Une seule santé

SANITAIRE/ Le GDS 39 s'est intéressé au thème « Une seule santé » pour mieux comprendre l’interdépendance entre la santé humaine et la santé animale. Un concept au cœur de l’actualité.

Une seule santé
À la tribune, Pascal Martens (GDS BFC), Erick Kerourio (DDETSPP), Rémy Guillot (GDS 39), Franck David (Conseil départemental), Jean-Baptiste Alpy (CA39)

« Une seule santé » (« One health ») est un concept qui existe depuis une vingtaine d’années et que la pandémie actuelle a rendu encore plus vital.

Il faut savoir que 60 % des agents pathogènes sont communs à l’homme et à l’animal. Les trois quarts des agents pathogènes humains émergents sont d’origines animales.

« Ce qui se passe dans nos élevages a des conséquences pour nos foyers. Un décloisonnement est nécessaire entre santé animale et santé humaine », plaide Rémy Guillot, président du GDS39. Un thème qui a été développé lors de l’assemblée générale du Groupement de défense sanitaire du Jura, le 8 décembre à Villeneuve-sous-Pymont.

Si les GDS ont été mis en place après guerre pour éradiquer la tuberculose et la brucellose, ils peuvent, encore aujourd’hui, jouer un rôle dans la détection, la prévention et le contrôle de certaines maladies transmissibles entre l’animal et l’homme ou zoonoses.

Kristel Gache, codirectrice du GDS France, présente en introduction des exemples de zoonoses : la fièvre Q, la salmonellose, l’encéphalite à tique… L’antibiorésistance en élevage peut aussi avoir des conséquences sur notre santé. Christelle Dalloz, chef du service santé de la DDETSPP* (Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations) du Jura, après avoir présenté un rapport sur les maladies réglementées, évoque aussi, sur cette question des maladies transmissibles à l’homme, les risques de contaminations de la viande en abattoir par Escherichia coli qui viennent principalement des souillures présentes sur l’animal.

Dialogue médecins-vétérinaires

Animée par Franck Morel, directeur du GDS 39, cette table ronde sur l’idée d’une seule santé a fait intervenir conjointement un médecin et un vétérinaire.

« La prise de conscience d’une seule santé est relativement récente. Les informations sur l’environnement, le dérèglement climatique ont sensibilisé l’opinion. Le lien entre santé animale et santé humaine, la MSA s’en occupe depuis longtemps, avec la mise en place d’un observatoire des zoonoses et la prévention des risques au niveau du travail », signale le Dr Jean-Pierre Valera, médecin responsable de la santé sécurité au travail pour la MSA de Franche-Comté.

Une assemblée réduite aux administrateurs du GDS et organismes partenaires

Le Dr Lionel Grisot, vétérinaire à Frasne (25) , vice-président du Groupement technique vétérinaire de Bourgogne Franche-Comté, reconnaît que « la France souffre de ce manque de dialogue » entre santé animale et humaine, entre médecins et vétérinaires. « La médecine agricole de la MSA est celle avec laquelle la perméabilité est la plus facile. Actions locales et impulsion nationale pourraient susciter ce dialogue. »

Les problèmes d’avortements

Participant également à la table ronde, Éliane Fillod, éleveuse à Dessia et mère de 3 enfants, se dit interpellée par les risques que représentent certaines maladies comme la fièvre Q, qui peut être dangereuse pour les femmes enceintes. Cette maladie respiratoire, bien présente dans les élevages ruminants, est reconnue comme étant la deuxième cause infectieuse lors d’avortements répétés. « Je ne savais pas que la fièvre Q était transmissible à l’homme. J’ai deux grandes filles. Je vais être vigilante et faire autrement en cas d’avortements dans le troupeau », indique l’éleveuse.

« La fièvre Q fait partie de ces maladies anciennes que l’on commence à étudier en santé humaine. Pourtant 70 à 80 % des vétérinaires y sont séropositifs », remarque Lionel Grisot qui insiste pour que la question des avortements en élevage soit regardée avec une grande attention. « Je pense que nous avons de gros efforts à faire sur ce sujet ».

La fièvre Q est classée dans les maladies à surveillance obligatoire mais sa recherche se heurte à un enjeu financier pour les éleveurs, l’analyse n’étant pas prise en charge. Pour Rémy Guillot, la question est à étudier : « Le GDS 39 peut voir s’il est besoin de mettre un peu d’aides sur cette maladie… »

« La biosécurité sans jargonner »

Plus globalement, réduire la transmission de maladies à l’intérieur d’une même espèce ou entre espèces fait appel à la notion de biosécurité, avec un volet prévention et un volet nécessairement réglementaire. « La biosécurité mériterait d’être prise non comme un carcan mais comme un réflexe à adapter en fonction de son type d’élevage et des risques. Une matière qui mériterait d’être enseignée en filière agricole de manière qu’elle suscite l‘intérêt des futurs éleveurs… », pense Lionel Grisot.

Le GDS France propose des modules en ligne donnant divers conseils pour éviter la diffusion des maladies, la protection des visiteurs et de la famille. « La biosécurité, vous la pratiquez déjà sans le savoir, et globalement avec un très bon niveau dans les élevages français », précise Kristel Gagne.

La Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) du Jura va également mettre en place une démarche originale, en lien avec le GDS. « Pour éviter de jargonner sur le terme ‘’biosécurité’’ , nous allons travailler avec des éleveurs jurassiens volontaires sur des webinaires pour aider à regarder les pratiques quotidiennes en élevage », explique Erick Kerourio, directeur de la DDETSPP.

L’échelon départemental

Tous les intervenants se sont accordés sur l’importance de la dimension locale.

« Biosécurité, biocontrôle, biotechnologie se rejoignent et sont des sujets que la chambre d’agriculture travaille attentivement », note Jean-Baptiste Alpy, vice-président de la CA39.

Une table ronde avec Lionel Grisot, Christelle Dalloz, Jean-Pierre Valera, Éliane Fillod et Krytel Gagne

Pour Pascal Martens, président du GDS Bourgogne Franche-Comté, « le triptyque laboratoire-eleveurs-administration permet de trouver les bonnes solutions pour gérer les maladies localement ». Les GDS ont prévu de rencontrer prochainement François Sauvadet, président de l’Assemblée des départements de France, pour réaffirmer toute l’importance des laboratoires départementaux.

Franck David, vice-président du département du Jura est également président de l'ELIZ (Entente de lutte interdépartementales contre les zoonoses) dont la compétence principale est la lutte contre les maladies transmises à l’homme par la faune sauvage. Il rappelle que les exemples ne manquent pas également du côté de la faune sauvage : rage, maladie de Lyme, leptospirose, échinococcose alvéolaire, fièvre hémorragique…

Concernant la maladie de Lyme, le département a soutenu une action avec l’ARS et les chasseurs pour réaliser une cartographie sur le risque de la maladie à partir de prélèvements faits sur des chevreuils. « Pas de santé humaine sans santé animale, insiste Franck David. La bonne échelle c’est la proximité, le bon périmètre, c’est le département. Le laboratoire est plus que jamais votre partenaire. »

La maladie, elle, ne connaît pas les frontières. La tuberculose bovine tourne autour du Jura, avec un foyer récent aux portes du département, en Côte d’Or. Une vigilance à avoir.

IR