FNSEA
Deux jours d'immersion à la FNSEA

Les 12 et 13 janvier derniers, la FDSEA du Jura organisait un conseil d'administration dans les murs de la FNSEA à Paris en présence de plusieurs membres du bureau de la structure nationale. Deux journées pour mieux comprendre l'envers du décor et le fonctionnement du premier syndicat agricole de France et balayer l'ensemble des dossiers d'actualité.
Deux jours d'immersion à la FNSEA

C'est tout d'abord Henri Brichard, ancien président de la Fédération nationale des producteurs de lait et vice-président de la FNSEA qui est intervenu sur l'économie et la politique agricole commune. Cette entrée en matière sur la situation des marchés a permis de rappeler les différentes évolutions et le rôle de la puissance publique au niveau national et européen.

Si hier avec les quotas et d'autres mesures d'intervention, les prix étaient soutenus, la libération des marchés s'est traduite par une suppression progressive de l'ensemble de ces outils, laissant la place à davantage de volatilité. Henri Brichard dresse d'ailleurs un constat inquiétant : « Il n'existe plus grand-chose de concret dans la Pac pour permettre aux agriculteurs de trouver des solutions à la volatilité des marchés. Qu'on le veuille ou non, cette situation est une réalité et il n'y a pas de volonté politique suffisante pour revenir en arrière ». Pour autant, il existe des pistes au travers de la contractualisation. Encore faut-il que la signature des différents acteurs des filières ait encore une valeur et ce n'est pas la crise actuelle qui va inciter à la confiance.

 


Une contractualisation équilibrée et encadrée constitue une piste sérieuse surtout si les producteurs acceptent de sortir de la politique de l'offre pour mieux se soucier des besoins des marchés. La composition des prix est de plus en plus « privée ». Il y donc de plus en plus nécessité à construire les prix à défaut de pouvoir les imposer. Si la construction de prix intégrant en particulier la notion de coût de production est une nécessité, la mise en place d'outils de gestion de crise en est une également. Les dispositifs assurantiels sur les prix sont intéressants mais présentent de sérieuses limites en particulier lorsque plusieurs productions sont en crise en même temps.
Parmi les autres pistes à l'étude et présentée cette fois par le président de la FNSEA, Xavier Beulin, la mise en place d'un fonds alimenté par une taxe sur l'ensemble des produits alimentaires venus de France et d'ailleurs et commercialisés par les GMS. Ce fonds dont les principes de fonctionnement sont assez similaires à la TVA sociale serait ensuite redistribué aux producteurs en période de crise quand le produit de la TVA sociale permet de limiter les charges. Ce nouveau dispositif est actuellement opérationnel en Belgique et présente l'intérêt de ne pas générer de distorsions de concurrence puisqu'il relève de l'organisation privée des filières.
Dans le contexte de crise que traversent de nombreuses filières, plusieurs administrateurs de la FDSEA du Jura sont revenus tour à tour sur les mesures de régulation publiques et la nécessité de les remettre en route. Xavier Beulin et l'ensemble des membres du bureau de la FNSEA partagent cette position mais font le constat de l'incapacité ou de l'impossibilité de la France à inverser cette tendance à la libéralisation des marchés et à peser sur les orientations européennes. Face à ce constat, la FNSEA a fait le choix de poursuivre cette revendication tout en recherchant des solutions pour devenir davantage acteur de la construction des prix.

 

 

Concernant la question de la restructuration des exploitations, Xavier Beulin a été particulièrement clairs : « Il y a des tailles critiques mais je ne suis pas convaincu que plus les exploitations sont grosses plus elles sont en capacité de produire à bas coût, en particulier en élevage ». Ce positionnement a eu le mérite de remettre la question des coûts de production et des charges au centre des débats : charges sociales mais également, contraintes environnementales.
C'est dans ce cadre que le président de la commission Environnement de la FNSEA, Eric Thirouin est intervenu. Là encore, en expliquant le positionnement politique et la stratégie syndicale de la FNSEA. « En faisant la politique de la chaise vide ou en ne mettant pas de propositions sur la table nous ne sommes pas entendus. » Parmi les nombreux sujets traités par la FNSEA, l'environnement est certainement l'un des plus difficiles techniquement. Chacun est bien entendu tenté de dire stop à toutes les évolutions réglementaires mais le mouvement est en marche et si la FNSEA ne travaille pas ce sujet dans les détails, les décisions s'appliqueront sans nuances pour les agriculteurs. C'est un choix délibéré qui a été fait d'investir sur ce sujet, de rechercher des compromis, des adaptations et des alternatives aux transcriptions réglementaires réalisées par les ministères. La liste est impressionnante et particulièrement indigeste et les avancées trop souvent impossibles à expliquer tant les dossiers sont complexes à l'exemple de la directive nitrates, les cours d'eaux, les différents schémas, Natura 2000, les mesures de protection, les BCAE, les compensations écologiques, les installations classées ... Lorsque le premier ministre s'engage à ne pas surtransposer les textes européens et que le secteur agricole est concerné par une vingtaine de directions issues de différents ministères, il vaut mieux savoir de quoi on parle. Même si chacun est tenté de rejeter en bloc des mesures qui ne sont synonymes que de contraintes, seul l'investissement technique dans ces dossiers permet de les faire évoluer et c'est le choix qu'a fait la FNSEA.
Après ces deux journées d'immersion et un programme de rencontres particulièrement dense, chacun a pu faire le lien entre son rôle de représentant local et l'action des représentants nationaux en direction du gouvernement et des instances européennes. Dans le cadre d'un échange direct avec le président Xavier Beulin comme avec le secrétaire général Dominique Barrau, chacun a pu faire part de ses remarques, voir de ses critiques sur la stratégie de la structure syndicale.
Dans le cadre de l'assemblée générale de la FDSEA du Jura qui aura lieu à Dole le 19 février prochain, Xavier Beulin qui en sera l'invité s'est dit prêt à poursuivre les échanges dans le même état d'esprit.

 

Rungis : le plus grand marché du monde

 

En marge des échanges à la FNSEA, les membres du conseil d'administration de la FDSEA ont participé à la visite du marché d'intérêt national (MIN) de Rungis dès 4 h du matin. Construit en 1964 après la fermeture des halles au centre de Paris, le marché de Rungis est géré par une société d'économie mixte, la Semmaris. Le site s'étend sur près de 600 ha avec plus de 70 ha couverts et il est approvisionné en permanence par camions, trains et avions en provenance du monde entier.
D'ailleurs, toutes les sociétés de service nécessaires au bon fonctionnement du MIN sont présentes sur place : de l'agence de voyage à la location de véhicules frigo en passant par la restauration.
Le marché est particulièrement alimenté en légumes et fruits produits de la mer (1 pavillon), produits d'élevages (viande, volailles, gibier, œufs), fromages (1 pavillon), fleurs (1 pavillon) et prochainement produits bio (1 pavillon). Avec onze bâtiments, répartis sur 66 hectares, le secteur des fruits et légumes est, de très loin, le plus important.
18 millions de personnes consomment chaque jour, en Europe, des produits issus du marché d'intérêt national de Rungis qui est de plus en plus orienté vers le moyen et haut de gamme.
Il constitue un lieu de rencontre privilégié entre producteurs, grossistes et acheteurs. Dans le cadre des réflexions que mène la FNSEA, des contacts sont en cours avec Rungis pour voir comment faciliter l'accès des producteurs, y compris pour de petits volumes, au plus grand marché alimentaire multiproductions au monde.