A l’issue de l’assemblée générale de la FDSEA du Jura le 17 mars, une table ronde était organisée sur les « perspectives de valorisation des services environnementaux pour les agriculteurs ».
Eric Chevalier, directeur des relations AOP à Monts et terroir, Bastien Mercier, chargé de mission sur les énergies renouvelables au Crédit Agricole de Franche-Comté, Adrien Bourlet, président de la FDSEA de l’Ain et Christophe Chambon, président de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté, ont partagé leurs expériences sur la création de revenu grâce aux crédits carbone ou aux services environnementaux. Entrés en vigueur en 2005, les accords de Kyoto permettent aux entreprises de compenser leurs émissions de CO2 par le financement de projets de réduction ou de séquestration de carbone. La Responsabilité sociale et environnementale (RSE), reprise dans la loi PACT de 2019, permet de transformer une partie de la fiscalité des sociétés en contribution finançant des projets sociaux ou environnementaux qu’elles ont choisis.
Un élément de communication intéressant
Monts et Terroirs a mis en place une démarche RSE et incite ses producteurs de lait à faire des bilans carbones. En 2014, la société a participé à un programme régional lié aux rejets de CO2 sur les exploitations. « Il est apparu que dans notre activité de fromagers affineurs, 90% de l’empreinte carbone étaient dus à la matière première, » explique Eric Chevalier. « Seuls 10 % provenaient de notre activité. Nous avons choisi d’orienter les décisions de l'entreprise par rapport à ce bilan : nos investissements prennent en compte des gains de productivité mais aussi des gains en carbone. » Mont et Terroirs a ensuite intégré une démarche RSE. « Les impôts que nous payons ont pu générer de l’éducation pour nos enfants et des investissements de santé. Pour la société, c’est aussi un élément de communication intéressant. »
Au cours du dernier mois, le Crédit Agricole a beaucoup communiqué sur sa démarche RSE intégrée dans le projet global de l’entreprise. « Ce n’est pas que de la communication, » précise Bastien Mercier. « L’agriculture est dans notre ADN. Nous avons pris conscience qu’il fallait agir pour nos clients et pour l’ensemble de la société. Nous avons par exemple lancé une consultation sur les enjeux du changement climatique. »
Christophe Chambon, président de la FRSEA, est revenu sur la création de l’association BFC Agri Environnement : « De nombreux bureaux d’études se positionnent sur ces marchés, il est maintenant temps de nous impliquer. Jusqu’à présent, nous subissions les problèmes environnementaux sans ramener de plus-value pour les agriculteurs. Cette association doit créer du lien entre les exploitants qui ont du carbone ou des services agro-écologiques à revendre et les entreprises qui souhaitent en acheter. L’ensemble de nos partenaires a répondu présent. » Le Crédit Agricole de Franche-Comté pourrait jouer le rôle d’intermédiaire et créer une dynamique sur le territoire.
Définir le prix d’un hectare de jachère
Dans l’Ain, la FDSEA a aussi créé une association pour revendre des crédits carbones et des prestations environnementales. « Je suis allé chercher les industriels à la CCI et leur ai dit qu’il était possible de transformer une partie de leur fiscalité en prestations environnementales locales, d’acheter du carbone à côté de chez eux et pas en Amazonie, » raconte Adrien Bourlet. « Le but étant de garder la valeur sur le territoire. Ce sont des dossiers longs à monter, très énergivores mais qui créent du lien pour la fédé et des occasions de partenariats. Le contrat minimal est de 100 000 € sur 3 ans, nous avons démarché les grandes entreprises et les aéroports. L’agriculteur contractualise soit avec l’association, soit directement avec une société. » Plutôt que de passer par le RSE, certaines entreprises font le choix du mécénat pour subventionner ces prestations, ce qui leur confère un crédit d’impôts de 60%.
Avant d’être en mesure de proposer de tels contrats, il a fallu définir une valeur de compensation pour chaque prestation (combien vaut un mètre linéaire enherbé, un mètre de haie, un hectare de jachère mellifère, etc.) afin que les agriculteurs la récupèrent.
Adrien Bourlet voit cependant un bémol sur le rachat de carbone : « Comme on paie aujourd’hui la capacité à réduire la production de carbone, donc à s’améliorer, celui qui travaille mal a plus de potentiel que celui qui travaille bien. C’est un scandale ! »
S.C.