Des prairies qui sont de moins en moins gelées. Mais un autre problème de taille a récemment fait son apparition : le rapprochement des pics de pullulations. « Tous les 10 ans, la population explose, puis redevient relativement faible jusqu'au prochain pic. Dorénavant, le Cantal connaît des pics tous les 3 ans, voire tous les ans pour certaines communes… L’Ardèche, c’est tous les deux ans », détaille la Fredon Aura.

Depuis une dizaine d'années, le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) a pris le sujet en main et finance une partie de la lutte. Son objectif est de limiter la reproduction à basse densité de population, grâce à des moyens de lutte directs (utilisation de raticide et piégeages) et indirects. « Si le campagnol est présent à plus de 30 % de surface sur la prairie, l'agriculteur aura du mal à contenir la pullulation, c’est pour cela que nous insistons sur le traitement en début d'infestation », martèle Corinne Martins. Les chercheurs estiment qu’un couple de campagnols va engendrer 100 à 120 individus à l’automne. Agir sur les foyers de basse densité est donc essentiel.

Parmi les méthodes indirectes utilisées, la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes recommande notamment le labour, qui creuse les galeries créées par les campagnols. Ils seront alors plus occupés à recreuser, qu’à se reproduire. Le pâturage des vaches, ainsi que l’hersage, permettent également de casser les galeries superficielles. Dans le Haut-Doubs, une expérimentation d’une durée de cinq ans a été lancée, afin de réduire la surface en herbes des prairies. Perchés à 1000 m d’altitude, les agriculteurs cultivent du triticale, de l’orge et du blé panifiable. Cette action vise en premier lieu à créer un milieu défavorable pour le campagnol et ainsi éviter les pullulations. Mais elle présente aussi d’autres avantages comme la production de céréales et de paille pouvant être autoconsommées et la rénovation de la flore des prairies. La réimplantation de haies présente, quant à elle, l’avantage de favoriser la prédation des renards, buses et faucons durant les phases de basse densité.

Mais ces solutions ne peuvent s’appliquer sur tous les territoires. Si le risque de pullulation est régi par le taux de surface en herbe, ces surfaces sont primordiales pour de nombreuses appellations fromagères des territoires auvergnats, rhônalpins et jurassiens. Les réduire serait prendre le risque d’impacter toute une économie locale. À plus d’un titre, détruire totalement la population de campagnols terrestres paraît donc illusoire. Restent les avancées de la recherche (lire encadré) et les stratégies de lutte à basse densité, à adopter en collectif.

Léa Rochon

Informations pratiques : Les agriculteurs qui le souhaitent peuvent demander les dates de formation consacrée aux campagnols terrestres auprès de leur organisme à vocation sanitaire (OVS). Les prochaines auront lieu, selon le nombre d’inscrits, le 22 novembre 2023 à Chanas (Isère) et le 23 novembre 2023 au Puy-en-Velay (Haute-Loire). Plus d’informations au 04.75.55.81.81 ou à l’adresse mail [email protected].

Bien que le campagnol terrestre soit le plus répandu et le plus dommageable aux prairies et aux vergers enherbés, deux autres espèces de campagnols sont présentes en Auvergne-Rhône-Alpes. Le campagnol des champs occasionne des pertes sur les luzernières, tandis que le campagnol provençal s’attaque aux vergers irrigués. Mais ces deux dernières espèces ont des pullulations moins synchroniques et provoquent des dégâts beaucoup plus ponctuels.