Les acteurs de la filière comté venant du bas Jura et du sud du Doubs se sont retrouvés à Poligny, le 8 février dernier, pour faire le bilan des deux années passées.
Le point sur la conjoncture, présenté par Valéry Eliseef, directeur du CIGC, fait état d’une augmentation de la production de +5,3 % en 2021, soit une production totale d’environ 72 000 tonnes pour l’année civile. Mais avec de fortes variations sur les deux dernières années. L’effet sécheresse d’octobre 2020 a fait redescendre la production à 68 000 tonnes, puis sous l’effet de la production des mois d’avril à août 2021, le comté atteint un pic de production en octobre 2021 à pratiquement 72 500 tonnes. Suivi en fin d’année d’un ralentissement de la production.
Si l’on regarde en arrière sur ces 7 dernières années, la production de comté progresse globalement de + 20 %. Un chiffre à mettre en rapport avec l’augmentation de la surface AOP qui est de +7 % sur la même période. La croissance du comté s’explique d’une part par la reprise de foncier hors filière ou l’arrivée de nouveaux producteurs dans l’AOP, et d’autre part par un meilleur taux de transformation du lait en comté.
Les ventes, de leur côté, n’ont cessé de progresser : + 8 % sur 18 mois entre octobre 2019 et juin 2021. Suivies d’une légère érosion sur la fin de l’année 2021. Globalement ces deux années ont été marquées par des inversions des segments (portions et coupe) et des marchés perturbés du fait de la crise sanitaire. Le comté s’en sort plutôt bien mais prudence…
RRO validée pour 3 ans
L’année 2021 a été marquée par le renouvellement des membres du CIGC, mais aussi par un nouveau plan de régulation de l’offre (RRO), validé pour 3 ans.
L’assemblée générale du CIGC a adopté une modulation de +1,5 %, ce qui donne une référence comté potentielle de 74 000 tonnes. « Les indicateurs et les équilibres sont bons. Cela nous inspire un sentiment de confiance mais aussi de vigilance permanente », souligne Alain Mathieu, président du CIGC.
Anticiper la révision du cahier des charges
Après une visite de la commission INAO les 26 et 27 août derniers, le CIGC a reçu un avis favorable pour la révision de son cahier des charges et des demandes d’informations complémentaires. Le travail d’argumentaire se poursuit. La filière espère une reconnaissance définitive pour la fin de l’année.
Denise Renard, directrice adjointe du CIGC, indique que la nécessité d’anticiper les obligations du cahier des charges a été prise en compte dès l’année dernière, et qu’elle s’appuie sur une cohérence au sein des cahiers des charges des 4 AOP de la zone. Parmi les exemples d’anticipation possibles : les plans d’épandage ou encore les 50 ares par vache autour du bâtiment d’exploitation. À ce titre, certaines fermes ont déjà réalisé des échanges de parcelles.
Image et communication
La Maison du Comté, qui est ouverte depuis le 19 mai 2021, a pu accueillir 27 905 visiteurs en 9 mois. Un beau succès pour ce bâtiment qui est aussi lauréat régional du prix de la construction bois et finaliste national.
Les attaques médiatiques en 2021 contre la filière comté (soupçonnée de polluer les rivières) font se poser la question de la communication à mettre en place : « faut-il revisiter la perception que les consommateurs ont du comté ? »
Aurélia Chimier, responsable du service Communication du CIGC, présente les conclusions d’une étude Kantar réalisée auprès de 5 groupes de consommateurs de 18 à 50 ans. Une manière de mesurer l’impact de la crise sanitaire et les changements d’attentes du consommateur. « Le comté bénéficie d’une très belle image, d’un très fort attachement justifié par le plaisir gustatif et sa praticité. » Les consommateurs souhaiteraient une communication montrant davantage de paysages, l’environnement des vaches… Un élément qui va être utilisé dans la communication du comté en 2022. La préoccupation majeure des consommateurs porte sur l’environnement, le climat. Ils ont peu entendu parler des attaques médiatiques et restent attachés au comté. Mais ce point n’est pas à négliger, de même que le bien-être animal qui est une autre demande forte du consommateur.
Bien-être animal
« Nous savons que nous sommes attendus sur ces mesures de bien-être animal », confirme Dominique Chauvin, président de la commission suivi qualité du CIGC et représentant des producteurs. Un travail a commencé avec le Groupement technique vétérinaire et les vétérinaires locaux sur une grille d’évaluation. À mettre en cohérence avec la charte des bonnes pratiques et le référentiel « Boviwell » adopté par 16 organisations agricoles.
Dans l’assemblée, les échanges ont oscillé entre « ne pas laver plus blanc que blanc » et l’intérêt de se soucier du bien-être animal, dont dépend aussi le bien-être de l’éleveur. « Nous allons essayer de répondre au consommateur et de maintenir la confiance », appuie Alain Mathieu. « Il s’agit d’une évolution normale de la filière, plus vertueuse. Tout comme l’est le souhait d’utiliser les ressources du territoire avec le moins d’intrants possibles. Nous devons être fiers de cela »
Autre sujet d’inquiétude dans l’assemblée : le Nutriscore. Un avis que partage Alain Mathieu. « Nous aurons à justifier et à montrer le côté ultranaturel de nos produits ».
Éric Chevalier, rappelle la position ferme prise par le CNAOL à ce sujet : « Il faut que les AOP/IGP soient exemptées de Nutriscore. Le logo AOP, en tant que signe de qualité, doit se suffire à lui-même. »
Les remarques dans la salle ont également porté sur les attaques que subit parfois la filière, accusée de « grossir ». Alain Mathieu rappelle que cette progression correspond à l’arrivée de nouvelles surfaces et de reconversions d’emmental en comté. « En 10 ans, nous sommes passés de 240 000 à 280 000 ha. Nous démarrons l’année 2022 avec 22 exploitations nouvelles dans la filière. La question de fond est la suivante : comment utiliser le territoire ? Le foncier agricole est de plus en plus convoité pour la construction, la transition énergétique… Nous devons réaffirmer que la terre est faite pour nourrir les animaux, les personnes. »
« Il existe souvent un amalgame entre taille et intensification », complète Dominique Chauvin.
Les Rendez-vous du Comté
Face aux questions et aux remises en cause, le meilleur atout de la filière comté réside dans sa communication. « Ce sont les acteurs qui en parlent, avec leurs mots, et qui montrent les réalités de leurs pratiques », souligne Jean-Baptiste Cattin, membre du CIGC, représentant des transformateurs (coopératives laitières). À ce titre, Les Rendez-vous du Comté seront l’occasion « de provoquer un moment d’échange avec nos voisins, les scolaires, … ». 72 fruitières et caves d’affinage vont participer à l’événement. Certaines fruitières proposeront également de visiter une ou deux fermes. Ce sont près de 200 sites qui vont ouvrir leurs portes du 5 au 8 mai prochain, sur tout le territoire de la zone AOP Comté.
IR
Ils ont dit
Lionel Petite (affineurs) : « Nous avons connu un marché qui a accéléré et décéléré en volumes, tout en conservant de bons équilibres (...) La vraie question du moment, c’est l’acceptation du prix par les acheteurs et à quel niveau de qualité, d’image et de confiance »
Éric chevalier (affineurs) : « Même si notre filière a été fortement bousculée par la crise sanitaire, la diversité dans la manière de mettre en marché a permis de maintenir l’équilibre des ventes. La notoriété de la filière comté fait que nos clients reviennent facilement (...) Les metteurs en marché arbitrent pour conserver des marchés dynamiques, ce qui a un impact positif sur la MPN. »
Véronique Rivoire (affineurs) : « Au vu des chiffres, nous pouvons nous réjouir. Nous sommes néanmoins dans un virage à négocier de façon prudente. Nous vivons une conjoncture particulière, très inflationniste (...) La phase de négociation avec la grande distribution est difficile dans le cadre de la loi Egalim 2. Des négociations qui se font dans l’urgence et la brutalité, pour une signature de contrats à la fin du mois (...) La MPN est en progression constante. Le consommateur est dans une situation tendue : ce qu’il met dans le réservoir de sa voiture, il ne le met pas forcément dans une nourriture de qualité… Il faut une finesse dans la négociation pour ne pas décourager nos clients finaux. »
Thierry Patte (affineurs) : « La courbe des ventes, en progression en début d’année puis en stabilisation sur les derniers mois, nous alerte et nous incite à être prudents (...) Effectivement, les porte-monnaie ne sont pas extensibles. Soyons vigilants mais restons optimistes. »
Dominique Chauvin (producteurs) : « Une année Covid, une sécheresse puis une année et un été pluvieux en 2021. Derrière, on a des fabrications qui doivent se faire, et encore derrière, des metteurs en marché qui doivent l’organiser (...). Une MPN à 10 000 euros, c’est la récompense de tous les collèges du CIGC, néanmoins des questions arrivent sur la table : le consommateur sera-t-il toujours en adéquation avec le prix du produit ? »
Jean-Baptiste Cattin (transformateurs) : « On espère que chacun respectera sa productivité (...) On peut remercier les metteurs en marché qui aident à faire évoluer la MPN. »