Viticulture
La coopération reste une force

La Fédération des caves coopératives Bourgogne Jura (FCCBJ), qui regroupe 19 caves dont 4 jurassiennes, tenait son assemblée générale le 17 mars dans les locaux de la fruitière vinicole d’Arbois. Malgré une diminution chronique des surfaces, la coopération possède de nombreux atouts.

La coopération reste une force
Des représentants des 19 caves coopératives adhérentes à la FCCBJ étaient présents

Les participants à l’AG ont été accueillis par le président des lieux, Joël Morin, qui a présenté la structure et son vin phare, le Savagnin. Seule une différence sémantique, relevée par le président de la FCCBJ François Legros, sépare les caves coopératives bourguignonnes des jurassiennes : « Nous sommes aujourd’hui dans le Jura, nous devons utiliser le terme de fruitières ».

« Il y a un mouvement chronique de baisse de surfaces dans nos caves depuis plusieurs années, cela nous interpelle : notre modèle coopératif, qui a de nombreux atouts, perdrait-il de son attrait ? Notre projet se heurte à l’individualisme grandissant, à un enseignement peut-être trop formaté ‘caves particulières’, à des cours du vrac attractifs… ».

« Nous ne sommes pas tout seuls »

Malgré ce premier constat, la coopération reste une force pour François Legros : « Nous n’avons pas à rougir des résultats chez les coopérateurs, la redistribution leur profite pleinement. Nous avons toutes les cartes en main pour nous préparer à des années incertaines, par des investissements réfléchis, par la mutualisation des équipes et du matériel, par des conseils d’administration au plus proche du terrain, par nos certifications et labels… La capacité collective du groupe est supérieure à la capacité cumulée de chacun pris isolément ».

Pour promouvoir ce système coopératif, la FCCBJ organise de nombreuses actions. Le groupe jeune a travaillé sur une plaquette de communication et est à l'origine d’une vidéo « fier d'être vigneron coopérateur » qui rappelle, à travers des témoignages, le rôle des caves coopératives et le soutien qu’elles apportent à leurs adhérents : « Le métier de vigneron se complexifie, il y a de plus en plus d’administratif. Mais nous ne sommes pas tout seuls, il y a toujours quelqu’un pour aider dans un esprit convivial, pour prêter du matériel ». Cette vidéo, visible sur le site fccbj.fr, est valorisée lors de chaque occasion.

Joël Morin, président de la fruitière vinicole d’Arbois et François Legros, président de la fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura

Idées reçues

La FCCBJ est aussi intervenue à 12 reprises cette année dans des établissements scolaires, principalement des lycées agricoles, des MFR, des CPPA et à Agrosup, touchant au total 340 élèves. « Ces rencontres nous permettent de répondre aux idées préconçues, » résume Elodie Segaud, déléguée générale de la FCCBJ. « Nous entendons régulièrement que ceux qui choisissent la coopération n’ont pas envie de vinifier ou n’ont aucune relation avec la clientèle… Pourtant les vignerons peuvent exister au sein des caves coopératives, à travers des vins de domaine parcellaire ou des cuvées nominatives ».

Une région locomotive

Cette année, la FCCBJ a aussi choisi d’intégrer le réseau national des Vignerons Coopérateurs de France. « Nous profiterons d’une synergie, pourrons partager nos pratiques et faire remonter nos inquiétudes sur les sujets d'actualité comme l'étiquetage ou les bilans carbone, » estime François Legros.

Les Vignerons coopérateurs de France étaient d’ailleurs invités à cette AG. « Je suis heureux d'être dans une région viticole qui se porte bien », a lancé leur président Joël Boueilh, « ce n'est pas toujours le cas. Nous avons besoin de locomotives ». Il a aussi profité de l’occasion pour annoncer la tenue à Dijon de leur congrès 2023 avant de rappeler la baisse régulière de la consommation de vin en France et la nécessité de renforcer l’attractivité des caves coopératives.

S.C.

Des exportations bouleversées
Jura

Des exportations bouleversées

« La bonne taille des bouteilles est 62 centilitres ». Faisant référence au Clavelin, la bouteille typique du Vin jaune, Olivier Badoureaux, directeur du Comité interprofessionnel des vins du Jura (CIVJ) taquine ces homologues bourguignons avant de faire un point sur les ventes. « Notre vignoble est unique et multiple : sur seulement 2000 hectares nous avons cinq cépages et produisons quinze vins différents ».

Sur la récolte 2021-2022, le Jura a produit 70 977 hectolitres, soit une hausse de 7% par rapport à l'année précédente. La couleur dominante reste le blanc qui représente 80% de la production (crémants et vin jaune inclus).  « Le vin jaune est un totem identitaire pour faire parler du Jura, » poursuit le directeur du CIVJ. « Il représente 5% de la production mais 30% de l'espace médiatique ». Les caves coopératives représentaient 22,8% des sorties.

En 2022, 1,24 million de litres ont été exportés. Bon an mal an, l'export représente entre 22 et 25% de la production. Traditionnellement les USA, le Royaume-Uni, le Canada, l'Italie et l'Allemagne étaient les cinq plus gros importateurs. Cette année, ce classement a été bouleversé : les ventes se sont principalement faites en direction, dans l’ordre, de la Belgique, de la Norvège, des USA, de la Suèdes, de la Suède et du Royaume-Uni. Les Anglo-saxons sont de gros consommateurs de crémant du Jura.

Baisse des volumes mais hausse des prix
Bourgogne

Baisse des volumes mais hausse des prix

À l'inverse du Jura, la Bourgogne produit historiquement des vins rouges même si depuis 1980 les blancs sont en forte croissance. « Depuis 2003 la production moyenne diminue régulièrement, les oscillations sont de plus en plus importantes entre les petites et les bonnes récoltes ».

2022 a été une très belle récolte mais 2021 a été un petit millésime. Les volumes proposés à l'export ont donc fortement diminué. « Le problème c'est que les places laissées sont prises par les autres, poursuit Philippe Longepierre, Directeur Marchés et Développement du BIVB. Nous allons devoir nous battre pour les récupérer ». Mais cette diminution des volumes à l’export est contrebalancée par une augmentation des prix, permettant au chiffre d’affaires de croître de 13% pour s’établir à 1,5 Md d’euros. « Par rapport à la moyenne des 5 dernières années, cette croissance est de 45% ».

Les caves coopératives représentent 20% du stock bourguignon en janvier 2023, soit 568 000 hectolitres (en augmentation de 27% par rapport à janvier 2022). D’aout à janvier 2023, les coops ont vendu 17 millions d’équivalent bouteilles (18% des ventes totales).

Le réemploi pour diminuer l’empreinte carbone

L’association nationale des vignerons coopérateurs a profité de sa présence à l’AG de la FCCBJ pour faire des points sur les récentes évolutions législatives impactant les vignerons et sur les aides que peuvent apporter les caves à leurs coopérateurs.

Camille Giraud, responsable environnement et transition agro-écologique, a évoqué les nouvelles règles d'étiquetage prévues par la PAC.  « A partir du 8 décembre 2023, la valeur énergétique, les allergènes et ingrédients potentiellement responsables d’intolérance devront obligatoirement figurer sur les bouteilles. La déclaration nutritionnelle complète et la liste des ingrédients pourront être dématérialisées ».

Autre nouveauté : la directive européenne sur les déchets dont la plupart des prérogatives se trouvent déjà dans la loi Agec. Les emballages, donc les bouteilles, devront être réutilisés à hauteur de 5% dès janvier 2030 puis 15% à partir de 2040. Les vins mousseux sont exclus de ces objectifs à cause des possibles risques d'explosion des bouteilles. « Ce réemploi est un levier pour diminuer l’empreinte carbone des caves car 50% du poids carbone d'une bouteille de vin est liée à son conditionnement, » précise Joël Boueilh.

En parallèle, les consommateurs devront aussi être informés des caractéristiques environnementales des produits : recyclabilité, compostabilité, possibilité de réemploi, présence de substances dangereuses, primes ou pénalités appliquées... Toutes ces informations devront être accessibles au format dématérialisé sauf le pourcentage de matière recyclée qui doit figurer sur la bouteille.

Avances, prêts, aides et délais 

Charles Guillaume, responsable juridique, est revenu sur les aides financières que les caves peuvent apporter à leurs coopérateurs. Quatre principaux outils sont à leur disposition : avance de paiement, prêts, aides et délais de paiement. Pour chacun de ces leviers, le règlement intérieur doit définir le principe et les modalités d'octroi. « Il est aussi important de prévoir un contrat entre la cave et le coopérateur, précisant notamment les conditions de remboursement en cas de sortie anticipée ». Les avances de paiement sont la solution la plus souvent retenue. Les aides directes servent à orienter ou diversifier les vignobles, conserver certains cépages ou diminuer les risques.

Plus rarement utilisées, d’autres solutions existent : les caves ont la possibilité de bonifier des points d’intérêt dans un prêt, de signer un bail tripartite ou de se porter caution sous certaines conditions « mais cela peut être dangereux ».

S.C.

Joël Boueilh, president des vignerons coopérateurs de France et Charles Guillaumes, responsable juridique

Région : les formations viticoles remises en question

A l’issue de l’assemblée générale, Jean-Philippe Lachaize, directeur du lycée Lucie Aubrac Mâcon-Davayé a alerté les vignerons coopératifs sur la baisse du budget alloué par le conseil régional aux formations professionnelles : « Il a été taillé de 50% et a perdu en tout 80 millions d’euros. Sous prétexte qu'il n'y avait pas besoin d'emploi en viticulture, des formations viticoles sont supprimées.  A Davayé, exit le BTS viti-oeno qui a formé des générations de viticulteurs ! Exit le BTA taille de la vigne ! Exit le CS tractoriste ! Cela aura des conséquences sur les lycées agricoles mais aussi pour les viticulteurs ». Le directeur regrette que la région n’ait utilisé que les chiffres de Pôle Emploi sans prendre en compte ceux des agences spécialisées.

Philippe Legros propose d'envoyer, au nom de la FCCBJ, un courrier au Conseil régional signé de toutes les caves coopératives adhérentes pour signifier leur mécontentement.