ELECTIONS MUNICIPALES
Maires et agriculteurs

Déjà complexe en temps normal, la gestion des communes a été bouleversée le 17 mars avec le début du confinement. Dans les zones rurales, les maires, souvent en première ligne, ont redoublé de vigilance et d'efforts afin de rendre cette période moins difficile à vivre pour leurs administrés. Ancrés à leurs territoires, les agriculteurs élus ont tenu dans le même temps à affirmer l'importance et la place de l'agriculture dans le monde rural. « Quand on aime, on ne compte pas ! » lâchent-ils à l'unisson... Même si cela se fait souvent au détriment de leur travail, de leurs responsabilités professionnelles ou de leur vie de famille. Rencontres avec ces élus du premier tour qui ont donné ou donneront encore beaucoup à la vie de leurs villages.
Maires et agriculteurs

Franck David (Rainans)

« Une tâche de plus en plus prenante »

Vice-président du conseil départemental où il s’occupe des questions agricoles, Franck David a été maire de Rainans pendant 32 ans. Un beau bail... Certes, c’est avec le sentiment du travail bien fait qu’il a décidé, ses 70 printemps sonnés, de ne pas solliciter de nouveau mandat... Mais c’est aussi avec une  certaine lassitude car la tâche de maire est de plus en plus prenante... Il ajoute « Surtout depuis la création des intercommunalités où les maires des communes, même les plus modestes, siègent d’office... »
« J’ai connu des équipes municipales où les agriculteurs étaient très présents, se souvient-il. Mais aujourd’hui, on en trouve de moins en moins dans les conseils municipaux. Déjà parce qu’ils sont moins nombreux... Mais aussi parce qu’ils ont de plus en plus de travail sur leurs exploitations et prennent toujours des responsabilités dans les organisations professionnelles ou autres... Pris par le temps et leurs engagements, ils doivent aujourd’hui faire des choix... .»
 

 

Eric Druot (Mutigney)

 

« Passionné par l’intercommunalité »

 

 

La prise de responsabilités, ce n’est pas quelque chose de nouveau chez Eric Druot. On peut dire que c’est un enfant du sérail agricole puisqu’il présida le syndicat des JA du Jura et qu’il occupe aujourd’hui un des sièges du secrétariat général de la FDSEA du Jura. Aussi, le voir se présenter à la mairie de Mutigney, le village de 175 habitants où il est installé, n’a rien de surprenant. Et le voir enfiler l’écharpe de maire encore moins...

« C’est un village très rural qui compte encore six exploitations agricoles, explique-t-il. La maire sortante s’est retrouvée un peu seule pour finir son mandat. J’étais au conseil municipal depuis un peu plus d’un mandat. Aussi, quand il a fallu faire une nouvelle liste, je me suis engagé car j’avais envie d’apporter quelque chose à la commune, de travailler pour le bien-être de ses habitants et d’oeuvrer aussi à la représentation des agriculteurs ... »

Le nouveau maire n’a pas la prétention de tout connaître. Loin celui cette idée ! Mais il entend gérer la commune avec l’aide d’une équipe où les compétences sont variées.

Ce qui le passionne le plus c’est l’échelon intercommunal où il va siéger. « C’est un espace de décision important. Je ne connais pas tous les dossiers mais je vais travailler pour que les petits villages comme le mien aient toute la place qu’ils méritent au sein d’une intercommunalité. »

La vie de sa petite famille, les responsabilités professionnelles et celles d’un élu municipal occupent pas mal de temps dans la vie d’un homme. Et d’un agriculteur qui plus est. Mais entouré de son équipe, le nouveau maire aura à cœur de s’attaquer aux principaux chantiers qui l’attendent : l’aménagement de l’accès aux personnes à mobilité réduite à l’église – chantier qui n’aura certes pas l’ampleur de celui de Notre-Dame de Paris – puis le cimetière communal… D’autres idées émergeront sans doute. Mais plus tard...

 

 

Gérôme Fassenet (Louvatange)

« Inventer de nouveaux liens »

Pour Gérôme Fassenet, « il est important que les agriculteurs s’engagent au sein des conseils municipaux, qu’ils apportent leur vision d’une ruralité forte, avec des villages dynamiques et à taille humaine... »
Pour lui, c’est la défense de cette vision de la ruralité qui est en jeu. Et cette vision il la développe et la partage depuis 2008, lorsqu’il a été élu maire de Louvatange, une commune d’une centaine d’habitants au nord du Jura. Un premier mandat qui lui a permis de se forger une expérience qu’il a ensuite mise à profit lorsqu’en 2014, il a été élu à la présidence de la communauté de communes de Jura Nord.
Siégeant également au conseil départemental, cet éleveur, marié et père de trois enfants, incite régulièrement ses collègues agriculteurs à prendre des responsabilités dans leurs communes. Celà avec un certain succès sur ce secteur... C’est une manière de lutter contre le sentiment d’abandon ou d’isolement qui peut s’installer chez certains élus. Gérôme Fassenet montre que, en associant les compétences des communes, des intercommunalités et du Département, bien des choses peuvent se faire. Et pas d’un simple claquement de doigts, mais en travaillant sur des dossiers qui se réaliseront en fonction des moyens dont les collectivités dipsosent...
Si localement, la gestion de la crise du Covid 19 s’est concrétisée par des rappels des gestes de sécurité, des visites et des « prises de nouvelles » avec les personnes âgées et fragiles, c’est au niveau de l’intercommunalité que l’édile est intervenu : « Avec mes collègues, nous avons préparé la reprise des cours au collège, des travaux sur les chantiers qui avaient été arrêtés... Le confinement nous a fait réfléchir sur les services que nous pouvions offrir à nos administrés. Avec l’accueil en crèches, avec les associations culturelles, nous avons des pistes pour réinventer des liens entre les habitants de nos villages. Pas question de sombrer dans la morosité mais au contraire, nous inscrire dans une vraie dynamique !... »

 

Roland Berthelier (Biefmorin)

 

« Mettre de l’huile dans les rouages »

 

 

Roland Berthelier a été réélu maire de Biefmorin. Un quatrième mandat qu’il ne souhaitait pas particulièrement. Pour des raisons de santé... Mais, comme les candidats ne se bousculaient pas à sa succession, cet ancien agriculteur qui, tout au long de sa carrière, a exercé de nombreuses responsabilités, s’est finalement laissé convaincre. Il sait qu’aujourd’hui il lui faut gérer une population qui a beaucoup évolué. Les vieilles familles du village sont moins nombreuses et elles ont libéré des maisons rachetées par des gens plus jeunes qui travaillent sur Lons, Dole ou Arbois. « C’est une mentalité différente, plus individualiste. Mais ce sont des habitants qu’il faut intégrer pour que la vie de la commune soit harmonieuse... Nous n’avons pas de moyens, pas d’agent communal. Nous comptons beaucoup sur le bénévolat. Mais ce n’est pas facile car les retraités sont moins nombreux et les jeunes ne sont pas disponibles le week-end. Mon rôle sera de mettre de l’huile dans les rouages pour que la vie au village soit sereine...»

Le conseil municipal s’est renouvelé à 40%. Les nouveaux seront impliqués dans la gestion des dossiers de voirie, des bâtiments communaux, des aménagements à créer pour améliorer la sécurité dans la traversée du village... Le maire siégera au niveau intercommunal ce qui, selon lui, « est extrêmement lourd et complexe... »

 

 

Christelle Deparis-Vincent (Pont-de-Poitte)

« Aller jusqu’au bout ! »

Ancienne technicienne de la chambre d’agriculture du Jura, ensuite installée en Gaec familial à Pont-de-Poitte, Christelle Deparis-Vincent a toujours exercé de nombreuses responsabilités dans le monde agricole (Crédit Agricole, GVA...). Elle a été élue au conseil municipal en 2008. C’est la question de la vente de la source du village qui avait provoqué la constitution d’une liste d’opposition au maire sortant. Seule élue de cette liste, elle a donc effectué un premier mandat « dans l’opposition ».
Changement de scénario en 2014 lorsqu’elle a hérité du fauteuil de maire de ce village de 650 habitants. Village très touristique et qui compte encore une demi-douzaine d’exploitations ou d’activités à caractère agricole. « Nous sommes allés plus loin avec notre dossier "Territoire à énergie positive croissance verte » qui nous permis de mener des projets avec 80% de subventions. Nous avons travaillé sur les aménagements pour l’accueil des touristes, avec les commerçants qui contribuent largement au dynamisme du village... C’est un dynamisme qu’il a fallu recréer. »
Réélue en 2020, Christelle Deparis-Vincent entend bien « conforter ce qui a été fait durant le mandat de 2014, avec le soutien d’une équipe active. Aller jusqu’au bout ! ». Aujourd’hui, les projets ne manquent pas : l’installation d’une maison d’accueil pour les personnes âgées non dépendantes, une salle multi-activités – neuve ou dans l’ancien foyer rural – la mise en valeur du patrimoine, la réalisation de boucles « mode doux » pour que les touristes découvrent pleinement le cœur du village.
Un dynamisme nécessaire pour mener à bien ces réalisations, tout en sachant que les équilibres sont parfois fragiles à conserver. Là, elle pense surtout aux commerçants du village, partie prenante dans ce dynamisme, et qui feront l’objet de toute son attention.