Jura Pellets : des granulés de bois 100% locaux

« Jura Pellets est une marque qui proclame haut et fort son amour du Jura. Sa forêt de résineux et leur odeur sont notre quotidien, » a déclaré Fabrice Chauvin vendredi 6 octobre lors de l’inauguration de cette nouvelle entité de production de Pellets de la scierie Chauvin, a Mignovillard. Avec son frère Stéphane, les deux dirigeants ont accueilli 300 personnes, parmi lesquels de nombreux élus locaux et partenaires de l’entreprise, pour leur faire visiter la nouvelle unité de production.

Jura Pellets : des granulés de bois 100% locaux

L’idée de transformer en pellets les résidus connexes de la scierie, plaquettes et sciure, a germé il y a 10 ans. Construits en 15 mois par des PME locales avec lesquels la scierie travaille depuis longtemps, les nouveaux bâtiments s’étalent sur 5 ha jouxtant la scierie. Les machines sont européennes, notamment allemandes et autrichiennes.

La production a débuté fin mai. Quinze personnes y travaillent. L’objectif est d’y fabriquer 80 000 tonnes de pellets par an. Un but atteignable car en quatre mois, 27 000 tonnes sont sorties des chaînes. La matière première est fournie à 60 % par la scierie Chauvin, le reste, soit une dizaine de camions par jours, provenant des autres scieries locales.

« 100 % local, résineux, et responsable »

Une fois broyées, les sciures sont séchées grâce à de l’air pulsé chaud fourni par une nouvelle chaudière à biomasse alimentée avec les résidus de la première transformation, comme les écorces qui sont interdites dans la fabrication du pellet. Outre la chaleur pour le sécheur de Jura Pellets, elle produit aussi l'eau chaude destinée au séchoir à bois de la scierie et au chauffage des bâtiments.  D'une puissance totale de 12 mégawatts, seuls 5 mégawatts ont été utilisés jusqu’à présent mais la consommation devrait grimper cet hiver. Les cendres sont revalorisées et entrent notamment dans la composition d'engrais pour l'agriculture. Rien ne se perd : les 3 à 4 m³ d’eau qui s’évaporent chaque heure sont récupérés et utilisés dans les presses et pour l’arrosage des grumes.

Les deux presses de l’entreprise sont capables de produire chacune 6 tonnes de pellets à l'heure. Aucun adjuvant, aucune colle ne rentre dans la fabrication, le produit final étant composé à 100% de matière sèche.

Dans chacun de ces quatre silos, 1 500 tonnes de pellets peuvent être stockées

Les pellets sont vendus actuellement 410 € la tonnes, en palette ou en camion-vrac. Les clients sont principalement francs-comtois, voire de l’est de la France et de Suisse mais Jura Pellets a aussi contractualisé avec des plus gros faiseurs comme Total énergies. L’entreprise s’adresse également aux particuliers qui souhaitent acheter des palettes entières.

Au total, l’investissement s’élève à 28 millions d’euros, dont 4 millions de subvention de l’Ademe pour la nouvelle chaudière et 1,5 million de France Relance.

« Une scierie de village devenue l’une des plus belles entreprises du Jura »

« Outre la valorisation des connexes de la scierie en circuit court, cette production de granulés bois améliore notre empreinte carbone », a expliqué Fabrice Chauvin lors de l’inauguration. Son frère Stéphane a remercié en premier lieu les collaborateurs de l’entreprise ainsi que l’ensemble des partenaires de l’opération : élus locaux, pouvoirs publics, banques et entreprises.

Willy Bourgeois, vice-président de la Région BFC, a remercié la fratrie pour son investissement « qui donne du sens au travail et conforte l’identité du territoire, tout en prenant en compte la préservation de ses forêts ». Clément Pernot, qui intervenait avec sa triple casquette de président du conseil départemental et de la communauté de communes, et de sénateur, les a félicités pour leur parcours : « Vous êtes partis d’une scierie de village pour bâtir une des plus belles entreprises de traitement du bois sur notre territoire. La forêt et son industrie sont essentielles pour le Jura, pour ses ressources, pour ses emplois ».

« Votre projet fait sens car il épouse toute la chaîne de la filière bois, » a conclu le préfet Serge Castel. « Il entretient une économie en circuit court avec un savoir-faire, des formations d'excellence, une matière première locale… » Il a aussi pointé du doigt les inquiétudes pour cette forêt : incendies, sécheresse, crise des scolytes. « Il faut s’adapter et réfléchir à un modèle de forêt pour demain ».

S.C.

Fabrice et Stéphane Chauvin réfléchissaient depuis 10 ans à ce projet qui a vu le jour en mai dernier

Scierie Chauvin, une histoire de famille

Lors d’une visite la semaine passée avec des représentants de la chambre d’Agriculture du Doubs, Fabrice Chauvin co-gérants a distillé les grands chiffres de la société.

« La scierie est une histoire familiale créée par mon arrière-grand-père en 1925, » a rappelé le dirigeant. « Nous travaillons exclusivement du résineux. 130 000 m³ par an collectés dans un rayon de 80 km autour de l’entreprise » explique le dirigeant.

Inquiétudes 

27 grumiers franchissent la porte de l’entreprise chaque jour. 60 salariés y travaillent. Avec un chiffre d’affaires de 45 mil­lions d’€ auxquels s’ajoutent 20 millions d’€ pour la partie fabrication de pellets, la scierie fait partie des cinq plus grosses de France. « Ce que nous avons fait il y a une dizaine d’années en nous implantant ici sur 20 ha après un travail avec les collec­tivités locales, nous ne pourrions plus le faire aujourd’hui » alerte Fabrice Chauvin. « Les maté­riaux sont plus chers, les taux d’intérêts sont prohibitifs et le foncier je n’en parle même pas » énumère le responsable. A cela s’ajoute une concurrence pres­sante venue d’outre Rhin. « Les Allemands ont replanté après la seconde Guerre mondiale. Les arbres sont aujourd’hui sur le marché et notre scierie est petite à côté de ce qui existe chez eux. Ils écrasent les coûts de produc­tion et nous ne sommes plus du tout concurrentiels » annonce Fabrice Chauvin.

Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier 

L’entreprise a su se moderniser et acquérir du matériel perfor­mant qui lui permet d’augmenter les rendements. Les fluctuations des marchés sont de plus en plus prégnantes et parfois difficiles à encaisser. « On a toujours vécu avec des à-coups mais ils sont plus marqués depuis quelques années. Ce qui nous sauve, c’est d’être diversifiés » explique le responsable. L’entreprise a su fi­déliser ses clients et a même in­vesti en aval de filière avec deux entreprises dans lesquelles elle possède du capital.

Séverine Vivot