Session de chambre
« Pas de mise sous cloche des espaces ruraux ! »

Trois motions ont été présentées lors de la session de chambre du 25 novembre, concernant la présence du loup, la création d’un Parc Naturel Zone Humide en Bresse et Basse Vallée du Doubs et la grippe aviaire. Les deux premières ont été adoptées.

« Pas de mise sous cloche des espaces ruraux ! »
(de gauche à droite) Estelle Wurpillot, directrice de la chambre d’agriculture, François Lavrut, président, Serge Castel, préfet du Jura, Christophe Buchet, vice-président de la chambre et Franck David, vice-président du conseil départemental

« Nous ne sommes pas des ennemis de la biodiversité mais il faut se rendre compte de notre situation face à un nombre de loups croissant sur le département. C’est intenable d’aller voir ses bêtes tous les matins avec la peur au vendre sans savoir combien auront été prédatées ». Par ces mots, Philippe Cornu, président des JA du Jura, introduit la motion présentée conjointement par son syndicat et la FDSEA, soulevant au passage la contradiction entre le bien-être animal prôné par la société et cette prédation sauvage.

A travers cette motion, les deux syndicats réclament la mise en œuvre d’actions sur les élevages bovins, ovins, caprins et équins et dénoncent les « propositions inapplicables » qui consistent à clôturer de nombreux espaces au détriment des pâturages et à adopter des chiens de protection en grand nombre dont « le comportement n’est pas compatible avec le développement du tourisme ».

Modalités de tir identiques pour toutes les espèces

Ils saluent la réactivité des services préfectoraux et de la DDT pour favoriser des actions de défense prévues par le plan loup mais demandent que le futur plan permette de procéder à des tirs létaux sur des parcelles de l’exploitation touchée mais aussi sur les parcelles voisines, ce qui est aujourd’hui interdit et que les modalités d’intervention soient identiques quelle que soit l’espèce animale prédatée. « La proximité du loup doit suffire pour procéder au tir, même si celui-ci n’est pas en position d’attaque ».

Ils souhaitent aussi que tout le département soit classé « non protégeable », que l’Etat assure un suivi régulier et transparent des attaques et une évolution du statut du loup dans la convention de Berne, le faisant passer « d’espèce strictement protégée » à « espèce protégée » Cette motion a été adoptée à l’unanimité (lire aussi pages 6 et 7).

Classement incompatible avec nos pratiques

La deuxième motion, présentée par la FDSEA s’oppose à la création d’un Parc Naturel Zone Humide en Bresse et Basse Vallée du Doubs, déjà envisagé il y a douze ans et que la profession avait à l’époque rejeté. Mais le ministère de l’écologie mentionne à nouveau ce secteur comme susceptible d’être classé PNZH. La venue d’un chargé de mission est annoncée prochainement dans la Jura sans qu’aucune organisation professionnelle agricole ne soit invitée.

« Ce classement en zone de protection forte est incompatible avec nos pratiques agricoles, » précise Christophe Buchet, président de la FDSEA. « Plus globalement, nous nous opposons à toutes les formes de mises sous cloche des espaces ruraux ». Il demande l’abandon « officiel et définitif » de ce projet. Cette motion a elle aussi été validée avec deux abstentions.

Vaccination contre la grippe aviaire

La troisième motion, présentée par la confédération paysanne concernait les mesures de lutte contre la grippe aviaire. Le syndicat minoritaire demandait la suppression de la claustration obligatoire des volailles, le rétablissement des dérogations à faire du plein-air pour les petits élevages, la mise en place d’un moratoire sur les nouveaux bâtiments d’élevage dans les zones denses, la prise en charge des frais induits par les arrêtés préfectoraux, l’interdiction de la dérogation d’étiquetage « plein air » lorsque les animaux sont confinés et que les éleveurs aient le choix de vacciner ou non leurs volailles.

« La vaccination n’est pas au point mais quand elle le sera, il faut que tout le monde vaccine. C’est comme pour la crise du covid, » a réagi François Lavrut, président de la chambre. Cette motion a été rejetée par la majorité des votants.

S.C.

Ils ont dit

François Lavrut, président de la chambre d’Agriculture : « Nous assistons aujourd'hui démunis à des attaques de loup sur bovins, sur nos montbéliardes. Ces dernières représentent notre outil de travail, notre passion, la richesse de nos territoires. Je côtoie des agricultrices, des agriculteurs, des maires de communes rurales, des parents d'enfants désemparés par ce phénomène nouveau qui instaure la psychose dans nos campagnes ».

Philippe Cornu, président des JA du Jura : « Nous ne nous faisons plus d'illusions sur la DJA, nous savons que nous allons perdre 30% de dotation à l'installation. Le changement climatique, la présence de prédateurs, l'agribashing nous inquiètent mais nous continuerons à faire la promotion de notre métier, pour créer des vocations et trouver les agriculteurs de demain ».

Franck David, vice-président en charge de l’agriculture au conseil départemental : « Certains secteurs du département connaissent une désertification en vétérinaires. Bientôt des éleveurs ne trouveront plus de vétérinaire à moins de 50 km. Ça devient catastrophique pour les élevages en plaine. Nous devons nous emparer du sujet ».

Christophe Buchet, vice-président de la chambre d’Agriculture : « La situation est compliquée même si sur certaines filières les prix permettent de contenir la hausse des coûts de production. Si l’année 2022 sera globalement bonne, il reste beaucoup d’incertitudes et un manque de visibilité sur l’avenir. Nous évoluons dans un environnement anxiogène mais les agriculteurs sont prêts à jouer leur rôle si on leur en donne les moyens et qu’on desserre le carcan réglementaire. »

Marie Christine Dalloz, député : « J’ai déposé un amendement contre l’agribashing, demandant que les dons aux associations qui commettent des actes illicites comme l’introduction dans une exploitation ne bénéficient plus de réduction d’impôt de 66%. Depuis j’ai reçu 1700 mails incendiaires et j’ai dû bloquer plus de 800 personnes. C’est inquiétant de ne plus pouvoir se positionner sans être harcelé ».

Danielle Brulebois, député : « L’assurance récolte est une réforme structurelle attendue car nécessaire pour la résilience de notre agriculture face au changement climatique. La solidarité nationale en est la pierre angulaire. Il faudra adapter cette assurance aux différentes filières pour qu’elle soit accessible à tous ».

Serge Castel, préfet du Jura : « La consommation de viande va diminuer. Pour que les éleveurs s’y retrouvent et récupèrent de la valeur ajoutée, il faut transformer sur place et créer des circuits courts. Donc il vous faut un abattoir mais si rien n’est fait, celui de Lons-le-Saunier disparaîtra d’ici cinq ans. C’est le grand défi des six prochains mois, après ce sera trop tard. Si nous laissons passer l’occasion, la filière bovin-viande dans le Jura n’existera plus ».