Vaches Jersiaises
« Des yaourts au pays du Comté »

Elles ont des cloches comtoises au cou et paissent dans les montagnes du Jura. Pourtant ce ne sont ni des Montbéliardes, ni des Simmental. Elles ? Ce sont les quarante vaches Jersiaises du Gaec « Les Meuh… tagnes » à Pratz. Avec leur lait particulièrement riche, Angélique et Franck Dutoit produisent yaourts, crème dessert, fromage blanc, faisselle et cancoillotte qu’ils commercialisent en vente directe à la ferme, sur les marchés et dans des commerces du secteur. Ils approvisionnent aussi les cantines de collèges et lycées à Lons-le-Saunier et Morez.

« Des yaourts au pays du Comté »
Les Jersiaises se distinguent par leur petite taille, leur robe marron et leurs yeux cernés de noirs.

L’idée a germé à partir de 2014. Fils d’agriculteur, Franck Dutoit travaillait dans l’industrie et aidait ses parents à la ferme le soir. « C’était épuisant de faire les deux, il fallait choisir et j’ai décidé de me consacrer à l’élevage, » raconte-t-il. « C’est un retour aux sources ! ».

D’emblée, il s’oriente sur la race jersiaise et la production de yaourts. « J’ai fait ce choix car je connaissais quelqu’un non loin d’ici qui élevait des Jersiaises. La qualité de leur lait permet sa transformation sans rajout de produit », explique Franck. « C'est le lait le plus digeste malgré sa richesse. Ce n'est pas possible d'avoir des produits aussi crémeux avec le lait des Montbéliardes ». En effet, cette race originaire de l’île anglo-normande de Jersey est réputée pour la teneur élevée en protéine, mais aussi en phosphore et en calcium, de son lait.

Malgré son aspect élégant, cette vache de petite taille (elle pèse en moyenne 450 kilos) et aux yeux de biche, à la robe marron plus ou moins foncé pouvant éventuellement virer sur le noir ou le gris, est très rustique. « Elles se sont bien acclimatées dans le Jura. Elles souffrent peu de la sécheresse et supportent bien l'hiver », poursuit l’éleveur. « C'est une race docile et comme nous avons un petit troupeau nous les connaissons toutes et pouvons les caresser ».

Angélique et Franck Dutoit, aux côtés de leur fils cadet Gabin, apprentis à la ferme. Leur fils ainé Anthonin, absent ce jour-là, travaille aussi avec eux.

Le projet prend corps en 2017 avec le début des travaux. « C’était un gros investissement qui s’élevait au départ à 330 000 €. La partie la plus conséquente était pour la réalisation du labo, avec l'achat de la chambre froide et des machines à conditionner. Les banques ont eu du mal à nous suivre au début et nous disaient ‘ Mais qu'est-ce que vous allez faire avec des yaourts au pays du comté ? ‘. C’est pourquoi nous avons réduit la voilure en installant des tunnels pour le fourrage, l’élevage et la traite ».

Une histoire de famille

Au départ, Franck s’est installé en individuel avec seulement 6 vaches, sur la ferme familiale agrandie de terres communales et privées. « Entre le départ à la retraite de mes parents et la reprise, les près sont restés une dizaine d'années sans animaux. Les Jersiaises nous ont bien aidés à défricher, ces vaches mangent tout : le lierre, les noisetiers et même les fleurs de chardon ou les jeunes pousses de ronce ». Il est rapidement rejoint par un de ses fils d’abord en apprentissage puis comme salarié. Les premiers yaourts sont produits dès 2018. Au bout de 2 ans, sa femme Angélique a quitté son emploi à La Poste et, après une formation à l’Enil pour apprendre la transformation du lait, s’installe en Gaec avec Franck. Leur second fils, Gabin, vient aussi d’intégrer le Gaec comme salarié. 

« Le plus compliqué n’a pas été la commercialisation mais la conception du troupeau. Aujourd’hui, nous avons 40 bêtes sur 70 hectares. Ça peut paraître important comme surface mais le terrain est très pauvre car nous sommes sur un plateau avec beaucoup de cailloux. Pour être rentable, nous avons calculé qu’il fallait en traire 14, ce qui dépend des vêlages et du tarissement. Sans excès de farine dans leur alimentation, elles produisent en moyenne 18 l de lait par jour ». Pour atteindre cette rentabilité, tout est valorisé, du veau à la vache de réforme : « Nous faisons aussi quelques veaux croisés avec des Angus sexés pour vendre la viande. Mais ça devient compliqué avec toutes les augmentations. GNR, électricité, emballages, fruits… Tout augmente de manière souvent injustifiée ».

La Jersiaise, réputée affectueuse, se laisse caresser sans difficulté par ses éleveurs.

Les yaourts et autres produits laitiers sont fabriqués au jour le jour, généralement en flux tendu, et sont vendus à la boutique à la ferme, sur les marchés de Lavans les Saint-Claude, Oyonnax et Moirans-en-Montagne, ainsi que dans de nombreux points de ventes des environs. Les cantines de plusieurs établissements scolaires de Lons-le-Saunier et Morez en commandent aussi régulièrement.

Plusieurs métiers en un

« C’est beaucoup de boulot, » résume Franck. « Nous devons nous occuper des vaches, des terres, gérer la fabrication, accueillir les clients, faire les livraisons, tenir notre stand sur les marchés… Finalement, c’est un métier où nous faisons plusieurs métiers. Nous sommes éleveurs, fromagers, logisticiens, comptables, vendeurs… » Pour effectuer ces nombreuses tâches, la famille a dû s’organiser. Angélique s'occupe de la transformation, la traite du matin est assurée par le fils aîné pendant que Franck fait les marchés et assure les livraisons. Le soir, c’est lui qui s’occupe de la traite. 

En septembre, la ferme des Meuh Tagnes a remporté trois médailles au concours comtois de fromages fermiers de la foire de Mi’Stembre à Bletterans, pour leurs yaourts, leur fromage blanc battu et leur faisselle. « Nous nous sommes inscrits un peu par hasard, surtout pour découvrir comment se passait un concours. Mais cela nous a permis de voir où se situait notre production », se réjouit Angélique. Des médailles qu’elle attribue en partie à la qualité du lait des vaches Jersiaises « qui permet de faire des produits totalement différents de ce qui se fait habituellement dans la région ».

S.C.

Le pelage des Jersiaises à tendance à foncer l’hiver

Pour l’avenir, les projets ne manquent pas

Le Gaec devrait prochainement s’agrandir avec l’entrée d’un, voire de leurs deux fils. La place pour les vaches commençant à manquer, les tunnels servant d’étable devraient être remplacés par un bâtiment équipé de panneaux photovoltaïques. La famille envisage d’élever aussi quelques Aubracs pour la viande.

Gaec des Meuh… Tagnes

2 bis Petit Châtel – Pratz

39170 Lavans les Saint-Claude

Tél : 03 84 41 06 43 – 06 88 30 79 41

la-ferme-les-meuh-tagnes.fr

Gabin a noué une relation privilégiée avec « Oups », sa favorite, qu’il peut chevaucher