Redyblack
Une nouvelle race est en train de naître !

S’inspirant de la Stabiliser anglo-saxonne, un collectif d’éleveurs est en train de créer une nouvelle race : la Redyblack. Objectif : combiner les qualités de plusieurs races existantes pour répondre aux nouvelles attentes des éleveurs et des consommateurs.

Une nouvelle race est en train de naître !

Le 28 septembre dernier, les créateurs de la race bovine Redyblack se sont réunis dans l’Autunois. Leur projet a débuté en 2016, en s’inspirant de la Stabiliser, une race développée dans les pays anglo-saxons. La Stabiliser est « une race composite qui résulte de l’association de points forts de plusieurs races existantes avec l’objectif de fixer les caractères dans le temps », introduisait Philippe Sibille, d’Elitest.

Ce projet est une réponse aux mutations de la filière : la demande en viandes tendres et persillées sous des formats plus adaptés ; des attentes supérieures en matière d’environnement et de bien-être animal ; la volonté des éleveurs de limiter les coûts de production et d’améliorer les conditions de travail… En 2018, les études de FranceAgriMer confortaient les porteurs de ce projet en confirmant la nécessité pour l’élevage de bovins viande de s’adapter à la demande des marchés : génisses plus légères, moins d’UGB, vêlage à 2 ans…

Partenariat exemplaire

Dès le printemps 2017, plusieurs partenaires se réunissaient pour former l’association Bovinext destinée à importer la Stabiliser en France. Ces partenaires sont Elitest, coopérative d’insémination animale du quart Nord-Est de la France ; la chambre régionale d’agriculture du Grand-Est ; l’Apal, association de producteurs de l’Est, adhérente d’Elvéa France. L’implication de ces trois acteurs permet au projet de bénéficier de l’expertise génétique, du savoir-faire en termes d’expérimentation et de la prise en compte des attentes de la filière viande.

Les premières génisses Stabiliser ont été importées du Royaume-Uni fin 2017. L’association leur a fait produire des embryons et les premières naissances ont eu lieu en octobre 2018. D’autres génisses Stabiliser anglaises ont suivi et Bovinext poursuivait ses démarches auprès des autorités. Mais en octobre 2019, l’association s’est vue opposer un refus de sa demande d’extension du programme Stabiliser en France. Un coup d’arrêt qui interdisait l’importation d’animaux et de semences de race pure.

Processus de création raciale

Les adhérents de Bovinext se sont alors lancés dans un processus de création raciale. En mai 2020, ils déposaient un dossier de demande d’agrément en Organisme de Sélection de la race Redyblack. Le feu vert était donné fin 2020 avec le statut officiel de race en création jusqu’en 2030. « C’est la première création raciale en France depuis au moins 50 ans », souligne Jean-François Bodineau, de la chambre d’agriculture du Grand-est.

La Redyblack reprend les mêmes objectifs de sélection que la Stabiliser. Dans cette période particulière de construction de race, les sélectionneurs de Redyblack ont encore la possibilité de réaliser des croisements. « On travaille en noyau ouvert », explique Philippe Sibille. Les premières femelles 100 % Redyblack, issues des introductions de Stabiliser anglaises, peuvent être accouplées avec des taureaux Redyblack, Angus ou Simmental. Les veaux qui en sont issus sont 100 % Redyblack.

Rabio, un taureau Redyblack en service dans l’élevage de Marc Andriot à Monthelon

Transplantation embryonnaire, absorption…

Le développement de la race s’appuie beaucoup sur la transplantation embryonnaire qui permet de démultiplier la descendance. Des femelles Redyblack sont collectées et leurs nombreux embryons sont portés par des femelles receveuses. Moins rapide, le croisement d’absorption – accouplement sur plusieurs générations de femelles d’autres races avec un taureau Redyblack - est la voie la plus simple pour adopter la Redyblack. Dès la deuxième génération (dite F2), les veaux 75 % Redyblack issus de ces accouplements peuvent être considérés comme purs, sous réserve de répondre aux critères du standard de race. La race Redyblack compte aujourd’hui plus de 440 femelles en élevages. 43 éleveurs adhèrent à Bovinext, en majorité dans le grand est de la France.
Précoce et facile à élever

Les arguments de la Redyblack sont les qualités maternelles, les qualités bouchères et la durabilité. La Redyblack se distingue par sa précocité sexuelle permettant un vêlage dès deux ans. Sa durée de gestation est très courte (282 jours en moyenne). Dotée d’une bonne fertilité (intervalle vêlage-vêlage inférieur à 365 jours), la Redyblack a une très bonne facilité de vêlage avec une bonne capacité d’allaitement. Sans corne, la Redyblack est docile et calme avec des veaux très dégourdis à la naissance. Avec une moyenne de huit veaux par carrière, la Redyblack allie la longévité à un cycle de production rapide (précocité). Race herbagère par excellence, facile à élever du fait d’une bonne efficacité alimentaire, elle présente les avantages d’un format modéré (650 kg vif) permettant de fournir des petites carcasses bouchères (420 kg les taurillons de 18 mois ; 325 kg les génisses de 27 mois ; 370 kg les bœufs de 27 mois).
Un persillé très attendu

La viande de Redyblack se distingue par son persillé doublé d’une bonne tendreté. Les premières remontées de l’aval confirment cette qualité de persillé. Les carcasses obtenues ont donné une viande « finement grasse » qui a rencontré un gros succès en magasin, indiquaient les représentants de l’Apal. Bouchers et distributeurs ont été conquis. Ces animaux sont valorisés entre 6,50 et 6,80 €/kg carcasse entrée abattoir, indiquait-on. Côté abatteurs, on confirme une montée en puissance du persillé que les opérateurs sont obligés d’importer pour l’heure.

Cette attente de persillé demande toutefois de peaufiner encore les itinéraires de finition des animaux mâles et femelles. Il faut tenir compte de la précocité et « trouver l’équilibre entre le persillage et le gras de couverture. L’enjeu étant d’arriver à amener le persillé dans un maximum de muscles », estimait un acteur de la filière. Ce persillé fait partie des objectifs de sélection de la race avec même un index génétique dédié.
 

Marc Labille

Le 28 septembre dernier, les créateurs de la race Redyblack en France étaient réunis dans l’Autunois.

Une conversion de troupeau par croisement absorption

Si la Saône-et-Loire accueillait cette journée Redyblack, c’est parce qu’un éleveur de l’Autunois fait partie des pionniers de ce projet. Cheville ouvrière de cette journée, Marc Andriot a entamé la conversion de son cheptel en 2018-2019. Le changement de race était pour lui la suite logique d’une remise en question de son système d’exploitation. Adepte de « l’école du productivisme » jusqu’en 2010, cet éleveur a révisé sa stratégie à la suite du découplage, décidant dès lors de faire la chasse aux charges et aux intrants. La Redyblack était toute indiquée pour la nouvelle conduite économe de son exploitation. Marc Andriot a débuté avec quelques embryons purs Redyblack et en inséminant ses charolaises avec des taureaux Redyblack. Et depuis, il poursuit la conversion de son cheptel par croisement absorption. Cette année, son troupeau a donné 90 veaux croisés F1 (50 % Redyblack), 54 veaux croisés F2 (75 % Redyblack) et 16 veaux purs Redyblack. Tous les animaux purs race sont conservés. Les animaux croisés demeurent difficiles à valoriser dans le bassin charolais, confie Marc Andriot qui prévoit d’engraisser davantage sa production.

Des taureaux sélectionnés sur leur indice de consommation

La race Redyblack s’est dotée d’un schéma de sélection. Après tri sur le phénotype puis génotypage, les taureaux à sélectionner sont placés en station de contrôle individuel. L’accent est mis sur l’efficacité alimentaire et l’indice de consommation. 13 taureaux Redyblack sont aujourd’hui disponibles à l’insémination artificielle.