Tournée cantonale FDSEA / Le président et le directeur de la communauté de communes Arbois Poligny Salins cœur du Jura sont venus échanger, sans sujets tabous, avec les agriculteurs du canton de Salins lors d’une réunion locale organisée par la FDSEA. Les projets de plan local d’urbanisme intercommunal et de création d’une zone humide à Lemuy ont notamment été abordés.
Dominique Bonnet et Pascal Bride, respectivement président et directeur de l’intercommunalité englobant le canton de Salins, ont répondu tout de suite favorablement à l’invitation de Gilles Duquet, vice-président de la FDSEA du Jura, pour venir échanger avec les agriculteurs du secteur lors de la tournée syndicale. Dans la salle des fêtes de Lemuy, un vaste tour d’horizon a lieu entre agriculteurs et représentants de la communauté de communes concernant le renouvellement des générations, l’alimentation de proximité et dans les cantines, les aménagements à venir sur le territoire, la cohabitation entre production et environnement ou encore le développement urbain dans les années à venir. La réunion se veut directe, sans grande présentation ni langue de bois, afin que les agriculteurs puissent faire passer directement leurs messages aux invités du jour et permettre à ces derniers d’apporter leur lecture des évènements et tenter de rassurer les agriculteurs.
Vision partagée du modèle agricole
Cherchant à engager directement la discussion, le maire de Poligny interpelle les jeunes agriculteurs présents au fond de la salle pour comprendre leurs difficultés à l’installation. Rappelant que de plus en plus de jeunes s’installent hors du cadre familial, ils soulignent le surcoût du montant d’une reprise de ferme sans lien de famille et en parallèle la baisse à venir des dotations aux jeunes agriculteurs jurassiens versées par la région à partir de 2023. Rapidement la notion d’accès au foncier et son lien avec la productivité laitière est explicité à l’élu pour lui faire comprendre la difficulté de perdre du foncier pour la production agricole lors de constructions ou même d’émergence de projets alternatifs. Si tous les participants semblent partager la vision d’un modèle agricole économiquement viable et durable, Dominique Bonnet assure être pragmatique sur le développement de productions agricoles plus diversifiées. « Nous sommes inscrits dans un projet alimentaire de territoire dans le but de permettre aux habitants de mieux manger et plus local. Nous avons par exemple identifié quelques hectares en bord de Cuisance où il semble être possible de produire quelques légumes de saisons comme de la pomme de terre, des carottes ou des poireaux, mais l’idée ce n’est pas de produire des choux fleurs comme en Bretagne. » assure l’élu.
Urbanisation divisée par deux
Concernant l’aménagement du territoire pour les 10 années à venir, il semble que le développement de grandes zones d’activités arrive à son terme puisqu’uniquement deux zones ont été répertoriées à cet effet en continuité de sites existants à Poligny et Arbois. Le PLU intercommunal, dont les travaux ont été engagés il y a quelques années par l’ancienne comcom de Salins puis repris par la nouvelle collectivité depuis, est en cours de finalisation. Aujourd’hui, sur les 66 communes concernées, 15 d’entre elles négocient encore les zonages car il est demandé de réduire collectivement par deux la consommation de terres agricoles pour urbanisation avec in fine un objectif de zéro artificialisation en 2050. Les agriculteurs ont rappelé la nécessité de préserver en priorité le pâturage à proximité des bâtiments d’élevage qui sont parfois sortis des villages il y a quelques années pour voir aujourd’hui des maisons fleurir à 25 mètres de la stabulation comme le prévoit le règlement national d’urbanisme en zone de montagne. D’où l’intérêt d’avoir un document de planification de l’urbanisation qui protège au maximum les parcelles agricoles stratégiques. La FDSEA a également alerté sur la tentation des cabinets d’étude de classer des terres agricoles en zones naturelles avec son lot de contraintes derrière. Il est convenu que la profession et la chambre d’agriculture soient parties prenantes avant validation finale du projet avec si besoin la possibilité d’organiser une rencontre sur le terrain en présence de l’élu en charge du dossier.
Véto contre une zone humide à Lemuy
Les agriculteurs de Lemuy présents ont alors rebondi sur le projet de reméandrement d’un ruisseau sur la commune pour ralentir l’eau et reconstituer une zone humide. Très remontés par la façon dont le projet a été amené par l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue, collectivité en charge du sujet dans laquelle la communauté de communes siège, les exploitants potentiellement les plus impactés font part de leur refus catégorique de perdre des surfaces de production, qui plus est sans compensations. Bernard Laubier, vice-président de la comcom en charge de la gestion des rivières et par ailleurs agriculteur à Pont d’Héry, se veut rassurant mais reconnait à demi-mots un problème de méthode. « Rien ne sera imposer et cela sera sur la base du volontariat. » Au-delà de cet exemple qui a pu braquer les paysans, et si le terme de cogestion est trop fort, il semble important pour le monde agricole de construire avec les élus les projets locaux à venir, pour en faciliter leur acceptation et surtout leur cohérence. La FDSEA avec son réseau de relais locaux, en lien avec les jeunes agriculteurs, devra pour cela se faire mieux connaître et reconnaître auprès des décideurs des intercommunalités. De nouvelles rencontres de ce type sur d’autres territoires devraient pouvoir y contribuer.
PE BRUNET