Circuits courts, mode ou eldorado ?

Les circuits de proximité ont-ils toujours le vent en poupe trois ans après le premier confinement général ? Éléments de réponses.

Circuits courts, mode ou eldorado ?
Les circuits de proximité ou courts peuvent représenter un réel atout si toutes les contraintes inhérentes sont prises en compte. (©DR )

Les circuits courts ou circuits de proximité, un effet de mode ou un eldorado ? Trois ans après la crise de la Covid-19 et notamment le premier confinement pendant lequel les circuits courts ont été plébiscités par les consommateurs, la question est épineuse. En effet, les consommateurs poussent-ils toujours la porte du magasin de producteurs du coin ou de la ferme voisine ou les habitudes ont-elles repris le dessus ? La réponse ne peut pas être aussi tranchée. « Il a toujours existé dans l’histoire de l’humanité des circuits de proximité, a expliqué Hermine Chombard de Lauwe, déléguée générale du Conseil national pour la résilience alimentaire (CNRA) à l’occasion d’une table ronde organisée au Salon de l’agriculture en mars dernier. Nous avons toujours cherché à nous nourrir au plus près de chez nous. Pour autant, les circuits longs aussi ont toujours existé à l’image de la Route de la soie, le plus ancien et certainement le plus connu. Il est donc primordial de mettre en lien les circuits de proximité et longs pour permettre aux territoires d’être résilients sur le plan alimentaire. »

Retour aux bases

Toutefois, au fil des années, cette réalité a été bousculée par des crises et des évolutions sociales diverses. « Après la Seconde Guerre mondiale, un plan de massification a été mis en place qui a profondément marqué notre système. Les producteurs ne savent plus où vont leurs produits, qui les consomment et où, à quel prix ils sont vendus… La crise de la Covid-19 a révélé les circuits de proximité comme une valeur refuge », a noté la déléguée générale du CNRA. Autre crise : la guerre en Ukraine et l’inflation qui en résulte poussent également les consommateurs à revenir aux bases. « Ils ont envie de savoir d’où proviennent les produits qu’ils consomment. » Ce mode de commercialisation répond alors à une réelle attente des consommateurs, notamment ceux qui ont fui la ville pour s’installer à la campagne, comme quelque part un retour aux sources.

Une belle voie de diversification

Du côté des producteurs, la volonté de diversification est l’un des éléments clé pour vendre en direct ou en réduisant au minimum le nombre d’intermédiaires. « Les circuits courts présentent en effet un réel atout de diversification et de retour de valeur ajoutée sur l’exploitation. Ils permettent également de diminuer les temps de transport et de maîtriser le prix de vente », a complété Claire Coquillat, responsable animations marchés Agri-Agro au Crédit agricole. À cela, s’ajoute une réelle dimension sociale en créant notamment de nouvelles interactions et brisant pour certains un isolement. Les circuits courts mettent également en lumière le métier d’agriculteur.

Enfin, un réel élan politique existe autour des circuits courts dans l’objectif d’accompagner la transition alimentaire et agroalimentaire qui se profile depuis plusieurs années. Cette évolution, selon la déléguée générale du CNRA, est notamment portée par les quelque quatre cents projets alimentaires territoriaux (PAT) qui existent au sein du territoire. Ces derniers ont pour objectif de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires. Une relocalisation que beaucoup rêvent qu’elle soit portée par la restauration collective.

Alors, si tous les signaux semblent être au vert pour les circuits de proximité, tout n’est pas aussi rose qu’il n'y paraît. Après la Covid, certains magasins de producteurs se sont retrouvés dans le rouge, les consommateurs ayant déserté leurs allées. Il ne faut pas occulter non plus que les circuits courts demandent du temps de travail supplémentaire en termes notamment de logistique. Enfin, se lancer nécessite souvent un investissement parfois conséquent.

Alors pour Patricia Sijilmassi, directrice générale de Fermes and Co, le réseau des boutiques Bienvenue à la ferme, la clé de la réussite réside en un mot : la professionnalisation. « Au sein du réseau, nous mettons le client au cœur de la réflexion. » Selon la représentante de Fermes and Co, il faut prendre en compte les habitudes et les contraintes des consommateurs, avoir une offre complète et variée et apporter « de la pédagogie » autour des produits. Un eldorado à conquérir donc avec méthode.

Marie-Cécile Seigle-Buyat

Ce qu'il faut retenir

•          Les circuits courts c'est déjà 1 producteur sur 5 qui fait de la vente directe.

•          Un changement sociétal en cours boosté par un nouveau phénomène d'exode rural et retour aux sources.

•          23 % des agriculteurs pratiquent de la vente directe, 6 % souhaitent le faire dans les cinq prochaines années et 35 % pour les réseaux installés.

•          Entre 30 et 40 % de chiffre d'affaires en plus en un an pour les magasins de producteurs qui ont intégré le réseau Fermes and Co.

Source : communiqué de presse de Lisy.co, organisateur de la conférence de presse au SIA.