Administration
« Respecter un équilibre entre réglementation et conseil »

Nicolas Fourrier, nouveau directeur de la DDT du Jura, en poste depuis moins d’une semaine, est venu rencontrer le conseil d’administration de la FDSEA ce vendredi 22 juillet dans la salle des fêtes de Courbouzon. Ce fut l’occasion d’évoquer l’agriculture départementale, les différentes problématiques qu’elle connaît et ses rapports avec l’administration.

« Respecter un équilibre entre réglementation et conseil »
Nicolas Fourrier, nouveau directeur de la DDT du Jura

Officiellement en poste dans le Jura depuis le 15 juillet, Nicolas Fourrier était auparavant directeur adjoint de la DDT du Calvados. « Je suis ravi d’avoir ce poste, » explique-t-il en préambule, « le Jura, c’est chez moi : petit-fils d’agriculteur à la Tour du meix, je suis né à Lons-le-Saunier. Je me rends compte que venir travailler dans un département où on est né ne facilite pas forcément les missions. La géographie, ça va mais on ne voit pas sous le même angle les problématiques d’une DDT sur le territoire : pour moi jusque-là Chalain était synonyme de baignade, et non de gestion de l’eau. Donc n’hésitez jamais à me remettre des éléments. »

Après avoir fait l’Ecole des Mines, Nicolas Fourrier est arrivé dans l'administration à la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) de Champagne-Ardenne. « Mon ADN, c’était l'industrie, le développement de filières et le sauvetage des entreprises en difficulté. J’ai fait ça pendant 20 ans. Par exemple, dans la métallurgie, je m’occupais du lien entre les fonderies et les labos de recherche ».

Il a ensuite été nommé commissaire au redressement productif du cabinet Arnaud Montebourg ou il travaillait beaucoup avec les abattoirs qui n’allait pas bien après la crise des subprimes et avait la charge du développement des entreprise avec le financement de grands projets et l’alignement des procédures.

« Il y a 6 ans, je suis parti en Martinique pour m’occuper de risque, ce qui m’a permis d’avoir une approche beaucoup plus axée sur le territoire. »

 Ensuite directeur adjoint de la DDT du Calvados, il n’avait pas en suivi quotidien les problématiques du service agricole mais a côtoyé l’agriculture sur certains dossiers dont il avait la charge comme la gestion de l’eau (irrigation, prélèvements dans les nappes, conciliation entre la ressource et les usages). Il a participé à la mise en place d’une autorisation unique de prélèvement pour l’ensemble des agriculteurs. Parmi les autres dossiers qu’il suivait, les dégâts de gibier, très présents dans ce département, le développement des énergies renouvelables et la gestion des haies (protection environnementale, production de copeaux pour les chaudières publiques, et valorisation des certificats d’économie d’énergie et du carbone).

L’administration à portée d’engueulade

A son arrivée dans le Jura, le premier interlocuteur qu’il a rencontré était la chambre d’Agriculture et son président François Lavrut. Le préfet David Philot lui a demandé de respecter un équilibre entre la réglementation et le conseil : « La règle doit être appliquée avec discernement et pédagogie mais en amont il faut conseiller et faire avancer les dossiers. Je veux être à l'écoute et connecté au terrain car l'état se segmente entre les niveaux nationaux qui réglementent, les niveaux régionaux qui coordonnent et les départements qui sont censés faire. Nous devons être des décrypteurs de complexité. Les normes s’empilent depuis des années, l'administration, à portée d'engueulade, a un rôle d'expert. Elle doit vulgariser et partager les réglementations et ses évolutions des règles. On est censé porter la simplification administrative. Equité n'est pas forcément égalité : le préfet nous demande de trouver des solutions adaptées au territoire ».

 « Nous sommes tous conscients de l'aspect réglementaire même si l'empilement de réglementation et les normes sont de plus en plus compliquées, » a répondu Christophe Buchet, président de la FDSEA. « Nous sommes capables d'entendre les choses, de travailler dans le consensus, je pense notamment à l’arrêté sècheresse, de proposer mais aussi de dire ce qui ne va pas. Mais il faut que nos interlocuteurs soient à l’écoute. Les problématiques environnementales nous prennent beaucoup de temps et d’énergie et nous avons parfois du mal à nous entendre avec des services de l’État, qui ne dépendent pas forcément de la DDT ou de la Préfecture. »

DJA : un sentiment de double peine

Philippe Cornu, président des JA a ensuite évoqué l’installation et l’emploi : « La dynamique installation est assez bonne sur le département mais ce n'est pas suffisant car il y a de gros problèmes d'emploi avec des difficultés pour trouver des salariés et des associés lors de départ en retraite. Le gros dossier actuel est la passation de la DDT à la région du dispositif installation et de la DJA qui risque de baisser de 30 % avec la suppression de la 4eme modulation ». Outre la baisse des aides, la seconde l'inquiétude des jeunes agriculteurs est de perdre en proximité, de perdre les contacts qu'ils avaient à la DDT qui suivait les dossiers. « Nous avons un sentiment de double peine ».

Nicolas fourrier a affirmé qu’il fera tout pour atténuer ce changement : « Nous partagerons nos pratiques, transférerons les dossiers et deux agents jurassiens basculeront vers la région. Mais nous ne savons pas si les dossiers à la DDT au 31 décembre seront récupérés par la région ou si nous finirons de les instruire. »

Concernant la PAC, le conseil d’administration de la FDSEA a demandé à avoir un contact à la DDT « car l'ASP, organisme payeur, est très difficile à joindre ». La DDT doit rencontrer l’ASP début août au sujet de la nouvelle pac 2023.  Nicolas Fourrier rappelle qu'en 2015, lors du précédent changement, les retards de paiement ont été importants, de plusieurs mois, voire de plusieurs années. « Nous avons la même crainte avec l'apport numérique de photo satellite même si la seconde phase de test a montré beaucoup d'améliorations mais il reste des problèmes avec les iPhones » (Lire article page 9). Une communication commune de la DDT avec la chambre d’Agriculture est d’ores et déjà prévue cet automne sur cette nouvelle PAC. « L'administration doit avoir une entrée très pédagogique car c'est parfois vécu comme du flicage, » a prévenu Christophe Buchet.

Loup : prévenir la DDT le plus rapidement possible

Interpelé sur le loup, Nicolas Fourrier a rappelé qu'il s'agissait d'une espèce protégée et que les services de l’Etat avaient envoyé un mail à tous les éleveurs pour rappeler les règles : « On ne peut tirer dessus qu’après une attaque avec autorisation préfectorale. Avant, on peut seulement l'effaroucher en respectant les consignes. » Il rappelle aussi l'importance de contacter les services le plus rapidement possible en cas d’attaque sur un troupeau (une permanence téléphonique est mise en place le week-end) pour que la DDT prépare très vite l'arrêté correspondant car les loups reviennent souvent sur leur lieu d'attaque.

D’autres sujets ont ensuite été évoqués lors de cette première prise de contact : les haies, la cartographie hydrologique qui a vu certains fossés de drainage créé par l’eau classés comme cours d’eau, le casse-cailloux, les zones Natura 2000… Une rencontre jugée constructive par la FDSEA du Jura qui attend maintenant une mise en pratique rapide de ces bonnes intentions sur des sujets conflictuels.

 

S.C.