Bresse
Une coopérative d’éleveurs de volailles de Bresse devrait bientôt voir le jour

À la suite d’une étude de filière menée en 2022, des éleveurs et OPA, Cyril Dégluaire en tête, ont décidé de reprendre les rênes de la commercialisation de la Volaille de Bresse en main. Le projet de créer une coopérative a pour l’instant été largement plébiscité par les éleveurs. 

Une coopérative d’éleveurs de volailles de Bresse devrait bientôt voir le jour

Près de 90 % des éleveurs présents à l’assemblée générale du Groupement des éleveurs de volailles de Bresse (GEVB) du 15 septembre dernier ont voté son principe de création. C’est Cyril Dégluaire, éleveur à Saint-Cyr-sur-Menthon et président du Comité interprofessionnel de la Volaille de Bresse (CIVB), qui a eu l’idée de ce projet, à la suite d’une étude de filière, pour le moins préoccupante (voir encadré). Pertes de marchés et d’éleveurs, « nous voyions que nous étions structurés d’une façon qui n’allait pas avec les enjeux actuels », justifie-t-il. 

Décloisonner la filière 

C’est la première fois dans l’histoire de la volaille de Bresse que des éleveurs s’organisent collectivement pour structurer et reprendre en main la commercialisation de la volaille. « Avec une coopérative nous seront beaucoup plus crédibles qu’avec un ODG ou une association, argue Cyril Dégluaire. L’étude nous a prouvé que nous ne nous adressions plus aux clients susceptibles d’acheter de la volaille de Bresse donc l’idée c’est d’aller chercher de nouveaux marchés en négociant, pourquoi pas, avec des centrales d’achat et la restauration. »

L’objectif c’est aussi d’intégrer les filières longues et courtes (vente directe) au sein d’une même coopérative pour renforcer le maillon « éleveurs ». Il s’agit ainsi pour Cyril Dégluaire de faciliter la mise en place de la contractualisation entre les éleveurs et les abatteurs. « Nous n’étions pas dans les clous vis-à-vis de la loi EGAlim et tout ce que nous avons avec les abatteurs ce sont des tableaux Excel avec les plannings et les volumes par éleveur », admet-t-il. Le président du CIVB espère aussi limiter la signature de contrats individuels afin que des éleveurs ne soient lésés par rapport à d’autres. 

Avec ce projet, la filière entend aussi trouver des débouchés aux volailles déclassées. Un problème épineux pour les éleveurs installés depuis peu. Souvent par manque de réseau, beaucoup se retrouvent avec leurs stocks de volailles sur les bras. Cyril Dégluaire se montre enthousiaste : « Avec une coopérative on ne s’interdit rien. On peut acheter de la volaille vivante aux éleveurs, gérer les déclassées, répartir les volailles entre les éleveurs qui sont en filière longue et ceux qui sont en filière courte lorsque les volumes manquent, etc. » 

Une cotisation au poussin 

Si rien n’est encore arrêté, la nouvelle coopérative pourrait s’installer dans des locaux déjà existants du CIVB ou du centre de sélection de Béchanne. Partie prenante aux discussions, Édouard Jannot, directeur de Béchanne, voit en tout cas d’un très bon œil cette initiative. « La filière perd des animaux, ce qui veut dire que nous nous perdons des poussins. La volonté de Béchanne c’est de s’impliquer et d’être un moteur dans ces projets de filière pour la décloisonner », observe-t-il, pragmatique. 

Pour l’instant il reste difficile d’estimer avec exactitude le nombre d’éleveurs qui s’engageront effectivement dans la coopérative et de déterminer les frais de son fonctionnement. Selon les premières prévisions, ces derniers pourraient s’élever à 180 000 € par an. Lors de l’assemblée générale du GEVB, les éleveurs présents ont tout de même évoqué la question de l’adhésion. Celle-ci devrait prendre la forme d’une cotisation basée sur le prix du poussin. En d’autres termes, le montant de la cotisation sera défini au prorata du nombre de poussins installés par l’éleveur.

Les adhérents s’engageront également à instaurer un suivi technique régulier sur leurs élevages afin que la coopérative puisse proposer des lots plus homogènes en termes de qualité à ses clients. 

L’abatteur LDC accueille le projet avec optimisme 

Du côté des abatteurs, le projet semble en tout cas séduire. « Le principe est très positif et va dans le bon sens, donc nous y sommes très favorables », salue LDC, l’un des deux principaux abatteurs de volaille de Bresse en filières longues. Le groupe y voit une opportunité d’organiser la filière et de mieux adapter l’offre à la demande grâce à un suivi technique des élevages. « Par l’accompagnement des éleveurs l’initiative va sécuriser à la fois les volumes et la qualité, ce qui va permettre de préserver la filière », ajoute LDC. 

Le projet ne manque pas d’envergure mais pourrait encourager l’installation de nouveaux éleveurs de volailles de Bresse et favoriser l’augmentation des volumes produits. Encore faut-il trouver des éleveurs motivés, volontaires pour s’investir dans une telle entreprise, car tout reste à construire. Les initiateurs espèrent malgré tout que l’organisation, le règlement intérieur et les statuts seront prêts d’ici à début 2024 

Margaux Balfin 

La Volaille de Bresse, une volaille de plus en plus méconnue 

Les consommateurs de Volailles de Bresse ne sont plus les mêmes. C’est ce qu’a révélé l’étude de filière commandée par le CIVB, menée en juin et juillet 2022 auprès de 1 400 consommateurs de volailles*. Plus inquiétant encore, selon les résultats du sondage, seules quelques reliques de notoriété persistent encore chez les plus de 55 ans, mais la célèbre AOP est de plus en plus méconnue du reste de la société. 

Les acheteurs évoluent mais leurs habitudes aussi. Pour 60 % des sondés, le prix est la variable la plus importante dans le choix d’une volaille. 

Passé cet élément, la valeur attribuée à une volaille par les clients repose sur quatre critères. En premier lieu, les conditions d’élevages (plein air, sans OGM et sans antibiotiques, des méthodes d’abattages conformes au bien-être animal, une durée d’élevage suffisamment longue pour obtenir une viande de qualité) qui représentent 30 % de la valeur attribuée à une volaille par les acheteurs. Un atout donc pour la Volaille de Bresse. Viennent ensuite l’origine France et les caractéristiques intrinsèques de la volaille (aspect visuel, tendreté et conformité à la DLC). L’existence d’un label arrive seulement en quatrième position, et malgré son AOP et son AOC, la Volaille de Bresse n’est que peu avantagée sur ce point. En effet, dans l’imaginaire collectif, les Label rouge et la bio sont mieux quottés que la blanche aux pattes bleues. 

Par ailleurs, hors-zone d’appellation, la Volaille de Bresse est rarement une référence pour les Français dont beaucoup ignorent ce qu’elle est vraiment. « Des jeunes de 18-35 ans nous ont dit que la volaille bleu blanc rouge était une volaille Front national », se désole Olivier Mevel, consultant indépendant dans les filières agroalimentaires en charge de l’étude. Selon lui, « il faut tout retravailler. On vend un produit de semi-luxe avec des codes très moyenne gamme, donc il faut reprendre ces codes. Autre problème : le CIVB est une interprofession. Il faut une OP forte qui défende les codes de commercialisation face aux industriels. » Des choix de canaux doivent également être faits et il faut réapprendre aux distributeurs et aux boucheries à vendre de la Volaille de Bresse. 

Un an plus tard, Olivier Mevel se dit surpris face à l’attentisme de la filière. « Il y a deux phases dans une étude. La partie informationnelle et la partie opérationnelle.  C’est la première fois en vingt ans de carrière que l’on s’arrête au milieu… » 

 

*Les personnes ont répondu à un sondage par questionnaire et devaient au préalable confirmer qu’elles consommaient au moins deux fois par mois du poulet entier, acheté à la coupe d’une GMS alimentaire ou en boucherie.