Projet Alimentaire de Territoire
Vers une production maraîchère locale

Un débat public était organisé par l’Ademe le 21 février à Arbois pour évoquer la question d’une nouvelle dynamique pour la filière maraîchère sur le territoire de la communauté de communes Poligny Arbois Salins qui, soutenue par la chambre d’Agriculture du Jura, s’est lancé récemment dans la mise en place d’un PAT.

Vers une production maraîchère locale
: Bernard Laubier, vice-président de la ComCom Poligny Arbois Salins et Christophe Buchet, vice-président de la chambre d’Agriculture du Jura ont présenté les différentes pistes de travail pour relocaliser la production de légumes

L’agriculture de proximité et la souveraineté alimentaire sont devenues des enjeux forts depuis la crise sanitaire. Celle-ci a mis en lumière notre dépendance aux importations et ainsi, les vulnérabilités de notre système alimentaire. Il apparaît nécessaire d’en améliorer la sécurité, la résilience et l’autonomie. Les projets alimentaires territoriaux (PAT) ont pour objectif de relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs, les produits locaux dans les cantines, etc. Le processus implique de réorganiser le système alimentaire dans son ensemble, à savoir la production, la transformation, la distribution, la commercialisation, la consommation...

La filière doit donc s’organiser en amont pour monter en puissance. La chambre travaille sur un territoire test qui comprend Arbois, Poligny, Salins-les-Bains et Mouchard, des communes engagées dans la démarche depuis fin 2019.

« La chambre d’agriculture a fait le choix d’investir le champ du territoire, » a expliqué en guise d’introduction Christophe Buchet, vice-président de la chambre d’agriculture et président de la FDSEA du Jura. « Nous travaillons de plus en plus avec les différentes communautés de communes et mettons nos compétences au service de l'émergence et de l’accompagnement de projets comme les PAT. Les territoires ont un historique, des acteurs en place : il ne suffit pas de claquer des doigts, de dire y’a qu’à, faut qu’on… Il faut mettre en adéquation l’offre avec la demande tout en restant vigilant par rapport aux filières existantes. Cela nécessite du travail, de l’expertise, des compétences et de la convergence. »

Une offre locale insuffisante 

L'offre locale est insuffisante face à la demande en forte croissance. Pour y remédier, la chambre d'Agriculture s'organise et a embauché un conseiller maraîchage et un chargé de mission filière. Elle est partenaire de la plateforme agri-local, développée par le Conseil départemental, qui met en relation la restauration collective et les fournisseurs locaux et permet aux collectivités d'acheter des produits agricoles en respectant le code des marchés publics. Le but est de connaître les besoins de la restauration collective pour donner plus de visibilité aux producteurs avec l’objectif qu’ils plantent en fonction de cette demande.

La chambre a aussi initié le projet « SYNPAT » (créer des SYNergies entre Projets Agricoles sur le Territoire), en partenariat avec SAFER BFC, Terre de Liens BFC, le CFPPA de Montmorot et la ComCom pour faciliter l’installation agricole sur le territoire, en soutenant la diversification des productions. Il s’agit pour cela de favoriser les échanges entre les porteurs de projets, les agriculteurs, les filières agricoles, les structures d’accompagnement et les autres acteurs du territoire.

Trouver du foncier

La première étape est de trouver du foncier pour les porteurs de projets qui ont des difficultés à acquérir des terres. « Nous sommes les premiers informés par la Safer quand des terrains sont libres pour le maraîchage et les productions diversifiées, » explique Bernard Laubier, vice-président de la ComCom. « Mais les transferts de foncier ne se font pas tous les jours. À Chapelle-sur-Furieuse un maraîcher à candidaté sur des terrains qui sont finalement revenus à un producteur de lait AOP. »

La piste de la Compensation agricole collective est aussi creusée. Lorsque l’artificialisation des sols a des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole locale, des projets de compensation sont financés. Les acteurs de terrain choisissent les actions à mettre en place avec ce budget.

« Les travaux de la zone Inovia à Tavaux ont, par exemple, permis de financer un magasin de producteurs, » rappelle Christophe Buchet. « A Poligny, l’extension de la zone industrielle se fait sur des terres en AOP Comté, mais les compensations n’iront peut-être pas toutes vers cette filière. »

Penser local et grand

La mise en place d’un PAT va plus loin que la seule relocalisation maraîchère. il faut soutenir les implantations agricoles des circuits courts et la restauration collective. « Ce sont les établissements dont les cuisiniers et les intendants sont les plus volontaires qui font avancer les choses, » précise Christophe Buchet. « Eux y arrivent. Comment le dupliquer à plus grande échelle ? Pour faciliter les démarches, les cantines pourraient mutualiser leurs achats. Nous devons trouver un équilibre entre la saisonnalité, les prix, la logistique et les volumes. »

Bernard Laubier réfléchi à d’autres débouchés pour les producteurs : « Il ne faut pas se limiter à la restauration collective, très contrainte en termes de prix, mais aussi développer l’agritourisme et oenotourisme. Nous pouvons travailler avec la restauration qui, en haut de gamme, s’appuie sur le local. Une rencontre sera prochainement organisée entre les restaurants et les producteurs. Penser locale ne doit pas nous empêcher de penser grand. »

Le prix d’achat aux maraîchers doit rester rémunérateur. « Une crise des fruits et légumes se dessine, » prévient Lionel Masson, maraîcher à Saint-Lamain. « Les légumes arrivent à prix cassés de toute l'Europe. Le maraîchage diversifié n'est pas concurrentiel, ors les consommateurs basent leurs achats sur le prix, surtout en tant de crise. L'alimentation est une variable d'ajustement quand les prix montent. »

L’exemple de Lons-le-Saunier

Pour Jean-Baptiste Rozé, vice-président d’Interbio, la cuisine centrale de Lons-le-Saunier pourrait être un exemple : « Sa légumerie livre aussi la Grande Tablée, qui alimente les cantines doloises. Ils ont mutualisé l'outil et achètent 150 tonnes de légumes par an. Les maraîchers ont pu développer leur production. »

Pour produire cette quantité, la ComCom Ecla est en train de mettre en place une zone d'activité maraîchère sur 8,3 ha, en bordure de l’aérodrome de Courlaoux. Après un état des lieux confié à la chambre d'Agriculture, Interbio et Ecla ont définit les aménagements nécessaires (forage, drainage) pour accueillir un ou des porteurs de projets.

Le vice-président d’Interbio a ensuite évoqué l’initiative « Manger bio Bourgogne Franche-Comté », financée par la Région, qui vise à trouver les structures commerciales pouvant fournir à la restauration collective les produits issus de l’agriculture biologique dont elle a besoin. « Manger bio est structuré en réseau. Quand un produit n’est pas disponible localement, il est possible de l’acheter dans une région voisine ».

SC

Une production divisée par 4 en 10 ans

En 2010, il y en avait plus de 700 ha de légumes cultivés dans le Jura. Entre temps, l’usine Daucy a fermé, les surfaces dédiées à cette production ont fortement diminué.

Selon le recensement agricole de 2020, il ne reste dans le département que 161 ha de légume, principalement des oignons et de la pomme de terre. « Il faut différencier les cultures maraîchères et légumières, » a expliqué Elodie Matter, chargée de mission agro-environnement à la chambre. « Les maraîchers produisent des légumes diversifiés en petite quantité, les légumiers font pousser des légumes de plein champ ».

La chambre d’Agriculture a recensé et interrogé 60 exploitations en maraîchage diversifié. 18 ont répondu, installés en majorité depuis peu (moins de 5 ans pour la moitié) et sur des petites surfaces. Si ils pratiquent en majorité la vente directe à la ferme, en Amap, sur des marchés ou dans des magasins spécialisés, 5 travaillent aussi avec la restauration collective et 3 y réfléchissent.