Sensibiliser les propriétaires forestiers

Plan de relance / Fabien Sudry, préfet de la région, David Philot, préfet du Jura et Natacha Vieille, sous-préfète à la relance ont rencontré les représentants des forestiers privés ce vendredi 7 mai à Cosges. Face à des forêts régionales en souffrance, le plan de relance apporte une bouffée d’oxygène aux propriétaires. Les plus petits sont incités à se regrouper pour pouvoir aussi en bénéficier.

Sensibiliser les propriétaires forestiers
Fabien Sudry, préfet de la région et David Philot, préfet du Jura, ont visité une parcelle en cours de reboisement à Cosges

Juste avant la visite, une forte averse est tombée. « Cette pluie est la meilleure protection qui soit contre les dégâts que subissent les arbres, » a rappelé Raoul de Magnitot président du Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) aux trois représentants de l’État et aux élus présents. Car les forêts de Bourgogne et de Franche-Comté souffrent du réchauffement climatique et des sécheresses consécutives. Avec la chaleur, les scolytes, petits insectes ravageurs, prolifèrent et déciment les épicéas.

« Quand je suis arrivé dans le Jura l’an passé, les scolytes étaient repérés jusqu’à 800 mètres d’altitude, maintenant on parle de 1000, voire 1100 mètres, » a expliqué le préfet du Jura qui effectuait sa seconde visite de terrain avec les forestiers privés en quelques mois. Les 200 millions d’euros du plan de relance consacrés à la filière sylvicole sont une aubaine pour réagir face à cette crise car les trois-quarts de cette enveloppe sont dédiés au repeuplement de 45 000 hectares, soit 50 millions d’arbres. L’objectif est de reconstituer les forêts détruites ou affaiblies en portant une attention particulière à la diversification des essences.

Quatrième région forestière de France, la Bourgogne Franche-Comté a déposé 25 % des dossiers nationaux, principalement pour reboiser des parcelles d’épicéas touchées par les scolytes. Le domaine privé régional s’étend sur un million d’hectares et compte 320 000 propriétaires.

Sensibiliser, informer et accompagner

Mais ne peuvent profiter du plan de relance que ceux qui ont un document de gestion durable. Un plan simple de gestion (PSG) est obligatoire pour les forêts d’une surface supérieure à vingt-cinq hectares. Trois solutions facultatives s’offrent aux autres : la signature d’un PSG volontaire, d’un règlement type de gestion (RTG) ou d’un code de bonnes pratiques sylvicoles (CBPS). Peu de petits propriétaires le font car seuls 2000 ont signé un CBPF et 6000 un PSG avec planification de dix à vingt ans.

« Nous avons eu énormément de demandes des propriétaires en décembre mais 70 % se sont depuis désistés, » a résumé Christian Bulle, président de la branche franc-comtoise de la fédération des forestiers privés de France (Fransylva). « Ils craignent principalement de s’engager dans un document de gestion durable et restent méfiants sur les aides de l’État. Pour les sensibiliser, les informer et les accompagner, nous travaillons avec la scierie Chauvin car elle est en contact avec ceux qui ont subi des dégâts et viennent vendre leur bois scolyté. »

 

Laurence Chavanne, experte forestière, compare la crise des scolytes à celle du Covid : Telle une maladie contagieuse, les insectes ravageurs contaminent les arbres les uns après les autres.

« Les petits propriétaires ont tout intérêt à se regrouper dans des dossiers AMI (Appel à Manifestation d’Intérêt) car un montant minimum est nécessaire pour être instruit, » conseille Raoul de Magnitot. Dans ce but, le CRPF et Fransylva ont sollicité le cabinet d’expertise forestière de Laurence Chavanne. Le projet mis en place vise à reboiser 250 hectares et regroupe des parcelles de 1 à 40 hectares. Quand un propriétaire rejoint l’AMI, un technicien réalise un diagnostic sur son terrain puis choisi les essences à replanter. Le dossier est ensuite saisi sur la plateforme du plan de relance. S’il est accepté, il recevra une aide de l’État.

Les scolytes, une maladie contagieuse

« Le plan de relance arrive à point nommé, » estime Laurence Chavanne. « Les propriétaires seuls ont beaucoup de mal à exploiter leurs parcelles car il n’y a pas assez d’abatteuses. Ils ont aussi des difficultés à vendre le bois scolyté et le cèdent à perte sur le marché asiatique. » Selon elle, la crise peut encore être enrayée : « Il faudra au moins six ans. Les scolytes sont comme le covid, une maladie contagieuse qui se transmet d’arbre en arbre. Il y a une phase d’augmentation. Elle sera ensuite suivie d’un plateau puis d’une décrue. »

Les propriétaires forestiers peuvent aussi se regrouper au sein des associations syndicales autorisées. Philippe Lacroix a détaillé le fonctionnement de celle de Bois d’Amont dont il est le président. Cette Asa fédère soixante-neuf propriétaires pour une surface de soixante-dix hectares. Au départ, comme toutes les Asa, elle n’avait en charge que la gestion des dessertes. « La moitié des adhérents gère l’entretien de leurs bois eux même. Nous avons pris l’initiative de proposer des travaux en commun en faisant établir des devis groupés. C’est sans engagement, chacun peut dire oui ou non à chaque fois. » L’an passé, vingt-et-un propriétaires ont participé à une coupe en commun qui a permis de récolter 1623 m³ d’épicéa et de hêtre. « Mais il y a un travail éducatif à faire sur l’importance d’entretenir et couper le bois. Certains ont hérité de leur forêt et souhaitent la transmettre telle quelle à leurs enfants ».

AOC bois du Jura.

« Nous soutenons vraiment le développement de ces Asa, » a appuyé le préfet du Jura. «  C’est important que nous ayons des interlocuteurs ». Il a avancé d’autres pistes de réflexions comme le développement du bois-énergie qui a un gros potentiel mais sur lequel la région n’est pas en avance.

« Il y a aussi la construction. S’ils sont bien séchés, les bois scolytés ont le même potentiel que les autres. Mais il y a régulièrement des blocages de la part des maîtres d’ouvrage ou des architectes, » a-t-il regretté. « Et les petites scieries peuvent se tourner vers la filière d’excellence AOC bois du Jura. Il y a une demande à laquelle personne ne peut répondre. »

Pour Fabien Sudry, préfet de la région, « il va falloir défendre l’augmentation de cette enveloppe forestière. Le gouvernement va faire un inventaire du plan de relance cet été, ce sera l’occasion ». Une bonne nouvelle pour la filière bois régionale.

SC