Ecophyto 2
“ L’urgence reste de développer au maximum la recherche innovation ”

Eric Thirouin, responsable de la commission environnement à la FNSEA, revient sur le rapport du député Dominique Potier qui propose 68 recommandations pour une nouvelle version du plan Ecophyto 2.
“ L’urgence reste de développer au maximum la recherche innovation ”

Comment la FNSEA se positionne-telle face aux objectifs de réduction des phytosanitaires proposés par le rapport Potier, qui servira de base à la nouvelle version du plan Ecophyto ?
Eric Thirouin : «Dans son rapport, le député Dominique Potier confirme l'objectif du premier plan Ecophyto, à savoir réduire de 50 % l'utilisation des produits phytosanitaires. Pour 2020, le cap affiché est de moins 25 %. Or, pour la FNSEA, il importe de viser prioritairement une réduction des risques santé en environnement et non une réduction des quantités consommées.

Cette approche est d'ailleurs celle de tous les autres pays européens à l'exception du Danemark et de la France. La réponse aux attentes sociétales, à la demande des consommateurs, au défi de la préservation de l'environnement passe par plus d'innovations et de recherche, pour continuer à progresser en termes de formulation des produits phytosanitaires, d'amélioration des pulvérisateurs pour éviter tout contact avec les phytosanitaires au moment du remplissage et limiter les dérives au moment de la pulvérisation ou encore de stockage des denrées alimentaires

 

Les objectifs initiaux n'ont pas été atteints : faut-il en conclure que le plan n'a pas été efficace ?
E.T : «Certes, en termes de nombre de doses utilisées (Nodu), les résultats sont stables voire en légère augmentation par rapport au passé, en lien avec les récentes années pluvieuses marquées par un fort développement des adventices et des maladies fongiques, l'absence d'alternatives crédibles à ce jour pour les agriculteurs et le retrait des produits les plus dangereux, qui a contraint les agriculteurs à utiliser des produits moins efficaces en plus grande quantité. A contrario, ces retraits ont conduit à une baisse de 80 % entre 2008 et 2013 de l'utilisation des produits classés CMR1, et de 15 % de celle des produits CMR2. De même, l'indicateur relatif à l'impact des pesticides dans les cours d'eau s'améliore. Cette évolution favorable des indicateurs d'impacts est la preuve que le travail engagé par les agriculteurs et l'ensemble de la filière agricole est positif pour la santé et l'environnement. Il faut le communiquer. Malheureusement, ces constats sont absents du rapport du député Potier. De même, le rapport n'explicite pas l'utilité des produits vis-à-vis de la santé humaine et de l'environnement, en permettant de lutter contre les ravageurs, d'éviter des allergies, ou encore d'éliminer les mycotoxines qui, sans cela, se retrouvent dans l'assiette du consommateur, avec des risques sanitaires élevés. Pour la FNSEA, il y a un équilibre à trouver.»


Le rapport prend-il suffisamment en compte les impératifs économiques liés à l'activité agricole ?
E.T : «En introduction au rapport, l'impératif de nourrir 10 milliards de personnes en 2050 est rappelé. Cependant l'économie des exploitations et des filières est la grande oubliée des recommandations du rapport. Aucune des 68 recommandations ne vise la compétitivité des exploitations et des filières, il n'y a pas d'évaluation de leurs impacts économiques, ni a fortiori d'analyse de leurs coûts/bénéfices. En outre, les propositions sont juxtaposées, sans priorisation


Vous serez donc vigilants quant à la déclinaison opérationnelle de ces propositions ?
E.T : «Nombre de recommandations sont encore très floues, comme mettre l'entreprise au coeur du plan, la stratégie de recherche et innovation ou encore le plan de communication sur le thème «producteurs d'aliments, d'environnement et de santé». La déclinaison proposée pour Ecophyto 2 nous interpelle : alors que la mise en place du Feader dans les régions n'est déjà pas facile, le rapport préconise de déléguer davantage aux instances régionales, aux agences de l'eau, aux collectivités locales... ce qui conduira à des divergences en termes de plan d'actions et de financement en fonction des régions.
Par ailleurs, est-ce bien par l'offre d'un conseil de transition agroécologique, l'expérimentation des certificats d'économie de produits phytosanitaires et la validation obligatoire des acquis pour l'obtention du Certiphyto tous les cinq ans que nous réduirons les risques pour la santé et l'environnement au meilleur coût ? Rien n'est moins sûr. Parmi les autres difficultés que nous relevons, se trouve aussi le financement du nouveau plan. Le rapport propose de faire passer la taxe de redevance pour pollution diffuse de 0,65 % du résultat courant des exploitations à 1,5 %, ce qui est
plus du double. Le budget total passerait ainsi de 43 millions d'euros à 100 millions, avec toujours plus de taxation des agriculteurs ! Enfin, alors que la ministre de l'Écologie ne cesse de répéter qu'elle ne veut pas d'une écologie punitive, nous sommes surpris des propositions qui visent à renforcer les contrôles et les sanctions sans proposer de solutions alternatives.
Pour la FNSEA, l'urgence reste de développer au maximum la recherche-innovation, chantier permanent dans lequel nous nous investissons, de façon à être de plus en plus précis dans notre maîtrise du recours aux phytosanitaires, et à trouver de vraies alternatives.»