Santé des abeilles
Santé des abeilles : des mortalités à géométrie variable

Traitement contre Varroa, recontaminations des colonies par cet acarien parasite, disponibilité des ressources alimentaires et météo : les facteurs de mortalités hivernales sont multiples. L'année 2015 s'annonce d'ores et déjà cruciale : il est impératif qu'il y ait une bonne production de miel car la profession est exsangue.
Santé des abeilles : des mortalités à géométrie variable

 

Alors que la saison apicole vient de démarrer, l'heure est aux évaluations des mortalités hivernales et force est de constater une nouvelle fois l'importance du traitement contre le Varroa et de sa date d'application. Dans le Nord, deux apiculteurs voisins, travaillant dans les mêmes conditions, ont eu des taux de mortalités très différents : 5% pour l'un et 50% pour l'autre. La seule différence entre leurs exploitations : le traitement effectué contre le varroa, un acarien originaire de Chine qui s'est développé en France au début des années 1980 et qui est aujourd'hui considéré comme l'ennemi N°1 des abeilles. L'apiculteur ayant traité en août a ainsi enregistré des pertes non significatives (5% de mortalité) alors que celui ayant traité de manière tardive (fin septembre) a perdu la moitié de son cheptel cet hiver. Cet exemple se retrouve dans beaucoup d'autres régions (Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées...).

 

Des facteurs multiples


La mortalité hivernale s'additionne aux phénomènes de mortalités observés au cours de la saison apicole (printemps, été) et n'en est que la continuité. Les facteurs de mortalités d'hiver sont multiples : pathologies, viroses, non constitution optimale des réserves de l'abeille (corps gras) à cause de l'absence de ressources diversifiées ou d'une mauvaise santé des abeilles en automne... Conséquence, la mortalité hivernale est à géométrie variable : de 5% à 100%. Même s'ils ne représentent que 2% du nombre d'apiculteurs et gèrent plus de la moitié des colonies en France, les apiculteurs professionnels ne sont pas à l'abri et peuvent perdre 25 à 30% de leur cheptel avec de fortes disparités liées au contexte géographique, climatique et aux facteurs humains (gestion sanitaire, pratiques apicoles...).

 

Le problème des recontaminations


Si l'impact du traitement contre le varroa est indéniable, ce volet sanitaire implique non seulement une lutte individuelle mais aussi une lutte collective coordonnée contre cet acarien. Car on observe malheureusement des phénomènes de recontaminations. Concrètement, des butineuses d'une colonie forte cherchent des ressources complémentaires à l'automne et vont piller les réserves d'une colonie affaiblie et contaminée par le varroa. Conséquence directe : la colonie saine se retrouve infestée juste avant l'hivernage. On a pu retrouver jusqu'à 2 000 varroas dans une ruche, soit 40 fois le seuil maximal supportable pour qu'une colonie puisse se maintenir pendant l'hiver. Une autre conséquence de ces insuffisances de traitement vétérinaire contre le varroa, et qui impacte plus gravement la biodiversité, est la contamination des abeilles sauvages. «Il est indispensable de mettre en place des stratégie de lutte collective contre le Varroa pour réduire les foyers de contamination, explique Philippe Lecompte, apiculteur bio et président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles. Cela passe par un développement de l'offre de formation pour les nouveaux apiculteurs, en particulier les amateurs et les pluriactifs.»

 

La météo : un facteur clé


La météo joue également un rôle essentiel dans l'évolution des mortalités hivernales. Ainsi, les floraisons ont tendance à être décalées par rapport à l'horloge biologique de l'abeille. Lorsque les conditions climatiques conduisent à une floraison précoce du colza (début avril au lieu de début mai), cela précipite le butinage à une période où la ruche n'est pas encore entièrement développée et n'est donc pas encore prête à produire. On observe également un phénomène similaire en fin de saison, juste avant l'hivernage. Des températures automnales clémentes permettent un prolongement de l'activité de la ruche jusqu'à mi-novembre, contribuant à l'explosion du parasitisme interne des ruches. Le rallongement de la saison apicole d'un mois est aussi synonyme de 4 cycles supplémentaires de développement de varroa. Ce phénomène est accentué chez certaines races d'abeilles comme la buckfast, désormais très massivement utilisée en France. La buckfast implique en outre une forte consommation de ressources en pollen et en nectar. Il faut donc adapter les ressources aux besoins de l'abeille, ce qui est possible avec les jachères apicoles puisqu'on sélectionne les espèces pour répondre au mieux aux besoins nutritionnels des colonies à travers plusieurs facteurs : richesse en pollen, en nectar, date de floraison...