PHYTOSANITAIRE
L’avenir du cuivre pourrait se jouer d’ici juin

La réapprobation du cuivre à l’échelle européenne peut être soumise au vote des États membres de l’UE d’ici le mois de juin. L’Inra et l’Itab confirment les difficultés de se passer totalement de cuivre sur les cultures bio à court terme.
L’avenir du cuivre pourrait se jouer d’ici juin

Le cuivre sera-t-il renouvelé à l'échelle européenne pour son usage phytosanitaire (1) sur vignes, arboricultures et cultures légumières ? Alors que l'approbation des composés de cuivre devait expirer le 31 janvier 2018, une extension a été votée jusqu'en janvier 2019 pour laisser le temps à la Commission européenne de formuler une proposition sur l'avenir du cuivre qui devra être soumise au vote des États membres, d'ici le mois de juin. Rappelons que l'utilisation du cuivre est autorisée dans la limite de 6 kg/ha/an en moyenne lissée sur cinq ans à usage phyto.

La substance permet notamment de lutter contre le mildiou (vignes et pommes de terre) et la tavelure du pommier. L'enjeu est considérable. Pour l'Inra, « la menace persistante d'une interdiction totale à l'échelle européenne pose des difficultés aux producteurs, et plus particulièrement aux agriculteurs en bio qui ne peuvent recourir à des pesticides de synthèse ». La
question est d'autant plus délicate que les utilisations du cuivre « posent des problèmes écotoxicologiques », affirme l'Inra.

Dans ce contexte, la proposition de Bruxelles est très attendue. Trois hypothèses seraient sur la table : une proposition de non-renouvellement de l'approbation ; une proposition de renouvellement de l'approbation sous conditions (ex. : trois ans au lieu de sept ans, diminution du seuil de 6 kg/ha/an à 4 kg/ha/an) ou une proposition de renouvellement de l'approbation avec une possibilité ouverte pour chaque État membre de légiférer notamment en termes d'usages (ex. : suppression de la moyenne lissée sur cinq ans pour les 6 kg/ha/an).

 

La position française « n'est pas tranchée »


Comme l'a été récemment l'approbation du glyphosate, celle du cuivre va à son tour être soumise au vote des États membres. Pour que la proposition de la Commission soit adoptée, il faudra une majorité qualifiée (au moins 55 % des États membres). Recueillir les intentions de vote des États membres est, à ce jour, délicat. Mais le sujet est sur la table. Aux Pays-Bas et au Danemark, les composés de cuivre sont interdits à usage phytosanitaire. Pour Didier Andrivon, pilote scientifique Inra de l'expertise collective sur les alternatives au cuivre, « les pays les plus contraignants voudraient que l'interdiction soit généralisée ». Pour la France, le ministère de l'Agriculture indique qu'il y a des réunions internes, mais que « la position n'est pas tranchée ».


Des alternatives encore insuffisantes


Les professionnels et les experts sont réticents à une interdiction à court terme. Jean-Claude Bévillard, responsable agriculture chez France Nature environnement, prend position : « Il
ne faut peut-être pas supprimer, mais diminuer fortement l'usage. » Une position partagée par Thierry Mercier, président de l'Itab : « On a du mal à trouver des alternatives. On peut diminuer les doses, mais on est toujours addict ». Pour Philippe Mauguin, p.-d.g. de l'Inra : « A court terme, il est difficile d'imaginer une interdiction du cuivre sans difficulté au plan technique. Mais en améliorant les efficiences d'utilisation, on devrait pouvoir réduire les doses homologuées de 50 %. » Pour les agriculteurs, se passer du cuivre semble aussi impossible dans l'immédiat, en particulier en viticulture. Et pour cause : les alternatives ne semblent pas suffisantes pour faire face à un arrêt total du cuivre. « Il faut qu'on arrive à s'en passer », affirme Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab. Et de déplorer : « Nous demandons des alternatives depuis plusieurs années ».
L'expertise collective menée par l'Inra et l'Itab a permis de faire un état des lieux des études sur les alternatives. Il y a des marges de manoeuvre pour se passer du cuivre. « On peut avoir des alternatives sans cuivre, si on combine tous les leviers : la prophylaxie, la sélection variétale (résistance), les pratiques agronomiques, l'utilisation de préparations naturelles à effet biocide, le biocontrôle, etc., explique Philippe Mauguin. Mais il y a peu de résultats sur ce type de combinaisons complexes. » Autrement dit : les experts préconisent des combinaisons de leviers pour se passer du cuivre, mais elles sont pour l'heure peu étudiées. Dans ce contexte, « l'Inra, avec les instituts techniques et les organisations professionnelles, se donnent pour
objectif à partir de 2018 de lancer des projets concrets de reconception globale des systèmes de production en mobilisant ensemble les différents leviers ».