Santé du veau
Le rôle primordial du colostrum

Lionel Reisdorffer, vétérinaire et cogérant de la société Obione, fait le point sur les connaissances les plus récentes en matière de colostrum : au-delà de la santé des premiers jours, cet alicament naturel impacte les performances zootechniques du veau, même après le sevrage.
Le rôle primordial du colostrum

«Le colostrum est un message de la vache à son veau, pour la vie à venir !», souligne Lionel Reisdorfer, vétérinaire et cogérant de la société Obione. «Tout fonctionne comme si la mère envoyait au veau des recommandations via le colostrum et le lait. Ce ''discours'' donne les directives pour ''réussir sa carrière''. Le colostrum contient des facteurs impactant l'efficacité alimentaire avant et après sevrage, il va influencer la régulation de l'ingestion et de la satiété, pour la vie !» La gestion du premier jour par l'ingestion de colostrum, et celle des trois premières semaines de vie par le plan de nutrition ont des répercussions sur toute la vie de l'animal. Et l'impact sur la production représente quatre à huit fois l'effet de la génétique !


Un impact supérieur à celui de la génétique


«Encore faut-il qu'il le reçoive, ce message, c'est-à-dire que le colostrum soit correctement distribué», insiste le vétérinaire. Ce qui est loin d'être toujours le cas. Ainsi, durant l'hiver 2011- 2012, Obione a interrogé 647 éleveurs de vaches allaitantes sur leurs connaissances du colostrum. 1,7 % seulement réalisent des analyses qualitatives et 9 % avaient une idée du volume produit par les vaches (Reisdorffer, 3R 2012). Au final, la mortalité des veaux se révèle trop importante : 10 % meurent au cours des dix premiers jours (Richard et al., 2008), 12 à 17 % l'hiver (Raboisson, 2013).
En aucun cas, le veau ne peut se passer du colostrum maternel ou de celui d'une autre vache, qu'il soit frais ou conservé. «En Europe, il n'existe pas de colostro-remplaceurs, mais seulement des colostro-suppléments. En effet, un colostro-remplaceur devrait remplacer ce qu'apporte le colostrum. Et c'est impossible : rien que pour l'apport d'immunoglobulines (IgG), il faudrait ajouter un minimum de 50 g/L de ces glycoprotéines, alors que la majorité des produits sur le marché en apportent moins de 10 g/L. Le substitut devrait aussi fournir les protéines spécifiques du colostrum : lactoferrine, lacto-peroxydase, acides gras essentiels d'origine laitière et non pas végétale, acides aminés spécifiques, cellules immunitaires» , poursuit le vétérinaire.


Le colostrum maternel est le plus protecteur


Le veau ne naît pas nécessairement sans anticorps. Il est capable de répondre à une infection virale in utero dès le 70 e jour de gestation (Woolums, 2010) et à la plupart des pathogènes lors du troisième tiers de gestation. Le système immunitaire du veau à la naissance est fonctionnel mais naïf et immature, les réponses à une infection seront donc lentes. Pour accélérer la réponse immunitaire, le veau «utilisera» les anticorps, mais aussi les cellules maternelles présentes dans le colostrum. En effet, les anticorps ne sont pas les seuls supports de l'immunité du colostrum. Les cellules maternelles (lymphocytes maternels) constituent une composante très importante de la réponse immunitaire du veau. Ces cellules migrent à travers la muqueuse intestinale du veau dans les heures suivant sa naissance. Elles sont associées au développement immunitaire du veau (Woolums, 2010), ceux qui reçoivent du colostrum avec des cellules maternelles ont une réponse immunitaire plus rapide (Reber et al., 2008) et ont une réponse mesurable dès le premier jour contre les pathogènes (Donovan et al. , 2007), comparés à des veaux recevant seulement du colostrum sans cellules maternelles.


Un rôle de thermorégulation


Seul le colostrum confère au veau la capacité de se réchauffer et de maintenir une température corporelle suffisante. La mortalité au cours des 24 premières heures de vie est souvent liée à son incapacité à maintenir une température corporelle suffisante (Lombard et al., 2007). La quantité de matière grasse du colostrum (20-25 %) lui confère cette propriété vitale. Certains produits donnés en supplément contiennent parfois des quantités de matière grasse élevées, mais celles-ci sont d'origine végétale et n'ont pas les propriétés thermorégulatrices et énergétiques de celles du colostrum.
Les veaux présentant un échec du transfert immunitaire ont également un âge au premier vêlage plus important (Faber, 2005), un gain moyen quotidien (GMQ) plus faible (Nocek et al., 1984 ; Robinson et al. 1988), une production laitière diminuée en première lactation (DeNise et al., 1989 ; Faber et coll., 2005), un métabolisme du glucose dégradé (Steinhoff-Wagner et al., J. Nutr. 2010, Hammon. Blum, 2002) et une efficacité alimentaire moindre (Soberon et al. 2011). L'effet du colostrum est bien supérieur à la simple protection contre les diarrhées néonatales des premiers jours. L'incidence des troubles respiratoires est ainsi directement reliée à la qualité du transfert immunitaire. Un effet spectaculaire est mis en évidence par l'étude réalisée au Wisconsin par Faber et coll., (2005) mettant en relation la production laitière et la quantité de colostrum ingérée le premier jour de vie. Les vaches qui, lors de leur premier jour de vie, ont ingéré 4 litres de colostrum, comparées à celles qui n'en ont ingéré que 2 L, produisent environ 10 % de lait en plus en première lactation et 15 % de lait en plus en seconde lactation.
Une efficacité alimentaire accrue
L'efficacité alimentaire est elle aussi en relation avec la quantité de colostrum ingérée. Le colostrum contient des facteurs qui impactent l'efficacité alimentaire en pré- et post-sevrage (Soberon et Van Amburg, 2011, 2013). L'amélioration de cette efficacité alimentaire peut atteindre 50 % ! Les veaux qui reçoivent la quantité la plus importante de colostrum ont des GMQ avant et après sevrage supérieurs. Plus surprenant encore, les veaux qui reçoivent 4 litres de colostrum et qui sont nourris de façon contrôlée ont des GMQ post-sevrage plus importants que ceux qui n'ont reçu que 2 litres de colostrum à la naissance, mais qui ont été nourris à volonté par la suite !


D'après la doc. Obione