Cancers et pesticides
Le gouvernement met le turbo pour réduire l'usage des pesticides

Les actes publics pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires se multiplient. Le 7 décembre, Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, a présenté le rapport parlementaire Ecophyto 2 qui vise à réduire de 50 % l'usage des pesticides à l'horizon 2025. Un rapport qui suit des décisions parfois radicales. Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, a interdit l'épandage aérien des pesticides en septembre 2014. Plus encore : le moratoire européen qui interdit trois néonicotinoïdes en Europe doit prendre fin mi-2015. Le président de la République François Hollande a affirmé, lors de la Conférence environnementale de novembre, qu'il faudra « aller plus loin ». Le Sénat français doit d'ailleurs se prononcer le 4 février sur une résolution pour interdire tous les néonicotinoïdes en Europe.
Le gouvernement met le turbo pour réduire l'usage des pesticides

L'objectif de - 50% d'utilisation de pesticides à horizon 2025 vaut plus que jamais car il y a des quasi-certitudes établies (1) en matière de santé publique », a affirmé Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, qui présentait la proposition de plan Ecophyto 2 à Paris, le 7 janvier.
Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, devrait donner son avis sur cette proposition fin janvier lors du Comité national d'orientation et de suivi (Cnos) qui se tiendra à Paris. «Connaissant le
ministre, l'architecture finale de la version 2 sera prête dans le 1er trimestre 2015», confie le député. Par ailleurs, les parties prenantes se réuniront la semaine du 14 janvier pour discuter du rapport avant le Cnos.


Démocratiser les démarches pionnières


Face à l'échec du plan Ecophyto 1 (voir encadré), «il s'agit du plan de la deuxième chance, la dernière avant des stratégies plus dures», soutient le député également agriculteur en Meurthe-et-Moselle. 68 recommandations ont été retenues par les parlementaires. Parmi elles, le déploiement massif du réseau Dephy de fermes qui expérimentent dans les champs la baisse de l'utilisation des pesticides. «Nous visons les 3.000 fermes (contre 1.900 actuellement, ndlr)», rappelle le député. Mais l'objectif est aussi de dépasser le stade des fermes pilotes.
D'où la proposition d'engager 30.000 fermes dans la démarche agroécologique. L'ambition est bien de gagner en échelle: les pionniers n'assureront pas seuls la diminution globale de l'utilisation
des pesticides en agriculture. Pour accompagner ce déploiement, les parlementaires tablent sur une augmentation des financements du plan. Ils proposent d'élargir la contribution de la redevance pollution diffuse «au minimum à 100 millions d'euros» contre 41 millions d'euros jusque-là.


Des interdictions décomplexées


Il n'y a pas que le rapport Potier et Ecophyto 2. La diminution de l'utilisation des pesticides à grande échelle est déjà en marche. Avec des décisions à la clé. Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie,
a ouvert le bal et le revendique: «Depuis mon arrivée, j'ai pris la décision d'interdire l'épandage aérien de pesticides et amendements dans la loi de transition énergétique qui interdit tout retour en arrière» (2). Le 23 décembre, elle rappelait aussi l'avancement de la mise en application de la loi Labbé. Elle prévoit l'interdiction totale des pesticides avancée à 2016 pour les collectivités et
à 2020 pour les particuliers. Bruxelles va en entendre parler Cette stratégie ne concerne pas que la France. Le moratoire qui interdit l'utilisation de trois néonicotinoïdes en Europe prend fin à la mi-2015. «Un moratoire européen concernant trois néonicotinoïdes a été décidé à notre initiative. Nous irons plus loin et la France portera elle-même ce dossier au plan communautaire», annonçait le président de la République François Hollande lors de la Conférence environnementale en novembre dernier. Ces propos ne sont pas encore suivis d'actes. Néanmoins, Joël Labbé, député EELV à l'origine de la loi du même nom, confie : «Nous allons nous réunir avant fin janvier avec les conseillers agricoles du président de la République, du ministre de l'Agriculture
et de la ministre de l'Ecologie».
Un hasard? Le 4 février, les sénateurs se prononceront sur une proposition de résolution déposée par Joël Labbé et par le député PS Germinal Peiro pour interpeller le gouvernement. Il s'agit de
le pousser à proposer à Bruxelles d'interdire tous les néonicotinoïdes en Europe. En cas d'avis favorable du Sénat, le gouvernement français n'aura d'autre choix que de porter la résolution à la
Commission européenne. Parallèlement, Joël Labbé entend mobiliser et sensibiliser les autres pays européens. «Aux Pays-Bas, le Parlement a adopté une résolution similaire. Pour les autres Etats membres, nous devrons nous appuyer sur la mobilisation des citoyens», rappelle-t-il. La semaine du 12 janvier, le sénateur français doit aussi s'entretenir avec le député européen José Bové, membre de la Commission agriculture. 


(1) Un rapport collectif de l'Inserm (institut national de la santé et de la recherche médicale) montre la nécessité de mieux évaluer l'exposition des opérateurs aux pesticides.
Il a été publié en juin 2013. En outre, la Commission européenne planche toujours sur la perturbation du système endocrinien.
(2) L'arrêté a été publié 19 septembre 2014. Il interdit définitivement l'épandage aérien sur maïs et bananiers. En revanche, l'épandage sur vignes et sur riz bénéficient de dérogations jusqu'au 31 décembre 2015.