Manifestation
Les éleveurs restent sur leur faim… pas le loup !

Près de 200 éleveurs du massif du Jura ont manifesté vendredi dernier à Mouthe à l’appel de la FDSEA et des JA. Si le tir de prélèvement n’est toujours pas déclenché, l’annonce devant les éleveurs par le préfet du Doubs, Jean-François Colombet, de l’arrivée prochaine de la brigade d’intervention mobile n’a pas été visiblement à la hauteur des attentes. D’autant que le loup a encore frappé depuis aux Longevilles-Mont-d’Or en croquant une nouvelle génisse.

La manifestation a rassemblée 200 éleveurs du Doubs (et du Jura voisin) et une vingtaine de tracteurs dans le centre de Mouthe.

Ecoutez, M. le préfet ! Ecoutez, ce que les paysans ont à vous dire ! » Relayé bruyamment par un porte-voix, le propos du président de la FDSEA, Florent Dornier, a bien été entendu par le représentant de l’Etat. Puis… Plus rien ! Le silence ! Lourd ! Pesant ! Une poignée de secondes qui dure une éternité.
Devant le préfet du Doubs, Jean-François Colombet, 200 éleveurs du Doubs et du Jura devant une vingtaine de tracteurs, en ce vendredi matin dans le centre de Mouthe. Des femmes et des hommes symboliquement réduits au silence avec un bout de scotch sur les lèvres. Réduits aussi à l’impuissance avec des mains entravées par de la ficelle ! Une manifestation qui se voulait statique, silencieuse et pacifique ! Car la parole était en ce vendredi 16 septembre à l’Etat qui avait visiblement des choses à dire en invitant la presse dans la matinée pour présenter son plan d’actions après la trentaine d’attaque de loup sur le massif du Jura depuis août (voir notre précédente édition).

« Nous comptons sur votre pragmatisme »

« Vous êtes ici M. le Préfet devant une ZAD (zone à défendre) constructive et pragmatique. Une ZAD où l’on privilégie l’écoute, le dialogue, le respect, nos maîtres-mots » lançait Florent Dornier. Et de poursuivre : « Notre territoire est en danger. Nous sommes pourtant sur un territoire d’avenir, construit avec des jeunes nombreux et passionnés par leurs montbéliardes. Un territoire d’avenir à travers des filières rémunératrices en phase avec l’environnement et la biodiversité… Vous avez la possibilité M. le préfet d’apporter des réponses, pour que nos territoires restent vivants, dignes, fiers. Vous avez la possibilité de faire des choix. Nous comptons sur votre pragmatisme et le soutien de l’Etat. Cette ZAD républicaine peut vite devenir une zone de non droit. Il en va de votre ressort… »

Les jeunes fortement représentés à la manifestation veulent croire que leur passion a un avenir.

Maxime Chapuis, président des JA, rappelait pour sa part au préfet « la présence de nombreux jeunes installés sur le secteur. Ils sont dans l’expectative. Leur quotidien est déjà bien assez compliqué comme ça ! »

« Pas un nouveau Notre-Dame-des-Loups ! »

L’air ambiant se chargeait subitement d’une certaine tension. Le préfet Colombet se saisit du porte-voix et avance « à pas de loup » comme pour fendre la foule !
Après avoir rappelé les grandes lignes de l’arrêté ministériel de 2020 fixant un cadre précis aux opérations d’effarouchement et de prélèvement, il annonçait que « la brigade d’intervention mobile, basée à Gap, interviendra dans les prochains jours dans le Haut-Doubs. Elle n’interviendra pas seule. Je souhaite que l’on constitue des binômes, avec les louvetiers, pour les désinhiber de certains gestes qu’ils ne font pas légitimement. Après le tir de défense renforcé et si les choses ne sont pas rétablies, nous avons la possibilité de décider d’un tir de prélèvement. C’est la troisième et ultime étape. C’est la chasse au loup. C’est un acte délicat car prélever un loup sans savoir son rôle dans la meute peut aggraver la situation et multiplier les attaques. C’est ce que rapportent les scientifiques. L’arrêté ministériel de 2020 prévoit ces différentes séquences qui doivent être franchies les unes après les autres. Il est hors de question que l’on n’applique pas cet arrêté ici ! Je n’ai pas la moindre envie de créer sur nos territoires un autre « Notre-Dame-des-Loups ».
Des annonces en-deça des attentes des éleveurs. D’autant qu’aucune date d’intervention de la brigade n’a été annoncée (d’ici la fin du mois selon certaines sources). Le préfet, lui, repartait en direction de Chaux-Neuve pour échanger avec un éleveur victime. Quant au loup, il poursuit son chemin en croquant deux jours plus tard une génisse aux Longevilles-Mont-d’Or. Tout va très bien, madame la Marquise !

Ludovic Barbarosa

Tir de défense : une louve abattue 

Mardi 20 septembre, vers 22h40, un binôme de lieutenants de louveterie a procédé au tir létal d’une louve sur une parcelle où une génisse a été prédatée dans la nuit du 18 au 19 septembre aux Longeville-Mont-d’Or.

Ce tir a été réalisé dans le cadre d’un tir de défense simple alors que 3 loups étaient observés en situation d’attaque sur le troupeau du GAEC concerné. Les observations faites par le chef de service de l’Office français de la biodiversité (OFB), quelques moments après le tir, établissent qu’il a été réalisé dans les conditions requises par la réglementation.

Des peaux de génisse ont été accrochées sur les tracteurs pour symboliser les attaques du loup.
Les éleveurs demeurent inquiets

Les éleveurs demeurent inquiets

Pour signifier qu’ils assistaient impuissants aux attaques du loup, les agriculteurs rassemblés devant les tracteurs, avaient symboliquement collé un sparadrap sur leurs lèvres et conservé durant les différentes interventions un silence de cathédrale. Au départ du préfet, les éleveurs ont retrouvé la parole et ont échangé leurs premières impressions, oscillant entre désabusement et inquiétudes.

Durant une petite heure, les responsables syndicaux, puis le préfet se sont expliqués. Pour les premiers, faire entendre le désarroi des éleveurs dont les troupeaux subissent les attaques et pour qui la défense est particulièrement complexe à mettre en place. Pour le second, rappeler les mesures de tirs de défense validées par l’administration et l’accompagnement de l’État pour enrayer ces attaques.
Après les explications, Jean-François Colombet a repris la route pour se rendre à Chaux-Neuve chez un agriculteur dont le troupeau a été prédaté. A peine le chauffeur du préfet avait-il fendu la foule à bord de la Citroën qui transportait le représentant de l’État que les premières réactions des manifestants se faisaient entendre.
La déception de ne pas voir l’État s’engager vers le soutien d’un tir de prélèvement et l’inquiétude de la présence d’un prédateur surprotégé par des textes à plusieurs strates étaient dans toutes les conversations.

Vers d’autres actions

« C’est quand même fou que l’état campe sur des positions alors que les chiffres de départ sont faux. On voit régulièrement nos voisins, éleveurs
suisses, qui nous disent qu’il y a sur le massif du Jura beaucoup plus de loups que les recensements de l’OFB. D’ailleurs chez eux, ils viennent d’autoriser
un troisième prélèvement » tonne cet agriculteur à d’autres manifestants.
« Si les loups sont au dessus du seuil d’espèce menacée, c’est normal que les textes qui le protègent soient révisés » répond un autre. « On est en train de
créer un fléau qui n’a pas fini de nous pourrir la vie » constate un troisième.
D’autres agriculteurs campés devant un panneau d’indication des pistes de ski et de randonnées réfléchissent à des actions. « On pourrait indiquer sur
ces panneaux à chaque fois qu’il y a eu une attaque. Ici attaque, ici attaque, et aussi là et là » pointe de l’index sur le panneau un manifestant. « Passer son permis de chasse ce serait aussi un moyen d’agir » explique un autre.
Dans le Doubs, le Jura, en Suisse voisine, les éleveurs veulent croire aux actions de défense des troupeaux prédatés.
Pour combien de temps encore sans que cela ne soit efficace ?

S. V.

■ Le préfet Colombet a annoncé l’arrivée prochaine de la brigade mobile de Gap. Un peu pour l’ensemble des éleveurs !