Quinzaine de la transmission
« L’honnêteté est primordiale et participe à la réussite de l’installation »
Jusqu’en 2014, Pierre Quintard a été à la tête d’une exploitation en polyculture-élevage à Lemuy, dans le Jura. Cinquante hectares, une trentaine de vaches laitières montbéliardes pour la fabrication de comté, 180 000 litres de quota laitier par an. Le résultat de cinquante années de labeur. « C’était l’exploitation de mes parents, j’y étais vraiment attaché », livre-t-il. Le travail d’une vie que Pierre Quintard se décide à céder, en 2014, pour partir en retraite.
Lorsqu’il s’inscrit au répertoire départ installation (RDI), deux ans plus tôt en 2012, tout s’enchaîne rapidement. « Nous sommes dans une région à comté et l’annonce a eu du succès. Plusieurs personnes se sont présentées, de Suisse, de Belgique, du Jura… dont beaucoup de demandes pour agrandir une ferme, ce que je refusais », explique-t-il.
Son objectif était de céder la ferme dans son intégralité, en conservant au maximum son identité. « Ce n’est pas un magasin, j’y ai mis mon énergie et mon coeur », dit-il. C’est donc en 2014 qu’il cède son exploitation à Damien Castella, de trois kilomètres son voisin. « C’était un ami de mon fils, mécanicien agricole, qui voulait s’installer. Il s’est présenté dès qu’il a su que je voulais prendre ma retraite. J’étais d’accord à condition que les banques acceptent de suivre le projet. » Avant la reprise, la bonne entente s’instaure rapidement entre Pierre Quintard et Damien Castella. Entre des week-ends de travail à deux ou des remplacements, l’éleveur et le candidat à l’installation s’apprivoisent et créent un lien de confiance, et surtout une bonne communication.
Transparence et bonne distance
« Si nous n’avions pas été d’accord sur la conduite dès le début, ça aurait été compliqué. Il ne faut pas faire de bêtises dans la gestion d’une exploitation », affirme Pierre Quintard. Le désaccord, Damien et Pierre l’ont évité, grâce à la transparence de leurs rapports humains et professionnels. Et le repreneur de la ferme le confirme : « On a tout de suite parlé de prix et c’était un avantage. On ne s’est jamais rien caché, on se disait toujours ce que l’on faisait, il me demandait où j’en étais sur le plan administratif. Si quelque chose n’allait pas, on se le disait. L’honnêteté est primordiale et c’est aussi ça qui a fait la réussite de l’installation », assure-t-il. La distance mesurée de la part de Pierre Quintard, dont Damien Castella est reconnaissant, a participé au lien de confiance qui les a unis pour collaborer. « Il a toujours été clair sur le fait qu’il ne voulait pas interférer dans ma reprise ou dans ma manière de faire. C’est très important pour moi et c’est ce que je reproduirai pour ma transmission. Si l’on est toujours à la vue de l’exploitation, on peut avoir tendance à s’en mêler, et ça peut froisser le repreneur. Pierre m’a fait confiance et m’a laissé gérer. » Damien Castella mène aujourd’hui son exploitation sans encombre. Il lui a ajouté cinq hectares et quelques vaches, tout en conservant ce qu’elle était du temps de son prédécesseur. « J’ai gardé la ferme un peu à son modèle d’origine, comme Pierre me l’a laissée, c’est mon but et ça le restera. À la transmission nous savions où nous allions, pour moi ce sont les conditions d’installation qui font tout », dit-il.
Charlotte Bayon