gruyère France IGP
L’assemblée générale du Syndicat interprofessionnel du Gruyère

France IGP (SIG) s’est tenue le 11 avril à Sevrier (Haute-Savoie). Le Gruyère France IGP retombe sous la barre des 3 000 tonnes

L’assemblée générale du Syndicat interprofessionnel du Gruyère
Une quarantaine de participants à l’AG du Gruyère France IGP, certains ayant parcouru plusieurs centaines de kilomètres.

Le Syndicat interprofessionnel du Gruyère France (SIG) a organisé son assemblée générale annuelle le 11 avril à Sevrier (Haute-Savoie), dans le sud de la zone de collecte IGP qui s’étend sur sept départements du Grand Est. Le président Julien Couval, producteur de lait en Haute-Saône, a d’abord remercié la quarantaine de participants, certains venus de loin et s’étant levés très tôt. Puis Julien Goury, vice-président du SIG et des Fruitières de Savoie, a présenté sa coopérative, liée en gestion indirecte avec son partenaire les fromageries Chabert. L’entreprise familiale savoyarde est l’un des trois principaux opérateurs de l’IGP Gruyère avec Monts & Terroirs et la fromagerie Arnaud.

Ralentissement des ventes au second semestre 2023

La séance a débuté par les statistiques de la campagne écoulée (lire encadré ci-dessous). La production laitière totale de la zone a baissé (-8 %) sous l’effet des aléas climatiques. Moins de meules de Gruyère ont été fabriquées (-5 %) à cause d’un marché en retrait. L’érosion du pouvoir d’achat et du moral des consommateurs a pesé sur les ventes 2023, comme pour l’ensemble des fromages sous signes de qualité, surtout sur le second semestre pour le Gruyère. Toutefois, au premier trimestre 2024, les stocks sont au plus bas dans les entreprises. Préserver un marché sain par la maîtrise de la production est la priorité des responsables du SIG qui ont décidé d’adapter les règles de régulation de l’offre au contexte actuel. Le seuil de déclassement est maintenu à 12 % mais le taux de référence additionnelle a été fixé à 0 % pour 2024-2025.

Les 10 ans de l’IGP célébrés

En 2023, le Gruyère France a célébré les 10 ans de l’obtention de son IGP. Cet anniversaire a été le fil rouge de la stratégie de promotion du syndicat dotée d’une enveloppe de 150 000 euros (la moitié du budget annuel) : campagnes d’affichage, achats d’espaces publicitaires, relations presse, tournée du food-truck, présence sur les réseaux sociaux… La dizaine de fromageries de la filière a ouvert ses portes, la première semaine d’octobre, « pendant dix jours festifs avec une belle fréquentation et de bons retours médiatiques » a expliqué Aurélien Drouhard responsable de la commission communication. La célébration de l’année des 10 ans s’est ponctuée par un grand repas convivial fin octobre à Noidans-les-Vesoul ayant réuni plus d’une centaine de producteurs, fromagers, affineurs et invités.

La refonte totale du site internet est annoncée pour la rentrée 2024. La prochaine campagne d’affichage sera axée sur un visuel original, associant le Gruyère IGP aux usages modernes de consommation pour séduire le public jeune et les familles (en burger, en apéritif, en salade et bien sûr, en plateau).

Activités techniques et certification

Le nouveau président de la commission technique du SIG Nicolas Henry a ensuite présenté les projets de R & D conduits avec Actalia : expérimentation pour résoudre les défauts de lainure sur la pâte ; intégration du projet Docamex pour capitaliser les savoir-faire fromagers. David Jobin a résumé le travail de la commission organoleptique qui déguste des échantillons et veille à la qualité des gruyères. Édouard Cressier a détaillé l’activité de la commission plan de contrôles et certification des opérateurs (une cinquantaine d’audits internes et externes avec Certipaq).

Une mise à jour mineure du cahier des charges IGP a été engagée. Éric Chevalier a regretté « le manque de réactivité des services de l’INAO, la lenteur d’instruction du dossier pour finalement nous demander de justifier un simple toilettage par une nouvelle étude technico-économique, c’est aberrant ». Plus mesuré, le président Julien Couval a, dans son rapport moral, fait le vœu d’une validation rapide par l’INAO « pour prochainement passer à l’étape suivante ».

L’assemblée générale s’est achevée par l’intervention d’Anthony Granger, chargé de relations avec les coopérateurs pour les fromageries Chabert, venu présenter l’entreprise et les particularités de l’organisation collective de la filière laitière savoyarde. Un exposé riche en informations et très apprécié par les participants majoritairement Haut-Saônois, Doubistes et Jurassiens (lire ci-dessous). 

BC

En chiffres : la filière Gruyère France IGP en 2023
Julien Goury vice-président et Julien Couval président du SIG ont présenté les activités 2023 de la filière Gruyère IGP.

En chiffres : la filière Gruyère France IGP en 2023

• 166 producteurs de lait, 1 producteur fermier, 6 fromageries, 3 sites d’affinage et 1 fromager-affineur.

• 56,6 millions de litres (ML) de lait collectés (-8 %) principalement sur la Haute-Saône, le Doubs et les deux Savoie.

• 29 ML transformés (-6 %) pour 2 916 tonnes de fromage fabriquées (-5 %).

• 2 816 tonnes commercialisées (+3 %).

• Stocks à fin décembre 2023 : 1 077 tonnes (-12 %). N

Le portrait de la filière laitière savoyarde
Anthony Granger, chargé de relations avec les producteurs pour les fromageries Chabert.
Exposé

Le portrait de la filière laitière savoyarde

Anthony Granger a présenté la filière des Savoie aux participants de l’AG du SIG.

Dans son brillant exposé à l’assemblée générale du SIG le 11 avril à Sevrier, aidé par les chiffres fournis par la FDCL, Anthony Granger a dressé le portrait de la filière laitière savoyarde : 1 450 exploitations produisent chaque année 376 millions de litres (ML) à 95 % sous cahiers des charges AOP-IGP et transformés par 48 coopératives (et 340 ateliers fermiers). Les deux Savoie pèsent seulement 1,6 % de la production laitière française en volume mais recensent 18 % des coopératives laitières du pays. Les fromageries, de petite taille, travaillent en moyenne 8 ML/an, soit dix fois moins que la moyenne nationale. L’exploitation type savoyarde (60 VL, deux associés) produit 272 000 litres. C’est deux fois inférieur à la moyenne nationale et cela cache une grande diversité des systèmes sur les territoires. Grâce à la valorisation du lait permise par la transformation en 40 000 tonnes de fromages de qualité (320 M€ de chiffre d’affaires), la dynamique du bassin laitier savoyard est là : + 13 % de production depuis dix ans et -26 % d’actifs sur la période (contre une chute de -34 % au national).

Puissante organisation collective

Le bassin laitier savoyard est marqué par une puissante organisation collective interprofessionnelle entre la production (FDCL), les produits (ODG), les transformateurs et les affineurs. Elle est charpentée autour de l’ARVI (association de régulation de la production et de gestion des volumes) et chapeautée par l’Interprofession laitière savoyarde (ILS), une section du CRIEL qui pilote les sujets transversaux à la filière. « Un modèle territorialisé, non délocalisable, qui autorise des complémentarités entre les produits des zones qui se chevauchent » a argumenté Anthony Granger.

Quatre schémas de vente de lait coexistent : la vente groupée à un fromager sans atelier en propriété « coop de vent de lait » (9 %) ; le vendeur individuel en contrat direct avec un fromager dit « lait forain » (11 %) ; la coopérative à gestion directe avec atelier fromager (29 %) ; et enfin, le modèle majoritaire, la coopérative à gestion indirecte (51 %), caractérisé par un contrat mettant à disposition l’atelier en propriété au partenaire fromager pour gérer la transformation et la commercialisation des fromages.

Les Fruitières de Savoie et les fromageries Chabert : une alliance gagnante

C’est sur ce modèle à gestion indirecte que s’est construite en 2016 l’alliance entre la coopérative Les Fruitières de Savoie (50 ML collectés auprès de 118 exploitations sociétaires d’Annecy jusqu’à Aix-les-Bains et cinq ateliers spécialisés en propriété) et l’entreprise Chabert (300 exploitations pour une gamme de 11 000 tonnes de fromages AOP-IGP/an sur dix fruitières). L’entreprise produit 200 tonnes de Gruyère IGP/an à l’atelier de Saint Germain la Chambotte (Savoie) à partir du lait de 13 coopérateurs. Aux Fruitières de Savoie, le prix de base du lait 2024 est de 704 € en zone AOP et de 605 €/tonne en zone IGP, avec une prime de 20 € pour la filière Gruyère. Le chiffre d’affaires de l’entreprise Chabert, en développement constant, a atteint 126,5 M€ en 2023 (il était de 25 M€ en 1995).

Menaces et incertitudes sur la filière lait

« La filière lait des Savoie va plutôt bien : dynamique, rémunératrice et bénéficiant d’une belle image. Toutefois, comme partout, des menaces, des incertitudes et des points de vigilance apparaissent » a pointé Anthony Granger. En tête de sa liste des préoccupations, figure le risque d’un décrochage entre le niveau de prix atteint par les fromages des Savoie et le pouvoir d’achat des consommateurs. La pression infernale mise par les autorités sanitaires sur les fromages au lait cru est également un point partagé avec les autres appellations françaises. La dégradation des flores lactiques, avec de plus en plus de « laits morts » et des rapports de taux TP/TB déséquilibrés, pose des difficultés dans les fromageries. La très forte pression foncière, le dérèglement climatique, le défi du renouvellement des générations, la concentration des opérateurs laitiers, les problématiques de conformité aux règlements des cahiers des charges questionnent de plus en plus sur les conditions d’exercice à l’avenir du métier de producteur de lait en pays de Savoie. n

BC