Fromage AOP
Le Morbier, un fromage inimitable

La Maison du Comté, à Poligny, accueillait le 12 avril l’assemblée générale du Syndicat interprofessionnel du Morbier. Les acteurs de la filière ont pu échanger sur les chiffres de production, la révision du cahier des charges de l’AOP, les opérations de communication et les problématiques sanitaires.

Le Morbier, un fromage inimitable
« Nous vivons des périodes compliquées mais on voit que l’on reste malgré tout une filière dynamique. Il ne faut cependant pas se reposer sur nos lauriers et nous nous devons d’être proactifs sur de nombreux sujets, » a déclaré Joël Alpy, président du syndicat du Morbier.

Installé depuis un an dans la maison du Comté de Poligny, le syndicat du Morbier tenait son assemblée générale « à domicile ». Ce fut l’occasion pour les producteurs, fromagers et affineurs de découvrir le nouveau cadre de travail de l’équipe administrative, à proximité directe des autres AOP fromagères régionales.

En 2021, les volumes de Morbier produits ont augmenté de 3% pour s’établir à 13 613 tonnes et les ventes de 6%. Les indicateurs de prix affichent également une belle progression, aux alentours de 4 %. « Cette dynamique reflète d’abord les efforts engagés par les producteurs et les metteurs en marché, » explique le président du syndicat. « Elle témoigne aussi de la qualité de production et de la confiance des consommateurs. » Malgré cela, à cause de la hausse des prix des matières premières et de l’énergie, et des difficultés de recrutement, la filière à peu de visibilité à court et moyen terme. « Nous pensons que le meilleur moyen de préparer l’avenir est de rester nous-même, d’ouvrir les portes de nos entreprises et de montrer comment nous travaillons, » poursuit Joël Alpy.

Nouveau cahier des charges

Pour conserver cette confiance des consommateurs et rester au plus proche des attentes sociétales, le Morbier a entamé une révision de son cahier des charges en y intégrant des critères pour préserver un modèle d’exploitation à taille humaine et une agriculture basée en majorité sur les prairies naturelles. Les futurs critères sont aussi pensés pour assurer le bien-être des vaches laitières et le caractère artisanal des fabrications. Les quatre AOP du massif jurassien, étroitement liées avec des opérateurs engagés dans plusieurs filières, ont lancé cette procédure afin d’harmoniser les critères communs.

En juin 2021, la commission d’enquête de l’INAO s’est déplacée dans la zone AOP Morbier pour échanger avec le syndicat, visiter des fermes et des fromageries et rencontrer les opposants. Les débats ont été riches, prolongés par des séries de questions-réponses par courrier qui ont permis d’approfondir certains sujets et d’affiner la rédaction des textes. « Désormais, la filière Morbier attend la présentation du dossier au Comité National, » résume Joël Alpy. « Après une seconde phase d’instruction au niveau européen, il est prudent de considérer que c’est seulement en 2024 que le nouveau plan de contrôle Morbier s’appliquera chez les opérateurs. »

Nouveau logo : un trait inimitable

Niveau juridique, la cour de justice européenne a stipulé qu’une AOP ne protégeait pas seulement le nom mais aussi le visuel d’un produit s’il est caractéristique et que les consommateurs s’y trompent. Il s’agit d’une avancée considérable dans la démarche engagée par le syndicat contre les fromages d’imitation qui reprennent le célèbre trait sombre. Depuis 2013, une procédure est engagée contre une fromagerie commercialisant un fromage ayant l’apparence du Morbier avec sa raie centrale. Cette décision de la CJUE a permis de relancer l’affaire en annulant le 14 avril le rejet prononcé en 2017 par la cour d’appel. L’affaire devrait être rejugée en septembre 2022.

« Depuis 10 ans, nous avons consacré beaucoup de moyens et d’énergie à ce dossier, » rappelle le président. « Nous espérons désormais, avec raisonnablement d’optimisme, que les juges reconnaîtront que la raie sombre est l’ADN du Morbier, sa signature caractéristique... Elle doit être protégée au même titre que le nom Morbier. D’où notre décision de changer de logo ». Le nouveau logo garde un lien avec son prédécesseur mais le fromage est désormais montré, avec la raie noire au milieu. Cette nouvelle identité visuelle est accompagnée du slogan « un trait inimitable ». Un slogan à double sens : inimitable car exceptionnel et inimitable car protégé de la contrefaçon par l’AOP, comme le souhaite le syndicat. « L’ancien slogan, un trait de caractère, était parfois mal interprété par les consommateurs, » explique le président. « Avec la raie en blanc sur le logo, le mot trait n’était pas toujours compris et caractère faisait penser à un fromage fort ». De quoi lever toute ambiguïté : le Morbier est un fromage unique.

S.C.

Le nouveau logo est plus explicite pour les consommateurs
Sanitaire

Mieux connaître Salmonella Dublin

Dès 2020, le syndicat du Morbier a lancé une étude nommée Cadublin visant à mieux connaître la salmonelle Dublin qui touche particulièrement notre région. Une seconde étude, visant à prouver l’excrétion mammaire de cette bactérie, vient d’être lancée. Actuellement, seule une vaccination préventive est efficace.

Chez les bovins, cette souche ne provoque aucun signe clinique, les animaux sont porteurs sains, mais elle est responsable de 7 % des avortements. Elle est nocive et invasive pour les personnes âgées et immunodéprimées alors que les autres salmonelles touchent majoritairement les plus jeunes. Incurable, les vaches contaminées doivent être réformées.

Des vétérinaires et des techniciens ont observé les pratiques et les caractéristiques de 34 exploitations ayant livré du lait contaminé et les ont comparées à 34 fermes témoins exemptes de cas. Les premiers résultats devraient être connus cet été et diffusés lors de réunions avec les éleveurs cet automne. Ils devraient apporter une meilleure connaissance des facteurs de risque de contamination du lait et des élevages afin d’améliorer l’appui apporté aux producteurs et aux entreprises. « Nous ne voulons pas savoir pour savoir, mais savoir pour agir, à bon escient, avec une science objective, » explique le président du syndicat. L’intégration de ces travaux lors de l’élaboration des plans d’intervention et de prévention des pathogènes contribueront à la compétitivité des exploitations.

Excrétion mammaire ?

Une seconde étude vient d’être lancée afin de déterminer comment la bactérie est excrétée. Elle l’est dans les bouses mais les techniciens de terrain suspectent aussi une excrétion mammaire par intermittence. Cette étude vise à confirmer ou non cette contamination directement dans le lait qui n’est pas encore prouvée scientifiquement.

Pour éviter les contaminations par voies fécales, l’hygiène au moment de la traite et lors de l’abreuvement est primordiale. Il faut aussi respecter le délai de six semaines avant de pouvoir exploiter de l’herbe à la suite d’un épandage de fumure organique.

« Actuellement, seul le vaccin Salmopast en préventif, avant la mise à l’herbe, est efficace, » précise Florence Arnaud, la directrice du syndicat. « Il a fait ses preuves, en particulier contre cette souche car il est fabriqué à partir de bactéries désactivées dont E. Dublin. Une étude bretonne a démontré qu’il réduisait les excrétions fécales. » Elle cite l’exemple d’une coopérative jurassienne qui, après plusieurs contaminations, finance à 50% la vaccination des troupeaux. « Depuis, il n’y a eu qu’un seul avortement sur ce cheptel et aucun lait contaminé alors que d’autres élevages dans la même zone, non vaccinés, ont décelé plusieurs cas positifs. »

S.C.

Double anniversaire et AG du CNAOL

Le Morbier et le Mont d’Or se sont conjointement portés candidats et ont été retenus pour accueillir en septembre l’assemblée générale du CNAOL (Conseil national des appellations d'origine laitières). Les 51 AOP laitières (fromages, beurres et crèmes) seront accueillies à Labergement-Sainte-Marie. Les deux journées de travail et de visites se prolongeront par une journée de fête le 1er octobre dans le cadre du comice du Haut-Doubs. Ce sera l’occasion de célébrer deux anniversaires : les 20 ans d’AOP pour le Morbier et les 40 ans pour le Mont d’Or.