FDSEA 39
Un début d'année difficile à gérer

Les administrateurs de la FDSEA du Jura se sont mobilisés en nombre pour le premier conseil de l?année. Une occasion pour revenir sur les points soulevés par les adhérents lors de la tournée hivernale et pour scruter l?évolution de la conjoncture économique des différentes filières.
Un début d'année difficile à gérer

Tout juste de retour du conseil fédéral de la FNSEA, Frédéric Perrot a dressé, sans faire de catastrophisme, un bilan très négatif de la conjoncture de l'année écoulée. «Mis à part les filières AOC, toutes les filières sont en crise» reconnaît le président de la FDSEA. «Des problèmes de trésorerie se sont déjà fait sentir, et pas uniquement dans la zone basse du département, mais le phénomène va s'accentuer dans ce secteur avec le règlement des commandes mortes saisons», poursuit-il. Les prêts de trésorerie à 1% d'intérêts ouverts par le crédit agricole semblent être les seules solutions proposées à court terme aux agriculteurs mais «ils ont au moins le mérite d'exister» analyse le responsable syndical.


Des filières en crise


La baisse généralisée des prix à la production est claire. D'une part, la demande en production s'est contractée tant sur le marché mondial que sur le marché intérieur. Ce phénomène est lié à l'embargo russe, qui a entraîné une réduction drastique de la demande en produits français, mais aussi à une baisse de la consommation de certains produits du fait de conditions climatiques (saucisses de porcs, raclette, fruits et légumes d'été...), ainsi qu'à un ralentissement des exportations (ralentissement de la demande chinoise en produits laitiers sur le second semestre 2014, de la faible demande italienne en jeunes bovins...).

D'autre part, des niveaux de production record sont observés, c'est le cas notamment des niveaux de production exceptionnels en céréales pour la deuxième campagne consécutive (+5.5% par rapport à la moyenne quinquennale pour le blé français), en pommes de terre, en nombre de vaches laitières de réforme (+2.2% sur les 11 premiers mois de l'année mais +7.4% en novembre 2014 par rapport à novembre 2013), et en lait standard (+6.5% sur les 10 premiers mois de l'année 2014 par rapport à 2013).
Dans le même temps, les charges ne diminuent que très peu. «Certains sont surpris que le prix des engrais azotés n'aient pas baissés comme c'est le cas pour le baril de pétrole, mais il est calculé à partir du prix du gaz. C'est quand même fort, quand les prix des engrais montent, c'est lié au pétrole et quand le pétrole baisse, on nous explique qu'ils sont liés au prix du gaz» illustre, non sans un trait d'humour, un administrateur. Ce débat sur les charges fut également l'occasion de rappeler que le remboursement de la TIC, ex taxe sur les produits pétroliers, avait été reconduit suite aux débâts budgétaire. Cette disposition est un acquis obtenu suite aux actions syndicales menées par la FNSEA et JA en 2008.
Seule filière a véritablement tirer son épingle du jeu, le comté qui poursuit sa dynamique positive, tant au niveau des ventes, que des prix aux producteurs. Les ventes de comté sur les 11 premiers mois de l'année progressent de 2.5%. L'évolution de la MPN qui permet de calculer le prix du lait à comté a atteint une moyenne de 7.533 €/kg sur les 6 derniers mois et se traduit par une hausse des prix de +2.9%.


Quelles perspectives ?


Lors de sa tournée de terrain, la FDSEA a constaté que la baisse des prix des principales filières de polycultures élevage, associée à la convergence des aides de la nouvelle PAC au profit d'exploitations principalement herbagères, crées des tensions croissantes entre les secteurs du département. «La nouvelle Pac est faites pour nous diviser mais nous ne devons pas tomber dans le panneau car si nous ne sommes pas capables de rester unis, c'est toute l'agriculture qui sera perdante à l'avenir» martèle Marcel Marguet. Il est vrai que les perspectives économiques pour le début d'année ne sont pas vraiment les mêmes entre la filière comté et les autres.
Le cours du blé remonte doucement. Cette reprise fragile est due à plusieurs facteurs : l'annonce d'une restriction aux exportations russes à partir du 1er février, les mauvaises conditions climatiques aux Etats-Unis et en Russie qui ont porté atteinte aux semis, et la demande mondiale reste dynamique mais les stocks mondiaux demeurent à priori importants. Quant au maïs, les prix sont toujours tirés vers le bas car la récolte exceptionnelle et record aux Etats-Unis engendre des stocks très importants pour le début d'année. De plus, le prix bas du pétrole vient freiner la demande en éthanol, donc en maïs, et tire également les prix vers le bas. Pour les oléagineux, le niveau des prix reste bas même si on note une amélioration du prix du colza, du fait notamment de la chute de la production d'huile de palme en Malaisie (inondations) ce qui soutient les prix des oléagineux. Cependant, la hausse de production de soja brésilien pourrait tirer les prix mondiaux des oléagineux vers le bas.
Concernant la viande bovine, les niveaux de prix restent toujours très bas. Les cours moyens des gros bovins entrée-abattoir ont fortement chuté car les abattages de vaches ont continué à progresser sur la fin de l'année 2014, faisant ainsi pression sur les prix. Après une forte baisse du cours des bovins maigres à cause de faibles exportations vers l'Italie, les prix se stabilisent mais à un niveau faible. Pour ce qui est de la viande de porc, le prix payé au producteur est au plus bas pour plusieurs facteurs : l'offre de viande de porc est importante en Europe, l'embargo russe depuis un an (sanitaire puis politique) laisse d'importants volumes de viande sans acheteur, et parallèlement, la consommation en France est morose. Pour illustrer cette situation, Gilles Tonnaire relate «deux camions de porcs envoyé à la Chevillotte la semaine dernière étaient payés 1.19€/kg et les abattoirs de porc perdent beaucoup d'argent chaque mois».


L'exception du comté


Enfin, concernant le lait, les perspectives sont bien différentes entre les filières lait standard et AOC. Pour le premier trimestre, le prix de base pour le lait standard devrait varier entre 300 et 315 €/1000 litres selon les entreprises. Pour le second trimestre, certaines entreprises annoncent déjà moins de 300 €/1000 litres avant une hausse pour la seconde partie de l'année. «Je m'interroge vraiment sur nos systèmes en polycultures lait standard, développe Eric Druot basé à Mutigney. En 2011-2012, avec un prix du lait relativement bas et des prix en céréales corrects, nos exploitations arrivaient à tourner, par contre en 2014 nous n'arrivons pas à dégager un revenu malgré un prix du lait correct en moyenne sur l'année car il ne couvre pas le manque à gagner sur les céréales et maïs». Des questions que ne se posent pas pour l'instant les producteurs en système comté puisque, bien qu'il y ait des disparités de prix selon des ateliers, des coopératives affichent un prix de base aux producteurs de 500 €/1000 litres.

 

Pierre-Etienne Brunet