Vers des contraintes renforcées

Stockage des ammonitrates/ Deux projets de textes de loi visant à renforcer la réglementation des stockages agricoles des ammonitrates à haut dosage ont été mis en consultation publique. L’abaissement du seuil de déclaration à 150 tonnes concerne plutôt les stockages de proximité des fournisseurs, coopératives et privés, que les producteurs directement. Du moins dans nos zones de polyculture-élevage.

Vers des contraintes renforcées
La France est le premier consommateur de nitrate d’ammonium agricole (ammonitrate) en Europe, et le deuxième dans le monde.

Le 28 janvier dernier, la FNSEA a réagi négativement aux annonces gouvernementales relatives au renforcement des contraintes règlementaires dans le domaine des engrais azotés. Une position partagée avec plusieurs maillons de la filière, cosignataires du communiqué de presse : la Coopération agricole, l’Unifa (Union des industries de la fertilisation), mais également la CGB (Confédération générale des planteurs de Betterave), la Fop (Fédération des producteurs d’oléagineux et protéagineux ou encore l’AGPB et l’AGPM (respectivement l’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales et celle des producteurs de Maïs). Rappelons brièvement le contexte : l’explosion dans le port de Beyrouth, en août 2020, avait conduit la ministre de la transition écologique et le ministre de l’Économie à commander une mission relative à la gestion des risques liés à la présence d’ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux, dont les conclusions rendues en mai 2021 préconisaient de renforcer l’encadrement réglementaire de ces produits. Avec des prolongements à tous les lieux sensibles accueillant des ammonitrates, c’est-à-dire les endroits de stockage agricoles. Le ministère de la transition écologique vient donc de mettre en consultation, jusqu’au 15 février, un projet de décret et un projet d’arrêté ministériel portant sur la réglementation applicable aux installations accueillant des engrais solides simples et composés à base de nitrate d’ammonium.

Classement ICPE au-delà de 150 tonnes

C’est la révision des seuils de déclaration ICPE (Installations classées pour l'environnement) pour le stockage des engrais, qui inquiète les organisations agricoles. Le seuil de déclaration ICPE serait en effet abaissé de 250 à 150 tonnes, entraînant « des investissements supplémentaires conséquents évalués entre 80 et 120.000€ par exploitation agricole » selon les organisations, qui arguent aussi que la pandémie a fragilisé les chaînes d’approvisionnement en engrais de synthèse, ce qui milite plutôt en faveur du renforcement des capacités de stockage de proximité, voire en ferme… Dans les faits, les structures d’exploitations des zones de polyculture-élevage les plus fréquentes dans nos départements de Franche-Comté ne sont pas concernées, techniquement parlant, par ce nouveau seuil. « Si on veut apporter 180 unités d’azote à l’hectare, ça correspond à 540 kg d’ammonitrate à 33%. Avec 150 tonnes, on pourrait donc fertiliser, en théorie, près de 280 ha… mais dans la réalité, pas toutes les cultures ne nécessitent de tels apports d’azote, ne serait-ce qu’à cause de la prise en compte du relicat. De plus, certains apports se font sous des formes combinées, avec d’autres minéraux, ou des formes moins concentrées, qui ne sont donc pas concernées par cette évolution réglementaire. Ce sont surtout les organismes stockeurs qui sont concernés », résume Angélique Maire, spécialiste agronomie environnement à la Chambre d'agriculture de Haute-Saône. »

Un délai de trois ans et demi pour la mise en conformité

Le ministère de la Transition écologique devrait lancer une mission d’inspection dédiée aux conséquences des nouvelles dispositions, indique le cabinet de Barbara Pompili. « Nous demanderons à nos services d’examiner dans quelles mesures les filières ont besoin d’un accompagnement, qui pourrait passer par des aides », détaille l'entourage de la ministre le 28 janvier. Et de rappeler que la nouvelle réglementation ne concerne que les ammonitrates à « haut dosage ». « Les coopératives pourront conserver le même volume de stockage en passant à des ammonitrates de moyen dosage », souligne-t-on, soit des ammonitrates avec un taux d’azote inférieur à 28%. Le cabinet rappelle aussi que le texte accorde trois ans et demi aux installations pour se mettre progressivement en conformité. « Les prescriptions que nous imposons le plus tôt sont celles qui n’exigent pas de travaux particuliers », comme la séparation des tas, la présence d’extincteurs ou le nettoyage des sites.

A.C.