Témoignage
« Des loups aperçus dans toutes les zones du Jura »

Xavier Pagnier, qui suit le dossier loup pour les JA du Jura, était présent aux Assises de la prédation. L’éleveur du Grandvaux plaide pour un comptage au plus juste du nombre de loups. 

« Des loups aperçus dans toutes les zones du Jura »
Christophe Buchet, président de la FDSEA 39 et Xavier Pagnier ont représenté les éleveurs du Jura aux Assises de la prédation

Jura agricole et rural : Pensez-vous avoir été entendu par les pouvoirs publics ?

Leur rôle premier était de poser le problème de la prédation et faire remonter les demandes et les besoins du monde agricole au sujet du futur plan loup. Cela aurait du aussi être l’occasion de rencontrer et connaître les différents interlocuteurs et décideurs de ce plan. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau est conscient du problème. Il a participé en visio pour nous écouter et a évoqué les marges de manœuvre possibles. Par contre, la Secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, était invitée mais elle n’est pas venue. Elle ne s’est pas non plus exprimée en visio.

JAR : Quelles sont les premières mesures à mettre en œuvre ?

Nous pensons que les éleveurs devraient avoir le droit de s’équiper en vision nocturne pour être plus efficaces lors des tirs de défense, ce qui est jusque-là réservé aux louvetiers.

Par rapport au recensement des loups, moyens doivent être mis en œuvre pour qu’un vrai comptage soit réalisé, plutôt qu’un calcul par rapport à des traces. Le nombre de loups présents en France est fortement sous-évalué. Cette population est estimée aujourd’hui à 921 mais les indices que nous avons laissent à penser qu’il y en a beaucoup plus. Aujourd’hui 50 départements ont été colonisés et cela va continuer. Au total, 12 000 bêtes ont été tuées l’an passé.

Chacune des deux dernières années, environ 150 loups ont été abattus en France à la suite d’autorisations de tirs, sans compter ceux qui meurent de causes naturelles ou d’accidents, mais malgré cela, dans le même temps, leur nombre total a augmenté de 200 ou 300 individus.

JAR : Ou en sommes-nous dans le Jura ?

 L’OFB estime que 15 à 20 loups se sont établis dans le Jura, mais ils ne prennent en compte que les meutes établies du coté français. J’ai suivi une formation de pisteur, par rapport au réseau loup-lynx, pour repérer et identifier les indices et les traces de prédateurs dans la nature. Nous intervenons lorsque des personnes pensent avoir décelé la présence du loup pour confirmer ou non. Les gens en voient dans tout le département, pas uniquement dans le Grandvaux ou sont censées être les meutes mais aussi dans la Petite-Montagne et la plaine. Ce sont des loups solitaires qui ne sont pas comptabilisés mais sont bel et bien là comme le prouvent les attaques.

Les Suisses ne se contentent pas d’approximation et savent où ils en sont. Ils mettent les moyens nécessaires et recensent et suivent les individus grâce aux marqueurs génétiques. C’est donc possible !

Les loups prédatent habituellement des ovins et des petits ruminants mais la meute du Marchairuz s’est spécialisée sur les bovins. Les femelles ont eu leurs petits et les ont éduqués. Ils vont bientôt commencer à chasser. Nous craignons donc une augmentation du nombre d’attaques mais c’est difficile d’établir un scénario. Dans les Hautes-Alpes ou les attaques sur bovins ont commencé il y a quelques années, 23 meutes sont dorénavant établies. Dans le Jura, il y en avait une, elles sont maintenant trois.

JAR : Quelles solutions reste-t-il ?

Il aurait fallu s’en occuper dès que le loup est arrivé. Maintenant, la seule solution serait de réguler pour que la meute retourne au nombre d’individus qu’elle avait lorsqu’elle ne posait pas de difficulté. Mais c’est impossible car l’espèce est protégée. S’il n’y a pas une vraie volonté politique pour stopper l’expansion de ce prédateur, nous n’y arriverons pas.

Pour que je sois confiant, il faudrait que le ministère de l’Ecologie et les associations environnementalistes soient prêts à faire des concessions, sinon rien n’avancera. Selon eux, les agriculteurs ne doivent pas se plaindre car nous sommes indemnisés. Ils achètent la présence du loup mais nous ne travaillons pas pour nourrir les prédateurs. Les éleveurs aiment leurs bêtes. Aux Assises, certains ont éclaté en larmes en nous expliquant que leur métier était devenu invivable. Nous ne pouvons pas travailler la journée et surveiller les troupeaux la nuit.

Propos recueillis par S.C.