A quoi ressembleront les tracteurs de demain ?

Machinisme agricole / Emblématiques de la mécanisation de l’agriculture, les tracteurs ont incorporé au cours des dernières décennies de nombreuses innovations techniques et technologiques. Et dans le monde d’après, à quoi ressembleront donc les tracteurs ?

A quoi ressembleront les tracteurs de demain ?
Le constructeur New Holland mise à long terme sur la pile à hydrogène, et a présenté en 2019 un prototype NH2 lors du SIMA.

Peu d’équipements sur les exploitations n’auront connu autant d’évolution en si peu de temps que les tracteurs. Voici à titre d’exemple les derniers développements de deux tractoristes qui pèsent plus du tiers des ventes nationales, à savoir John Deere et New Holland. John Deere a déjà présenté en 2016 une version entièrement électrique d’un tracteur de 130 cv avec une autonomie de quatre heures maximum mais pénalisé par un temps de recharge de trois heures et un poids total important lié aux batteries comblant l’espace moteur habituel. Puis un autre projet entièrement électrique également mais autonome et avec une alimentation par un câble fournissant un rayon d’action d’environ 1 km. L’engin disposant d’une puissance de 400 cv.

La voie électrique

Il est clair que le constructeur mise à court terme sur la voie électrique pour l’avenir. Cependant, elle sera partielle puisque le constructeur n’est pas satisfait du « tout électrique ». Une autre variante est la récupération d’énergie à la descente ou au freinage sur des engins de type chantier ou de manutention (chargeuses mais aussi télescopiques). Ce constructeur proposerait en 2021 un modèle 8 R hybride GNR /électrique ou cette source d’énergie alimente principalement les accessoires attelés (entrainement électrique d’accessoires et jusqu’à des essieux moteur). Ce qui aurait pour avantage de réduire la capacité du moteur thermique, puisqu’un ensemble tracteur + tonne à lisier passerait de 2 essieux moteurs sur 3-4 ou 5 à minimum 3 ou 4 essieux moteurs sur 4 ou 5.

Dévoilé lors du SIMA 2016 à Paris, le prototype de tracteur électrique de John Deere, baptisé SESAM annonce une autonomie de 4 heures.

A travers ces pistes, on peut voir que ce constructeur met au point ses projets sur les gammes hautes pour les ramener par la suite à des puissances plus réduites. A plus long terme, des développements d’automoteurs sont à l’étude. On peut citer le pulvérisateur autonome sur chenilles et le drone de pulvérisation.

Pour l’autre poids lourd, New Holland, les motorisations diesel restent la solution la plus optimisée en usage agricole en termes d’autonomie, de coût d’utilisation, de mise au point et résistance des moteurs. Partant de ce constat, le constructeur conserve cette énergie comme base pour le court et moyen terme, avec une déclinaison en incorporation de méthane mise au point ces dernières années, et qui doit entrer en phase commercialisation au second semestre 2021 sur un tracteur de puissance intermédiaire (T6). Cette voie, notamment avec le développement des méthaniseurs, peut sembler intéressante et nécessite relativement peu d’adaptations sur les moteurs de série avec des performances similaires et plus de silence. Néanmoins, il reste principalement le problème de l’autonomie à optimiser. En effet, 1 kilo de gaz comprimé à 200 bars occupe 6 litres mais produit la même énergie qu’1.2 litre de GNR. On pourra donc prévoir de mettre en place des réservoirs sous le tracteur et/ou à l’avant du capot.

Des solutions hybrides à l’étude

Pour ces raisons d’autonomie principalement, New Holland n’envisage pas à ce stade de remplacement du diesel pour les gros automoteurs d’utilisation ponctuelle (type ensileuses et moissonneuses). Un des membres du groupe CNH ; le constructeur Steyr a développé quant à lui un concept hybride diesel-électrique avec la possibilité de fonctionner à 100 % sur cette source. CASE IH, une autre société appartenant au même groupe a de son côté produit un tracteur de 250 cv autonome sans cabine lors d’un salon aux Etats-Unis ou la marque jouit d’une belle image auprès des farmers.

Des drones de pulvérisation permettront dans un avenir très proche d’alléger le poste carburant des exploitations agricoles.

A plus long terme, New Holland entend faire aboutir une solution à hydrogène (pile à combustible) sur laquelle la société travaille depuis un premier prototype sorti en 2009 et produisant 110 cv pour 1h30 à 2h d’autonomie. C’est le rêve absolu du moteur ‘’zéro émission’’ qui rejette uniquement de l’eau. Mais actuellement, le surcoût est deux à trois fois supérieur et la durée de la pile à combustible limitée à 5 000 heures.

A noter qu’un hybride diesel-hydrogène a déjà été produit très récemment aux Pays-Bas par un entrepreneur de travaux agricoles où l’hydrogène serait issu de ses panneaux solaires et stocké sur le tracteur dans cinq bonbonnes de gaz de 11.5 kg comprimé à 350 bars. Le moteur nécessiterait relativement peu d’adaptations également et les émissions de CO2 seraient presque réduites de moitié. Principales difficultés : le surcout de l’installation serait de l’ordre de 70 000 € et le coût du carburant six fois supérieur. Sans évoquer non plus la question du stockage du carburant. Qu’en sera-t-il de l’homologation d’une telle cabine aux normes anti-retournement et basculement en vigueur en France ? Pour des robots au champ ou des équipements d’élevage ou de TP de taille modeste, CNH estime néanmoins que la réponse par la voie électrique est pertinente.

Contraintes fiscales et réglementaires

Contrairement à d’autres acteurs du monde des poids lourds, tels que Renault ou Scania ; New Holland à travers sa filiale Iveco ne développe pas la voie des biocarburants (biodiesel B 100 et bioéthanol ED 95) mais s’oriente vers le gaz naturel et l’électrique, avec des camions 100 % électriques qui seront en circulation d’ici 2022, avec 400 km d’autonomie. Et l’hydrogène à plus long terme.

Chaque constructeur s’engage donc sur une ou plusieurs voies alternatives au gazole et il y a fort à parier que la réponse au carburant alternatif de demain ne sera pas unique. Car elle tiendra déjà compte du besoin et de la sollicitation de l’équipement ; mais aussi de la facilité d’accès à la ressource. Il est enfin très probable que ce soit la réglementation, par ses orientations et contraintes fiscales, qui permettra de dégager au final des solutions majoritaires.

Quelques repères

Le carburant pour les tracteurs et les engins automoteurs est le premier poste de consommation d'énergie dans les exploitations agricoles, et représente de l’ordre de 60 % de la consommation totale d'énergie (soit 121 ktep par an). Les bâtiments d'élevage, avec 16 ktep viennent en deuxième position. Le fioul domestique représente 52 % de la consommation totale d’énergie de l’agriculture française.

La surconsommation est due au mauvais rendement routier des tracteurs. La consommation d’un tracteur de 80 CV peut atteindre 35 à 40 litres pour 100 km, selon une étude réalisée par la Chambre d’agriculture de la Manche. Une expérimentation au niveau de la chambre d’agriculture de la Creuse alerte sur la surmécanisation : au-delà d’une puissance mécanique de 2 CV/ha, les coûts de mécanisation s’envolent et les consommations de carburant aussi.

Enfin, il a été démontré par l’association AILE, lors d’un bilan des 7 500 premiers tracteurs testés entre 1995 et 2006 sur banc d’essai, que 40 % des tracteurs étaient surpuissants (source : Banc d’essai diagnostic de tracteurs - AILE).

Réduire les consommations de carburant agit directement sur les charges variables de l’exploitation et la dépendance à la hausse du prix de l’énergie.