« Enfin une belle récolte », lance Franck Vichet, le président du CIVJ. Ses collègues sont unanimes, la vendange 2018 bat tous les records « les rendements sont bien supérieurs à ceux qu'on a connu en 2011 », poursuit-il. Le 11 septembre dernier, le CIVJ organisait en effet une journée d'information « vendanges » où étaient conviés des représentants de l'administration (INAO, douanes...), des collègues bourguignons, ainsi que de la presse. Point de départ de cette journée, l'emblématique butte de Château-Chalon... « 54 ha, répartis sur les quatre communes de Château-Chalon, Domblans, Menétru-le-Vignoble et Nevy-sur-Seille, plantés exclusivement en savagnin, car l'appellation ne produit que du vin jaune. », a rappelé Guillaume Tissot, président de l'AOC, en préambule.
Cette rencontre a été l'occasion de faire le point sur une année climatique exceptionnelle, qui a permis d'amener les raisins dans un état sanitaire très propre jusqu'à la récolte des raisins, malgré des traitements limités en végétation, et avec des rendements records. « 2018 va faire beaucoup de bien, nous permettre de reconstituer des stocks et de répondre enfin à la forte demande des marchés, notamment pour l'export. Ces marchés stagnaient depuis plusieurs années faute de disponibilités... » Les dépassements de rendement par rapport aux limites fixées par les appellations seront affectés à une réserve qualitative, qui joue le rôle d'assurance vis-à-vis du risque climatique. « L'INAO a ouvert la possibilité de passer de 72 à 80 hectolitres/ha en crémant », se félicite Franck Vichet. Cerise sur le gâteau, les orages de la dernière décade d'août sont venus relancer l'alimentation hydrique des pieds de vigne et faire remonter les niveaux d'acidité du raisin. « Nous avons eu peur d'un blocage de maturation, et d'un manque d'acidité dans les savagnins : les pluies sont arrivées juste à temps », reconnaît Arnaud Van Der Voorde, responsable d'exploitation œnologue à la Maison du vigneron.
Flavescence dorée maîtrisée
Côté sanitaire toujours, le président du CIVJ a fait le point sur la lutte contre la flavescence dorée. Cette grave maladie de la vigne, véhiculée par un insecte, la cicadelle, a fait l'objet d'une lutte collective dans le vignoble jurassien. « Depuis trois ou quatre ans, nous organisons la prospection systématique, ce qui nous permet de cibler les foyers à traiter : une vingtaine d'hectares cette année par exemple. La situation est bien maîtrisée. »
Les représentants du vignoble du Jura se sont aussi réjouis de l'obtention d'une dérogation collective à la durée hebdomadaire du travail pendant la période des vendanges pour les entreprises de négoce-vinificateurs membres de la FNEB dans les départements de l'Yonne, de la Côte d'Or, de Saône et Loire et du Jura. Cette dérogation permet d'aller jusqu'à 60 h/semaine pour la récolte des raisins et 66 h/semaine pour les travaux de réception de la vendange et de vinification, au lieu de 48h, en contrepartie d'une compensation accordée aux salariés concernés (repos compensateur payé majoré à hauteur de 25%). Cet aménagement a été obtenu par les FDSEA des départements concernés, qui ont mis en avant auprès de la DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) les difficultés à recruter la main d'œuvre indispensable à la vendange, des conditions climatiques souvent peu favorables, ainsi que des obligations contractuelles importantes.
Question de climat justement, cette belle récolte 2018 n'éclipse cependant pas les inquiétudes des vignerons jurassien au sujet du ''dérèglement''. « Chaque année, on a droit à du jamais-vu jusque-là... résume Franck Vichet : en 2018 six semaines de pluies suivies de six semaines de sec, l'an dernier ce gel tardif. » Et d'évoquer avec leurs collègues bourguignons des pistes plus ou moins prometteuses, tels ce projet de vigne résistante à la sécheresse et aux maladies, qui sera disponible dans une vingtaine d'années, ou le dispositif de prévention des orages de grêle déployé du sud-beaujolais jusqu'à Chablis... Les générateurs anti-grêle, actionnés par des volontaires quatre heures environ avant l'arrivée d'un orage, libèrent un mélange gazeux censé réduire la taille des grêlons, ce qui limite les dégâts dans les vignes. « Faudra-t-il un jour irriguer nos vignes ? s'interroge Guillaume Tissot : il y a vingt ans, cette question était impensable ! »
Vins sans indication géographique
Enfin la problématique de la main d'œuvre saisonnière n'a pas manqué de s'inviter dans les débat : difficultés de recrutement, manque de motivation ou d'entrain à vendanger, recours à des ''Polonais'' ou des ''gitans''... Autre motif d'inquiétude, qui réunit les viticulteurs de la grande région : celui du développement de vignes sans indication géographique dans leurs bassins de production. Ainsi, du côté de Pierre de Bresse et de Saint Loup Géanges une soixantaine d'hectares de vignoble sans IG vont être implantés. « La filière souhaite se prémunir contre d'éventuels risques de détournement de notoriété ou de dépréciation des IG existantes (AOP et IGP), explique Baudoin de Chassey, le directeur du CIVJ : après un an de discussion une solution se dessine pour ''sanctuariser'' les zones d'AOP actuelles, et pour mettre en place une zone ''tampon'' entre les zones AOP et les zones de plantations de vins sans indications géographique. »
Alexandre Coronel