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Où va le charolais ?

A l'occasion de son assemblée générale qui s'est tenue à Pouilly-en-Auxois le 14 mars, Interbev Bourgogne a invité Caroline Monniot, de l'Institut de l'élevage à répondre à la question : « Où va le charolais ? ». Question cruciale pour tous les éleveurs de la race qui ont besoin de savoir eux aussi quel animal produire et pour qui ?
Où va le charolais ?

« Où va le charolais ? », dans un contexte de marchés complexes, diversifiés et changeants, la réponse ne peut pas être simple. Pour commencer il faut déjà savoir « où en est le charolais ? ». Le charolais subit comme les autres races à viande les grandes évolutions du marché français des gros bovins. La valorisation des vaches est loin de satisfaire les éleveurs, les JB finis sont pénalisés par la forte baisse des débouchés export sur cinq ans (-17%) et quant aux broutards destinés au marché italien (qui s'érode lentement mais sûrement) ils sont concurrencés par des challengers offensifs comme la Pologne ou des Pays tiers. Les races à viande ou croisés représentent 66% de la production française.

Où passe la viande produite ? 50% de la viande transformée est vendue en GMS où le haché explose. Les avants des vaches trop lourdes, mal conformées se retrouvent souvent là. Ce marché s'est segmenté récemment, mais sur des critères techniques, souvent indépendants de la race (protéines, pourcentage de matière grasse, grammage, conditionnement, marque, etc). Une segmentation spécifique pourrait permettre une meilleure identification et une meilleure valorisation des races à viande sur ce marché haché extrêmement porteur.
Le reste de la production est segmenté en trois catégories : supérieure (carcasses bouchères de vaches ou de génisses de races à viande (limousine, blonde dans tous les cas et éventuellement charolaises labels ou salers), coeur de gamme (vaches charolaises et vaches mixtes, JB dans certaines régions) premier prix et promotions. Le libre service privilégie les carcasses bien conformées de 450 à 500 kg. En 25 ans, les poids des carcasses des vaches n'ont pas cessé d'augmenter (+2,4kg par an) de façon trop déconnectée de l'évolution des marchés. La moitié des charolaises est classée R ou inférieur (ce qui représente une amélioration grâce au progrès génétique), mais une partie des carcasses accumule des difficultés de valorisation.

 

Adapter la production aux différents marchés


Caroline Monniot est formelle : « quel que soit le segment choisi, il faut que le produit soit parfaitement adapté au marché visé ». L'évolution du marché des broutards plaide en ce sens. Nos broutards mâles destinés au marché italien, bien conformés, mais lourds perdent du terrain. Ils sont concurrencés par des challengers plus légers et moins chers, mieux adaptés à l'évolution de la demande italienne. Pour regagner le terrain perdu, il faudrait produire des broutards mâles mieux standardisés, plus légers et assurer des flux plus réguliers. De nouvelles perspectives de déploiement à l'export s'ouvrent aussi au fur et à mesure que les barrières sanitaires se lèvent. Le bassin méditerranéen représente un fort potentiel mais là aussi les marchés sont très diversifiés avec des demandes spécifiques à satisfaire absolument pour « passer ». Et, face aux poids lourds que représentent l'Amérique du Sud et l'Inde, il va falloir trouver les arguments pour se démarquer autrement que par le prix.
Pour Jean-Pierre Fleury, président d'Interbev Bourgogne qui présidait cette assemblée générale, il est évident « qu'on va dans le mur si on veut résoudre le problème de la race charolaise uniquement par le prix ». Le schéma traditionnel « de la productivité assise sur le poids et le nombre a trouvé ses limites », il va falloir « trouver de nouvelles voies ». Les Assises du Charolais qui seront bientôt organisées par les professionnels devraient tracer cette nouvelle carte de la production, dans toute sa diversité, avec autoroutes à voies rapides, petites routes plus sinueuses mais à fort potentiel... et surtout éviter les voies sans issues.


Anne-Marie Klein