FEADER
Les aides bâtiments d’élevage se font toujours attendre…
Face aux retards cumulés dans l’instruction, le contrôle et le paiement des aides européennes du FEADER par la Région Bourgogne Franche-Comté, FDSEA et JA ont organisé une rencontre sur le terrain avec les conseillers régionaux jurassiens. Objectif : trouver des solutions opérationnelles rapidement pour donner de la visibilité aux agriculteurs.
C’est dans le petit village de Mérona, au GAEC Party près d’Orgelet en Petite Montagne, que la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs attendaient les 9 conseillers régionaux du Jura pour les alerter une nouvelle fois sur les retards accumulés par les services de la Région et les conséquences pour les projets agricoles. Willy Bourgeois et Frédéric Poncet, appartenant à la majorité, ont fait le déplacement dans un état d’esprit constructif. Ils étaient accompagnés de Christian Morel, vice-président de la Région en charge de l’agriculture. Du côté de l’opposition, c’est Jean-Marie Sermier, qui avait fait le déplacement.
Les retards s’accumulent
Rappelons que les fonds européens FEADER représentent une somme considérable pour le développement agricole régional puisque ce ne sont pas moins de 254 millions d’euros sur la programmation sans compter les cofinancements qui peuvent potentiellement s’ajouter à cela. La programmation 2014 / 2022 s’étant achevée en fin d’année 2022, la totalité de cette manne financière doit être mobilisée pour le développement agricole régional avec pour dead-line juin 2025. « La procédure d’instruction puis de paiement par l’ASP est complexe, et nous avons hérité de dossiers que nous avons dû reprendre de A à Z. Selon les départements, l’Etat n’a pas été à la hauteur et sur le transfert de personnel non plus, ce qui a engendré des retards » se défend Christian Morel admettant tout de même des erreurs des services de la Région. Pour François Lavrut, président de la Chambre d’Agriculture, la Région a surtout passé une année à discuter sur les potentielles orientations des fonds de la future programmation : « Il y a déjà un cadrage national qui laisse peu de marges de manœuvre et ce n’était pas la peine de passer autant de temps à cela. Il fallait avant tout chercher des solutions techniques pour instruire les dossiers d’installation, de bâtiment ou de diversification », appelant de ses vœux que les chambres soient mieux associées à cette recherche de solutions.
Le bâtiment des laitières en stand-by
Hôtes du jour, la famille Party a expliqué aux élus leur situation. Mathilde Party, installée depuis un an dans le GAEC familial, a remplacé son oncle parti à la retraite. Son conjoint, actuellement apprenti sur l’exploitation, la rejoindra d’ici deux ans pour travailler en couple au départ en retraite des deux autres associés. « A terme, nous serons un associé de moins sur l’exploitation et notre but est de ne plus traire en entravée », explique la jeune agricultrice. « Notre projet consiste en la création d’un nouveau bâtiment de 74 logettes pour nos vaches laitières avec une salle de traite. Nous avons donc fait un dossier de demande de subvention à la Région ; une subvention indispensable puisqu’elle représente plus de 20% du montant du projet. Les services de la Région nous disent « vous pouvez commencer les travaux », mais ne peuvent pas nous dire si la subvention sera accordée ou non depuis le dépôt en mai 2023. Pour nous, le projet est en stand-by tant que l’on n’a pas d’accord car sans la subvention c’est tout le projet qui est remis en cause, » détaille l’exploitante. Assurant comprendre leur prudence, le vice-président en charge de l’agriculture les informe que leur dossier sera étudié lors d’une commission le 20 décembre prochain avec une réponse début janvier. Une situation d’attente qui, mois après mois, renchéri le coût des travaux puisque depuis les premiers chiffrages du projet il y a un an et demi, le montant de la subvention pourtant conséquente serait annihilé par la hausse des matériaux, de la main d’œuvre et les taux d’intérêts. Chaque journée de perdue est donc comptée et les représentants de la profession espèrent que les élus de la région invités dans chaque département en ferme, auront pris la mesure des conséquences de cette situation.
PE BRUNET
Ils ont dit :
Christophe Buchet, Président de la FDSEA du Jura : Nous avons le sentiment qu’il n’y a pas d’égalité de traitement sur les fonds FEADER à la Région. Sur les projets agricoles tout est compliqué alors que pour l’animation des zones Natura 2000 cela roule. Il devient urgent que la Région mette en place des interlocuteurs qui aient la capacité de donner des réponses claires aux agriculteurs et aux OPA qui les accompagnent. Il faut trouver des solutions vite pour les dossiers en souffrance. Il faut arrêter de tergiverser lors de l’instruction sur les détails des devis, comme par exemple la couleur des cagettes.
Philippe Cornu, Président des JA du Jura : Nous sommes dans le flou depuis le 1er janvier sur cette nouvelle programmation avec plusieurs reports du changement de règles pour les DJA et pas de visibilité pour les jeunes après le 15 mai 2024. Nous ne voudrions pas vivre une année blanche sur les aides à l’installation comme c’est le cas sur les aides bâtiments du PCAE.
Julien Gaillard, représentant FDSEA sur le secteur d’Orgelet : Les retards engendrés dans le traitement des dossiers ont des conséquences économiques pour les agriculteurs car le prix des matériaux et les taux d’intérêts grimpent.
Christine Grillet, Présidente du Crédit Agricole de Franche-Comté : Le Crédit agricole a accompagné les besoins en trésorerie pour pallier le retard des subventions. La Région a mis en place un fond de solidarité qui ne rentre pas dans le cadre des minimis pour couvrir le coût de ces prêts courts termes.
François Lavrut, Président de la Chambre d’Agriculture du Jura : Les Chambres ont ouvert la porte à la Région pour traiter la complétude des dossiers de l’ancienne programmation. Mais la situation est compliquée car la Région n’a pas pris la pleine mesure du sujet avant le transfert de compétences.
Frédéric Poncet, conseiller régional de la majorité : Au-delà du sujet qui nous a longuement occupé à la Région, j’apprécie de venir à votre rencontre car il n’y a pas assez d’occasions comme celle-là pour se rencontrer et échanger entre agriculteurs et élus de la région.
Willy Bourgeois, conseiller régional de la majorité : Je pense que parmi les agents de la Région, il existe aussi une certaine prudence dans l’instruction des dossiers par peur de voir des entreprises rendre la subvention à postériori s’il manque des éléments dans le dossier. Il y a plus de 300 points de contrôle par l’ASP. Dans d’autres secteurs d’activités, j’ai déjà vu des entreprises devoir rendre 800 000 € d’aides publiques car le dossier n’était pas complet. Après, il est évidant qu’il faut savoir faire la part des choses.
Jean-Marie Sermier, conseiller régional LR d’opposition : Les fonds FEADER sont un sujet essentiel pour les agriculteurs et l’aménagement du territoire. Cela fait un an que nous alertons la Région qui n’en a pas pris la mesure. Vous ne pouvez pas faire autrement que d’avoir des prestataires extérieurs. Perdre des crédits européens serait une catastrophe pour la Région.
Christian Morel, vice-président de l’agriculture à la Région : Mon objectif est de maintenir 500 installations aidées par an sur la Région avec une DJA parmi les plus hautes de France. Oui la Région a « pétouillé » au démarrage mais l’Etat a sa part de responsabilité. Mais un certain nombre de dossiers sont flottants avec par exemple plusieurs versements de la DJA donc ce n’est pas anormal qu’ils ne soient pas soldés. Nous souhaitons être constructifs.
Etaient excusés : Catherine Clerc (conseillère régionale LR), Sarah Persil (conseillère régionale EELV), Dominique Longchampt (conseiller régional PCF) et Liliane Lucchesi (conseillère régionale PS).
N’ont pas répondu à l’invitation : Rim El Mezoughi (conseillère régionale PS) et Valérie Graby (conseillère régionale RN)
Pour mieux comprendre le changement d’autorité de gestion
A la demande de l’Association « Régions de France » et dans le contexte national de décentralisation, la gestion du FEADER est désormais confiée aux conseils régionaux à compter du 1er janvier 2023.
Chaque conseil régional est ainsi l'autorité de gestion d'un programme de développement rural financé par le FEADER. Un cadre national propose des orientations communes aux programmes régionaux de développement rural.
Concrètement et depuis le 1er janvier 2023, la Région s’est donc vue confier l’instruction des dossiers FEADER. Cette prise de compétence se traduit bien entendu par la gestion des futurs dossiers pour la programmation 2023 / 2027 mais également par la gestion, le traitement et le paiement des dossiers antérieurs ouverts avant le 1er janvier 2023 ; ces dossiers devant être apurés avant juin.
Seules les mesures non surfaciques sont concernées. Les autres mesures financées par le FEADER restent gérées par l’Etat.