Lettre aux agriculteurs
Sainte-Soline : une étape inadmissible franchie

Nous avons tous été choqués par les images de ces militants ultra violents des « Soulèvements de la Terre », de « Bassines non merci » et de la « Confédération Paysanne » s’attaquer aux forces de l’ordre chargées de protéger la réserve d’eau de Sainte-Soline, il y a quelques jours, dans les Deux-Sèvres. Nous n’avons pas voulu réagir à chaud, sachant qu’à l’occasion du Congrès de la FNSEA qui s’est tenu cette semaine à Angers, nous avons pu obtenir des informations précises de la part du Président de la FDSEA des Deux-Sèvres, Denis Mousseau, et de nos représentants nationaux.

Sainte-Soline : une étape inadmissible franchie
« L’agriculture a vocation à produire l’alimentation de nos concitoyens et pour cela, nous avons tous besoin d’eau ».

De quoi parle-t-on exactement ? Tout simplement de constituer des réserves d’eau permettant d’irriguer des productions agricoles, dans un contexte de raréfaction de la ressource. Tout le monde est bien conscient des conséquences du réchauffement climatique et face à ces changements, il faut bien trouver des solutions. Alors le principe est simple : en période hivernale, lorsque le niveau des nappes phréatiques le permet, j’insiste, lorsque le niveau des nappes phréatiques le permet, ces réserves sont alimentées par pompage, dans le respect de la réglementation et des Arrêtés d’autorisation définissant les volumes prélevables pour chaque usage, à l’échelle de chaque bassin. 

En contrepartie, la profession a consenti des efforts très importants pour économiser les volumes d’eau ; des efforts qui se traduisent très concrètement par une amélioration du matériel d’irrigation, un meilleur suivi de la ressource et de sa gestion, une limitation des points de prélèvement et une évolution des pratiques culturales (diminution des produits phytosanitaires notamment). Dans les faits, ces évolutions sont assez similaires à celles mises en œuvre dans le bas Jura lors de la création des réseaux d’irrigations et des 2 associations syndicales autorisées de la Loue et du Doubs : la mise en place de piézomètres pour mesurer les fluctuations de la nappe, le rebouchage de nombreux puits et l’implantation de productions à forte valeur ajoutée pour optimiser la gestion de l’eau. C’est donc un dossier très technique qui met le feu aux campagnes et ses détracteurs en oublient, volontairement ou non, je vous en laisse juge, l’encadrement juridique auquel les irrigants doivent se conformer. J’insiste sur ce point car tout repose sur ces autorisations administratives, le contrôle de leur respect et le suivi des nappes.

« Revenir aux fondamentaux de notre métier »

Selon le niveau de recharge, il sera possible ou impossible de remplir les réserves. Mais plutôt que de se pencher sur le fond de ce dossier en prenant en compte toute sa complexité, les opposants au projet se posent en défenseurs uniques de la planète et en militants du climat. Une fois de plus, on oppose des modèles en jouant sur la caricature : le modèle agro-industriel face à l’agriculture paysanne. Cette opposition est de plus en plus insupportable dans un contexte où chaque année la France perd progressivement de son indépendance alimentaire. Et avant de parler d’agriculture industrielle, on peut aussi parler de lait standard, de blé panifiable, de semences ou d’alimentation animale, à moins que la question de la consommation de viande soit elle aussi remise en question. 

 

En tout état de cause, cette opposition de points de vue ne donne pas pour autant le droit de détruire des infrastructures qui ont reçu toutes les autorisations avant que les travaux ne soient réalisés ; des infrastructures pour lesquelles des agriculteurs ont investi.

Les opposants à ces projets considèrent qu’il y a privatisation et accaparement de l’eau par une poignée d’agriculteurs ce qui est faux puisque sur le bassin de Sainte-Soline, 200 des 300 exploitations potentiellement concernées sont adhérentes de la Coopérative de l’Eau.  Mais, face à de tels arguments, il faut certainement en revenir aux fondamentaux de notre métier ; l’agriculture a vocation à produire l’alimentation de nos concitoyens et pour cela, nous avons tous besoin d’eau. Si produire l’alimentation de nos concitoyens ne relève pas de l’intérêt général alors je ne sais ce qui peut en relever.

Une attitude inadmissible

Au-delà de la technique, ce que nous avons pu voir à Sainte-Soline m’interpelle également aux plans politiques et syndicaux : à ce sujet, je souhaite vous faire part de ma stupéfaction de voir les responsables de la Confédération Paysanne venir détruire les cultures et l’outil de travail de leurs propres collègues. La Confédération Paysanne a franchi une étape inadmissible.  Imaginez la situation inverse. Qu’aurions-nous entendu avec le soutien bienveillant de la sphère médiatique et d’une partie du monde politique ? Et comme si ça ne suffisait pas, le porte-parole national a organisé 3 réunions dans le Jura pour justifier de ses actes et finalement, chercher à se victimiser. Depuis plusieurs semaines tout le monde savait ce qu’il allait se passer. Comme à Notre Dame des Landes, des activistes venus de toute l’Europe étaient attendus et dans ce contexte, il était totalement irresponsable d’emmener des étudiants et de jeunes militants sur un champ de guérilla rurale. Les CRS présents sur place avaient pour mission de protéger la réserve d’eau qui aurait certainement été sabotée s’ils n’avaient pas fait leur travail. 

Quand on organise et qu’on participe à une action syndicale interdite, on en assume les conséquences. Cette attitude est inadmissible et je considère cette organisation définitivement disqualifiée pour défendre les agriculteurs jurassiens. Il faut que vous sachiez les responsables de la Coopérative de l’Eau, le Président de la FDSEA des Deux-Sèvres, Denis Mousseau ainsi que sa famille subissent des menaces quasi-quotidiennes, y compris des menaces physiques : aucune réaction publique pour venir le soutenir. Comment peut-on en arriver là quand on est un responsable syndical ? La Confédération Paysanne me fait honte.

Des mouvements violents qui pourraient arriver chez nous. 

Du côté des élus, le tableau n’est pas plus brillant. Comment des élus de la République portant l’écharpe tricolore peuvent-ils participer à une manifestation interdite par le préfet du Département ? Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais… Quelle crédibilité pour ces élus qui sont toujours enclins à donner des leçons de démocratie et les premiers à la fouler aux pieds, tant leurs postures militantes s’apparentent à des actes révolutionnaires. Comment voulez-vous vivre dans une société ou les gens se respectent, si les mouvements syndicaux et certains élus de la République ne respectent plus rien ?

Madame, Monsieur, si je m’exprime de la sorte, c’est que nous sommes persuadés que des mouvements violents comme ceux qui ont eu lieu à Sainte-Soline, à Sivens ou à Notre Dame des Landes pourraient arriver un jour chez nous. 

Certains s’érigent en défenseurs de la planète en considérant que toutes les méthodes sont bonnes pour défendre leur cause, dans ou en dehors du cadre démocratique. On le voit avec l’eau, avec les abattoirs mais on le voit également avec le loup et demain ? Les produits phytosanitaires ? Le principe même de l’élevage ? 

Pour ma part, je n’engagerai jamais la FDSEA dans des combats qui ne respectent pas le cadre démocratique. En s’engageant de la sorte, la Confédération Paysanne a mis le pied sur un terrain glissant et je souhaite que le gouvernement en tire toutes les conclusions et en particulier, en termes de représentativité et de financement des organisations syndicales. 

Christophe Buchet,

Président de la FDSEA du Jura.