Les producteurs de lait de la zone Jura-Bresse ont retrouvé des couleurs en 2022 avec un contexte économique qui a fait monter le prix du lait. Et cette revalorisation n’est pas terminée. L’engagement massif des éleveurs dans AlimFrance, la concurrence des laiteries entre elles, la loi EGAlim et une ressource laitière qui se raréfie en France, l’OP Jura-Bresse est aujourd’hui en bonne position.
2022 aura été marquée par une envolée des prix et une inflation sans précédent, la conséquence de l’après Covid mais aussi du conflit en Ukraine qui a généré des tensions sur les marchés, sans oublier le changement climatique. Si ce contexte haussier a profité aux vendeurs de céréales ou de vaches de réforme, il s’est aussi traduit par un fort rebond des charges. Aussi, « une augmentation significative du prix du lait s’avérait nécessaire pour maintenir un équilibre économique au sein de nos exploitations », rapporte Anthony Ecoiffier, président de l’Association Laitière Jura Bresse (ALJB). Cette Organisation de Producteurs (OP) a donc provoqué deux sessions de négociation avec son entreprise Danone. La formule de prix a été réactualisée et une revalorisation du prix du lait a été obtenue. Ce prix est passé de 388 à 446 €/1.000 litres de lait en 2022. Une augmentation significative mais encore insuffisante, expliquent les responsables de l’ALJB dont l’assemblée générale a eu lieu le 22 février dernier à Serley.
Une carte laitière régionale redessinée
En effet, ce prix demeure « plutôt dans la moyenne basse de notre environnement régional », faisait valoir Anthony Ecoiffier. Or la zone de production Jura Bresse est redevenue attractive pour les entreprises de transformation laitière qui se livrent une concurrence nouvelle, provoquant « des mouvements de producteurs d’une laiterie à l’autre ». Ainsi, en 2022, l’ALJB a-t-elle vu le départ de trois de ses producteurs pour une laiterie de l’Ain. Dans une carte laitière régionale redessinée, la ressource en lait devient précieuse et elle suscite des convoitises alors même que la pyramide des âges, le manque de main-d’œuvre et la concurrence des productions végétales menacent. Ce contexte justifie donc de nouveaux efforts de la part de Danone, d’autant que les éleveurs se sont investis dans la qualité du lait, le bien-être animal et l’amélioration du bilan carbone, argumentait Anthony Ecoiffier.
95 % des producteurs engagés dans AlimFrance
95 % des producteurs de l’ALJB livrant à Danone répondent aujourd’hui favorablement au cahier des charges AlimFrance. C’est un autre fait marquant de 2022 : les éleveurs se sont engagés massivement dans ce programme vertueux porté par Danone. Ils en ont intégré les contraintes techniques et ils ont bon espoir que cet effort inédit, que seule l’OP Jura Bresse a su consentir, puisse déboucher sur une réelle plus-value. C’est d’ailleurs l’un des principaux axes de travail de l’OP pour 2023 qui souhaite « concrétiser avec l’équipe de Danone la mise en place de la valorisation de cette différenciation », expose Anthony Ecoiffier.
Augmentation de prix inéluctable
Une augmentation du prix du lait pour 2023 est inéluctable pour les producteurs de l’ALJB. Les améliorations apportées à la formule de prix doivent le permettre. « Nous avons également bon espoir que les négociations commerciales entre Danone et la grande distribution puissent apporter une bonification », poursuit le président. Les producteurs comptent sur les effets de la loi EGAlim qui rend obligatoire la transparence des prix et devrait du même coup contraindre la grande distribution à mieux rémunérer le travail des éleveurs. Grâce à la loi EGAlim, les producteurs ont « l’objectif que le prix soit au moins au niveau du coût de revient, voire mieux », confie Anthony Ecoiffier. Ce prix de revient est passé de 391 à 410 €/1.000 litres en 2021 et il a bondi à 435 € en 2022 et est parti pour atteindre 475 € pour 2023, indique-t-on.
Attractivité retrouvée
En 2022, l’ALJB a livré 52,6 millions de litres de lait. 45 millions de litres ont été livrés à Danone par 72 producteurs. L’association compte aussi 15 producteurs fournissant, depuis quatre ans, la Fromagerie de la Haute Combe pour 7,7 millions de litres de lait (en AOP Morbier payé 580 €/1.000 litres en 2022). Pour 2023, l’ALJB comptera 70 producteurs de lait livreurs à Danone pour environ 43 millions de litres. Deux départs en retraite, une cessation et deux départs pour une autre laiterie sont prévus pour 2023. Un nouvel éleveur devrait rejoindre l’OP en 2024. En dépit de ces départs, Anthony Ecoiffier positive en estimant que « la région a encore de l’avenir dans la production laitière », tant elle « redevient attractive pour les transformateurs laitiers du secteur ». La « moindre ressource laitière » est un argument de poids dans le rapport de force. Le président ajoute que la durabilité de la filière passe aussi par la modernisation des exploitations qui doivent pouvoir investir. Il en va aussi du renouvellement des générations.
Marc Labille