Fibois BFC
Construction bois : privilégier le local

45 acteurs régionaux des métiers de la filière bois et forêts ont signé, le 7 octobre à Mignovillard, une charte de bonnes pratiques et s’engagent à utiliser plus fréquemment du bois local dans les constructions.

Construction bois : privilégier le local
Les 45 signataires souhaitent favoriser les circuits-courts dans la construction bois

« En mai 2018, la filière bois régionale a fait face aux scolytes, nous avons dû trouver des solutions pour vendre le surplus de bois, » a rappelé en préambule Christian Dubois, délégué général de Fibois BFC (Interprofession de la filière forêt bois). « Depuis les crises s'enchaînent : il y a eu le Covid, la crise des matières premières et maintenant la crise énergétique. Nous n’avons pas le choix, nous devons nous adapter. La région a du bois, des entreprises et un savoir-faire ».

Pour répondre à cette conjoncture difficile tout en s’engageant dans une démarche environnementale, communes forestières, forestiers, scieurs, constructeurs et maîtres d’œuvre de Bourgogne Franche-Comté ont signé, vendredi 7 octobre à Mignovillard, une « charte régionale d’engagement bois local ».

S’inscrire dans une logique durable

Par la signature de cette charte, quarante-cinq acteurs de la filière souhaitent favoriser les échanges commerciaux entre producteurs et constructeurs locaux afin de sécuriser les approvisionnements, favoriser le circuit-court, redynamiser ce secteur d’activité et s’inscrire dans une logique durable.

L’idée est partie d’une concertation entre les acteurs jurassiens de la filière lors de réunions à l’institut de formation des Compagnons du Tour de France à Mouchard. Le périmètre de cette charte des bonnes pratiques correspond dans un premier temps au périmètre franc-comtois et pourrait ensuite s’étendre à d’autres territoires.

Les signataires ont pu visiter un exemple concret d'utilisation du bois local : pour les murs de ce bâtiment à Mignovillard, 600 m³ de résineux ont été coupés dans les forêts de Mignovillard puis transformés en panneau dans la scierie située la commune.

Les signataires s’engagent à mettre en place des accords bilatéraux : propriétaires publics et privés approvisionneront prioritairement scieurs et transformateurs ; les communes poursuivront leurs efforts pour utiliser du bois en circuit-court ; les entreprises de première et deuxième transformation définiront des prix responsables avec les constructeurs ; les constructeurs se fourniront localement ; les maîtres d’œuvre favoriseront les bois de pays et des accords-cadres portant sur des volumes et des prix pourront être mis en place.

Fibois apportera des retours d’expérience et s'engage à animer cette charte en faisant le lien entre les forestiers et les constructeurs. Les retombées en termes de communication et d’image devraient être positives pour la filière.

Une traçabilité souvent compliquée

« Nous avons encore beaucoup de travail à fournir, » prévient Philippe Gouget, responsable d’ALD construction bois à Port-Lesney. « Il est difficile de mettre en route des chantiers de bois local. Mais avec de la réflexion et de l'anticipation, la construction ne coûte pas plus cher ». Selon lui, « Les bâtiments en bois ne doivent pas forcément tous être des œuvres d'art : c'est valable pour une médiathèque, mais pour des habitations nous pouvons rester sur du classique ».

Pour Fabrice Chauvin, directeur de la scierie Chauvin à Mignovillard, cette signature est un engagement moral : « Ca me fait plaisir de produire en circuits-courts. Ils sont bons pour l’environnement mais ils rajoutent des contraintes, notamment celle de la traçabilité, souvent compliquée. Pour le projet de Mignovillard (lire encadré), les bois venaient d’une plantation où nous avons coupé beaucoup de billons, ce qui a facilité le suivi mais souvent les scieries trient le bois par qualité une fois les grumes coupées ». Autre bémol, les transformateurs locaux sont capables de tout produire, sauf des panneau OSB.

S.C.

Un circuit extrêmement court

A côté de la mairie de Mignovillard, un nouveau bâtiment tout en bois voit le jour. Sa particularité ? Les arbres ayant servi à sa construction ont poussé et ont été transformés sur le territoire communal. « Ils ont parcouru au total moins de 5 km, » précise le maire Florent Serrette. Un exemple qu’ont pu visiter les signataires de la charte bois local

Ce nouveau bâtiment de 3 étages est voué à accueillir 8 appartements pour personnes âgées, une micro-crèche et un plateau médical et paramédical de 150 m². Pour le construire, 600 m³ de résineux, parfois scolytés, ont été coupés dans la forêt communale, transformés en planches puis en panneaux par la scierie Chauvin, elle aussi située à Mignovillard. La ville a aussi fourni 60 m³ de hêtres pour la réalisation des parquets.

« Il n’y a aucun intérêt à faire partir nos bois loin. Nous ne voulions pas en vendre  et récupérer une équivalence, nous avons donc exigé dans le cahier des charges une traçabilité parfaite ».

Énergie positive

La chaufferie fonctionnera aux granulés de bois, « eux aussi locaux, » espère le maire. « Nous souhaitions un bâtiment à énergie positive pour répondre aux enjeux de demain, ce que permet le bois, » poursuit-il. « Nous allons utiliser le solaire pour l'eau chaude sanitaire et une partie de la consommation électrique ». L'isolation extérieure sera en laine de bois et celle d'intérieur sera en laine de verre classique : « Il fallait que ce bâtiment procure un haut niveau de confort thermique pour les personnes âgées qui y habiteront car les hivers sont rigoureux et les étés peuvent être extrêmement chauds ». L’eau de pluie sera récupérée et un trop-plein de 200m3 permettra d’éviter les débordements d’orages qui inondent parfois la cour de l’école voisine. « C’est beaucoup plus que nécessaire mais nous l’avons fait dans l’optique ou le dérèglement climatique va se poursuivre ».

Le bâtiment sera mis en service à la fin du printemps 2023. Il aura coûté au total 3,5 millions d’euros, financés pour moitié par des subventions de l’État, de la Région, du Département et de l’Ademe. Pour le reste, la mairie s’autofinance grâce à un emprunt qui sera remboursé par les loyers.

Florent Serrette, maire de la commune : « Nous ne pouvions pas faire plus court ».