Assemblée générale de la FDSEA
« Plus vite, plus fort, plus haut, mais ensemble ! »

La FDSEA tenait ce mercredi 13 mars son assemblée générale annuelle à Brery, en présence de Christophe Chambon, secrétaire général adjoint de la FNSEA. Ce fut l’occasion pour le syndicat de dresser un bilan sur les nombreuses revendications et avancées obtenues depuis les manifestations.

« Plus vite, plus fort, plus haut, mais ensemble ! »
(De gauche à droite : Jean-Marie Hervé et Christophe Buchet, respectivement secrétaire général et président de la FDSEA 39, Chritophe Chambon, secrétaire général adjoint de la FNSEA et Serge Castel, préfet du Jura.

« Tout au long de l’année, nous avons porté vos revendications pour obtenir des acquis dans l’intérêt de tous les agriculteurs jurassiens et français. Quand il faut proposer et négocier, nous sommes là. Quand il faut dire que l’on marche sur la tête, nous sommes là aussi ! Quand il faut soutenir l’un d’entre nous face à une attaque de loups à 2 pattes ou 4 pattes, nous sommes là également ! », a rappelé Jean-Marie Hervé, secrétaire général de la FDSEA du Jura  taclant au passage les autres syndicats qui attendent « l’arrivée des élections professionnelles pour sortir leurs bonnets et leurs drapeaux ».

« Les deux premiers mois de 2024, en cette année olympique, ont été sportifs, » admet le président Christophe Buchet, maniant la métaphore. « Mais c’est un travail de fond qui a été conduit par la FDSEA durant toute l’année. Nous avons organisé plus de 80 réunions, multipliant les thématiques tels des décathloniens ». Les sujets sur lesquels le syndicat s’est mobilisé ont, en effet, été nombreux : foncier, environnement, hausse des charges, plan loup, dégâts de gibier, contractualisation, irrigation, sécurité, problématiques de chaque filière etc.

Parmi les temps forts de l’année, le passage du Tour de France dans le Jura. Les adhérents du canton de Salins-les-Bains se sont démenés pour mettre en place une fan-zone et un village de l’emploi agricole. A cette occasion, une gigantesque fresque visible du ciel, représentant les productions jurassiennes dans des engrenages, a été réalisée et a terminé seconde du concours « Les agris aiment le Tour ».

Un ras-le-bol généralisé

« Autre sujet sur lequel nous avons déployé beaucoup d’énergie, et qui pour l’instant est loin d’être réglé : la gestion du FEADER par le conseil régional » précise Christophe Buchet, « Cette présence sur tous les fronts nous a permis de constater que quelque chose était en train de se passer sur le terrain. Une forme d’exaspération, un ras-le-bol généralisé des papiers, des démarches administratives, d’une réglementation complexe, d’un manque de considération de nos concitoyens, d’un sentiment d’injustice ».

En novembre déjà, aux prémices du mouvement « On marche sur la tête », le bureau du syndicat jurassien rencontrait Emmanuel Macron et Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, pour les alerter sur le mécontentement en leur remettant un panier garni de produits locaux symbolisant les difficultés que subissent les agriculteurs.

La vague de panneaux d’agglomération retournés cet hiver pour dénoncer les aberrations administratives, si elle a attiré la sympathie du grand public, n’a malheureusement pas été entendu des pouvoirs publics, ce qui a mis le feu aux poudres. L’ampleur des manifestations qui ont suivi témoigne du mécontentement de la profession. De mémoire d’ancien, jamais le Jura n’avait connu une telle mobilisation : 268 tracteurs à Lons-le-Saunier puis 400 à 500 personnes sur les points de blocage centrales d’achat des GMS à Rochefort-sur-Nenon et Innovia.

Un syndicalisme de solutions

Revendiquant un syndicalisme de solutions, Christophe Buchet a tenu à remercier tous ceux qui se sont mobilisés dans le calme et le respect des biens et des personnes. « A la FDSEA, nous avons fait le choix de l’expression syndicale responsable et du travail de fond. C’est certainement moins populiste mais, à notre sens, c’est la seule démarche sérieuse qui permet de faire évoluer durablement la situation. Mais nous ne balaierons pas 30 années de sédimentations réglementaires d’un revers de main, nous sommes dans une course de fond, les choses sont complexes mais je ne doute pas que nous obtiendrons des avancées visibles dans vos exploitations ».

Depuis, les réseaux FNSEA et JA s’activent depuis l’échelon départemental jusqu’à Bruxelles et ont remis plus de 120 propositions au Premier ministre. « On a fait remonter autant de mesures car l’action est partie des départements, elles représentent donc toutes les filières et tous les territoire », précise le Doubiste Christophe Chambon, secrétaire générale adjoint de la FNSEA, invité en voisin par la FDSEA du Jura. « Ça bouge, on n’avait jamais vu quatre ministres prendre ensemble la parole sur des questions agricoles ».

L’Agriculture reconnue d’intérêt général

Sur certaines de ces propositions, des réponses et avancées ont déjà été obtenues. En premier lieu, le président de la République a annoncé lors du SIA que l’agriculture serait reconnue d’intérêt général. « C’est pour moi un des plus gros acquis, l’agriculture est positionnée tout en haut, cela facilitera toutes les démarches à venir », estime Christophe Chambon.

Revendication phare de la base, la fiscalité du GNR va évoluer. La hausse prévue de la TICPE est abandonnée, les remboursements d’avance ont été accélérés et des taux « super réduits » seront appliqués à partir du 1er juillet en pied de facture. Le solde des aides PAC sera aussi versé rapidement pour renflouer les trésoreries, théoriquement avant le 15/3 (hors DJA, MAEC et investissement). Plusieurs fonds d’urgence ont aussi été débloqués : 90 m€ au total pour l’agriculture biologique, 50 m€ pour faire face à la MHE, 20 m€ pour les dégâts causés par les dernières tempêtes et inondations, 80 m€ pour les vignobles en crise auxquels s’ajoutent 150 m€ pour les mesures structurelles comme l’arrachage temporaires dont le Jura pourrait peut-être bénéficier. Pour renflouer les trésoreries qui en ont besoin, un différé de paiement d’un an et un rééchelonnement de la dette sont désormais possibles. Les exploitations en difficultés devraient aussi bénéficier de prêts de consolidations à des taux entre 0 et 2,5%. Les prêtes d’investissements pourront être garantis par l’Etat.

« C’est le moment d’insister ! »

Autre point clivant : les jachères. Les dérogations BCAE 8 sont reconduites et les agriculteurs auront le choix entre 4% de surfaces non productives, 4% de plants fixant l’azote sans phytos ou 4% de dérobés. Cela représente entre 1500 et 2000 ha dans le Jura. « Il faut que cette dérogation devienne pérenne, » souhaite Christophe Chambon. « Les élections européennes approchent, c’est le moment d’insister ! »

Dernière mesure d’urgence, un projet de loi au Sénat et un amendement JA/FNSEA repris par le gouvernement devraient permettre aux agriculteurs de faire évoluer leurs activités dans des conditions normales en étant protégés des plaintes pour trouble du voisinage.

Autre point d’achoppement entre agriculteurs et l’Etat : la complexité des règlements et les contrôles qui en découlent. « Le symbole de l’OFB armé pour venir sur une exploitation ne passe plus, » prévient Christophe Buchet. Le syndicat souhaite que ces agents, qui dépendent actuellement du préfet et du procureur, soient placés sous l’autorité unique du préfet et qu’un chantier visant à améliorer le déroulé des contrôles soit lancé. « Ces contrôles sont illisibles au point de mettre les agriculteurs en insécurité juridique permanente ». Les agriculteurs ne sont pas opposés aux contrôles mais refusent leur multiplication par des entités différentes. L’enjeu est de travailler à un contrôle administratif unique et interservices.

Pour y répondre, un « mois de la simplification » a été lancé par le gouvernement. Plus de 3000 propositions ont déjà été remontées et 63 arrêtés ont été supprimés ou modifiés. Dans le Jura, quatre groupes de travail ont été définis : sur les haies, sur les prairies sensibles, sur les cours d’eau et sur le social et la réglementation. Des premières séances de travail avec la DDT, auxquelles participe la FDSEA, ont eu lieu.

Prix plancher, prix plafond

La rémunération des agriculteurs et le prix de vente de leurs produits étaient aussi omniprésents lors des manifestations. Le syndicat souhaite une meilleure information auprès des consommateurs, notamment sur l’origine des viandes, ainsi qu’un renforcement des contrôles Egalim avec des sanctions renforcées pour les contrevenants. Un projet de loi devrait être présenté d’ici l’été avec des coûts de production replacé au centre de la construction des prix et l’application de la loi Egalim sur les centrales d’achat européennes. Le président de la République a aussi introduit dans le débat une notion de prix plancher qui laisse sceptique Christophe Chambon : « Il faut faire attention à ce que ces prix plancher ne deviennent pas des prix plafond et que les consommateurs ne pensent pas que l’inflation est due aux agriculteurs. Sur ce sujet, la contractualisation est aussi primordiale ».

Autre avancée obtenue : la mise en pause du plan Ecophyto. L’objectif de réduire de 50% l’utilisation de produits phytosanitaires est maintenu, les discussions portent sur la fin de l’utilisation de l’indicateur français Nodu pour prendre en compte la dangerosité pour la santé et l’environnement des produits grâce à un indicateur européen. Avec ce nouveau critère, le bilan pour les 10 dernières années passerait de +3 % avec le Nodu à -32%.

Ce ne sont la que quelques exemples parmi la liste de revendications et de mesures annoncées par le gouvernement tant les besoins des agriculteurs pour pouvoir vivre décemment de leur travail sont nombreux et concernent de nombreux sujets d’inquiétude : retraite, emploi, compétitivité, transmission, fiscalité, gestion de l’eau, clauses miroirs, Europe, changement climatique, etc.

  « Nous n’avons jamais eu une telle ouverture pour faire avancer les choses, c’est une formidable opportunité pour faire aboutir nos revendications et que les effets se fassent ressentir dans vos fermes, » a résumé Christophe Buchet. « S’il y a besoin de renouer avec l’action syndicale, nous n’hésiterons pas à le faire, » a-t-il prévenu, « mais pour l’heure, il est important de simplifier le mille-feuille. En cette année olympique, allons plus vite, plus fort, plus haut, mais ensemble. Gardons la flamme ! »

S.C.

Toujours plus de proximité

« Il est important de faire acte de cotisation, » a déclaré Christophe Buchet, président de la FDSEA. « Chaque année, de nouveaux adhérents nous rejoignent. »

En renforçant l'équipe d'animation et en impliquant davantage les administrateurs, en particulier les présidents cantonaux, la FDSEA du Jura a choisi de regagner en proximité en allant à la rencontre de ses adhérents et des agriculteurs de manière individuelle ou lors de réunions thématiques. « Dans un contexte où les mails, les SMS, et globalement le numérique en viennent à nous submerger, il nous semble important de redonner une place importante au contact direct. Cette stratégie de proximité est pour nous essentielle car le syndicalisme c'est avant tout des relations humaines, l'expression des difficultés de chacun pour mieux trouver des solutions ensemble et avec nos partenaires ».

Une stratégie qui marche puisqu’en 2023 le nombre d’adhérents a progressé de 7%.

Ils ont dit

Franck Lenoir, président du syndicat des irrigants du Jura : « Notre principal dossier en 2024 sera la mise en conformité tous les puits d’irrigation, notamment individuels. Ils devront respecter des critères de conception, sous peine de pénalités, et les puits non déclarés ne pourront plus servir à l’irrigation. Nous travaillons avec la DDT pour faire valoir des critères qui permettent de les mettre aux normes sans frais énormes ».

Jean-Yves Noir, président du comité technique de la Safer du Jura : « Ce n'est pas un hasard si les terres les moins chères de France sont dans le Jura : la Safer ne laisse rien passer sur les prix. Nous sommes régulièrement interpellés par des JA sur leur installation mais le problème n'est pas le prix du foncier, mais celui des bâtiments ».

Philippe Cornu, président des JA du Jura : « Il faut que nous puissions parler de production et de rendement pour nourrir la population. Ces mots ne sont pas des gros mots ! »

Jean-Baptiste Alpy, vice-président de la chambre d’Agriculture du Jura : « Nous avons installé beaucoup de jeunes ces dernières années mais cette année nous avons fortement baissé. On installe 40% de hors-cadre familial dont le tiers est hors filière. Ils touchent la DJA et tiennent en moyenne une dizaine d’année. Quelque chose ne va pas, il faudrait penser en priorité à ceux qui s’installent pour du long terme ».

Franck David, premier vice-président du conseil départemental en charge de l’Agriculture : « Je salue votre motivation et votre responsabilité lors des mobilisations pour exprimer votre malaise. Le département participe au financement de la DJA au même niveau que la région mais c’est elle qui instruit les dossiers. Nous avons voté lundi 170 000 € de subvention DJA et souhaiterions pouvoir les débloquer de suite. ».

Serge Castel, préfet du Jura : « Un contrôle n’a de sens que s’il est compris. La personne doit connaître les règles sur lesquelles elle est contrôlée. Si par exemple un gendarme fait un contrôle routier, vous devez connaître le code de la route. Nous avons proposé de mener une expérimentation au niveau du Jura pour coordonner les contrôles des agriculteurs sous l’autorité du préfet ».  

Environ 80 adhérents ont assisté à cette assemblée générale