AFDI BFC
Une mobilisation bénévole retrouvée

Les membres de l’association "Agriculteurs français et développement international" de Bourgogne Franche-Comté (AFDI) ont dressé le bilan d’un exercice qui renoue avec la mobilisation bénévole.

Une mobilisation bénévole retrouvée
Rencontre de fin de mission de la section jurassienne dans le Nord de Madagascar, avec ses partenaires locaux pour construire l'avenir du partenariat avec Afdi BFC et entendre leurs attentes.

L’AG de l’AFDI BFC a été l’occasion de présenter aux adhérents réunis le 9 mai dernier à Vesoul le rapport financier de l’association, lequel affiche un résultat positif de 2 329 €, ainsi que le budget prévisionnel pour 2023. La valorisation financière de l’engagement bénévole est de 94 625 €, soit une hausse spectaculaire de +103 % par rapport à 2021. Au niveau de la grande région, l’ONG compte 121 bénévoles actifs, soit l’équivalent de 533 personne/jour. L’engagement bénévole a permis de booster les actions d’information et de sensibilisation, en 2022 (+51%) ainsi que celles de soutien aux organisations de producteurs du Sud (+55%).

Pour 2023, il reste 16 500 € à trouver. « Cela passe par la mobilisation sur le territoire pour développer les activités génératrices de revenus, telles que la tenue de stands dans les évènements grand-public pour la vente des produits », a exposé le trésorier Marcel Cottin. Il a aussi évoqué des actions à venir, telles qu’une cuvée solidaire avec le lycée de Cosne sur Loire, des partenariats en cours de développement avec certains filières agricoles prospères (Comté, viticulture, etc.). « Cette mobilisation passe aussi par l’implication de nouveaux bénévoles dans les départements. », a-t-il également insisté, enjoignant les participants à mieux faire connaître l’Afdi auprès des Jeunes agriculteurs, par exemple.

Engagement auprès des organisations de producteurs

Les responsables des antennes départementales se sont ensuite relayés au micro pour présenter quelques diapositives synthétisant les différentes actions conduites au Sud, principalement à Madagascar, au Cameroun et au Sénégal. Sophie Fonquernie a ainsi dressé le bilan de Projacam pour la Conaprocam (producteurs de cacao au Cameroun). « La Conacopram fédère 14 coopératives, qui représentent 1500 membres : nous les appuyons pour structurer la gouvernance (statuts, règlement intérieur, fonctionnement…) ainsi que dans le domaine de l’installation des jeunes. Projacam justement est un projet de formations et d’accompagnement des jeunes à l’installation, construit en partenariat avec la CA21. » 358 jeunes ont bénéficié de ce programme sur les filières cacao, aviculture et maïs, programme qui a impliqué la CA 21 dans la conception des modules de formation.

A Madagascar, dans la région de Haute-Matsiatra, le Cram Fianarantsoa compte 230 riziculteurs au sein de 19 organisations membres. La certification de certains producteurs de semences de riz interroge sur le devenir et les besoins des autres membres… « Le statut coopératif ne répond plus aux besoins réels du Cram mais permet d’obtenir des financement… En 2022 la décision a été prise de travailler sur un cahier des charges et la prise en charge des agriculteurs non semenciers de riz. On s’oriente vers deux règlements intérieurs selon le statut du producteur. », témoigne Thierry Desveaux, responsable de l’antenne de l’Yonne.

Adaptation aux réalités locales

Dans la filière laitière de cette même zone, c’est Bernard Cassard, de Haute-Saône, qui relate les obstacles rencontrés par Rofana (fédération de coopératives laitières) : la collecte de lait progresse, avec une nouvelle coopérative membre (+5,5%) et un nouveau technicien d’élevage. « les chantiers prioritaires sont ceux du management, de la gestion des flux et de la qualité du lait », témoigne l’ancien conseiller de chambre d’agriculture, confronté aux réalités locales. « Il faut trouver des moyens adaptés au contexte pour contrôler la qualité du lait : le densimètre, la mesure du degré dornick à l’alcool, le bol à fond noir pour la qualité sanitaire… Quant à la pasteurisation, c’est un vrai problème, car le principal combustible utilisé, c’est le charbon, synonyme de déforestation. »

Thomas Parents, du Doubs – et la Saône-et-Loire, a pour sa part relaté la démarche de recherche de nouveaux partenariats pour son antenne. « Nous avons pris en compte le contexte politique, la francophonie, mais aussi la distance : le bilan carbone de nos déplacements pour nos missions d’appui est une donnée qu’on ne peut plus laisser de côté. » C’est donc au Togo qu’une mission de reconnaissance et de rencontre de partenaires potentiels se déroulera cet automne.

Questions de genre

Sophie Fonquernie, présidente nationale de l’AFDI a abordé les stratégies transversales et travaux conduits au niveau national. Outre l’agroécologie et la durabilité (voir ci-dessous), la question du genre est aussi mise sur la table. « Au Sud les inégalités hommes femmes sont importantes : si les femmes sont en première ligne dans la production agricole, elles ont des difficultés d’accès au foncier, aux crédits, aux intrants… nous devons être vigilants dans nos partenariats à ne pas renforcer ces inégalités mais à les réduire. Pour que les femmes interviennent dans les organisations paysannes, avec des objectifs. C’est aussi une demande forte des financeurs. »

Alexandre Coronel

Etienne Degay, de la section jurassienne de l'Afdi BFC a relaté le travail conduit autour de la commune d’Ambilobe (région Diana), et la mission conduite à la fin de l'été dernier.
Table-ronde

Diversification, résilience et agroécologie

Au Sud comme au Nord, les agricultures doivent s'adapter au changement climatique et renouer avec des pratiques plus durables en matière de gestion des ressources foncières, des sols, de l'eau... Et l’élevage, loin d’être le maillon faible de l’agroécologie, en est plutôt un des piliers.

« Depuis le dernier recensement agricole, les grandes cultures ont supplanté la polyculture élevage dans notre département de Haute-Saône : c’est peut-être en lien avec le changement climatique », a lancé Thierry Chalmin, président de la CA70, lors de l’AG de l’AFDI-BFC. Une bonne introduction à la table-ronde sur la thématique « Changements climatiques et agroécologie : des solutions à trouver au Nord comme au Sud ? », animée par Bernard Cassard. Une classe de terminale du lycée a présenté une synthèse des implications du changement climatique pour les élevages de Haute Saône, fournissant matière à réflexion. L’exercice n’est pas simple, car l’agriculture de nos pays tempérés subit les effets du changement climatique (l’impact des sécheresses sur les rendements des cultures, la sécurité fourragère des élevages par exemple), mais elle est aussi pointée du doigt pour sa responsabilité dans le réchauffement, via les émissions de gaz à effet de serre, en tête desquels le CO2 (utilisation d’énergies fossiles), le CH4 (élevage de gros ruminants) et le N2O (fertilisation). Les lycéens ont présenté des pistes pour atténuer l’impact climatique de l’élevage, s’appuyant sur l’exemple de l’exploitation de Laurent Isabey. « Réduire le taux d’élevage (effectif de génisses conservées pour le renouvellement), limiter la durée de vie improductive des animaux (en avançant l’âge au vêlage et en favorisant les carrières longues), diminuer le chargement… et réduire le cheptel »

Des propos qui n’ont pas manqué d’interroger Emmanuel Aebischer, qui a alerté les participants à l’AG sur la décapitalisation en cours du cheptel bovin français, chiffres à l’appui « nous avons perdu 1 million de bovins au cours de 6 dernières années. Sur les étals et dans les assiettes, on trouve de plus en plus de viande d’importation, est-ce que c’est ça la solution ? Les bilans carbones que nous faisons dans les fermes de Haute-Saône montrent plutôt des systèmes vertueux. » Propos sur lesquels rebondit Christian Morel, ancien agriculteur aujourd’hui vice-président de la Région « en arrière-plan il y a des enjeux géopolitiques énormes, les terres agricoles sont convoitées par de grandes puissances, et face à ça, il faut une agriculture paysanne, capable de nourrir sa population », saluant la motivation des membres d’AFDI et le travail accompli sur le terrain aux côtés des acteurs locaux.

La fertilité des sols tropicaux

L’expertise de Patrice Aufray, agronome au Cirad (organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale) a donné un éclairage très riche à la question. Il a notamment mis en valeur toutes les fonctions remplies par l’élevage dans les sociétés rurales des pays du Sud. « Outre la fonction de production, l’élevage assure une quarantaine d’autres fonctions, telles que la force de travail, mais aussi le prestige, le statut social, les apports de produits laitiers et protéines. C’est aussi une forme d’épargne sur pied (on vend l’animal pour financer une hospitalisation ou un banquet de mariage), sans oublier la valeur spirituelle, la fourniture de matière organique… » A ce dernier sujet, il a mis en avant le cercle vertueux de la complémentarité bovin/culture du coton dans les zones cotonnières du Mali. « Les bovins fournissent la force motrice nécessaire au travail du sol et les effluents fertilisants. » Loin d’être le problème, l’élevage serait plutôt une des solutions à la durabilité. « C’est un vrai levier pour booster la matière organique dans les sols riches en sables, dont la fertilité repose sur le taux de matière organique, à cause de la faible capacité d’échange. » Pour lui « La diversification, y compris vers l’élevage pour des cultivateurs, et vers les cultures pour des éleveurs, est un levier d’adaptation au changement climatique. En regardant les flux en zone de savane gérés de manière extensive on s’aperçoit que les feux sont très impactants. Il y a un enjeu à mieux alimenter les troupeaux en augmentant les arbres et arbustes fourragers, capables de fournir des fourrages dans les conditions locales. On peut arriver à un bilan positif en adaptant les systèmes (un animal pour 8ha), en mobilisant des leviers dans le domaine de la sélection (génétique) de la conduite d’élevage (pâturage nocturne)… On a mesuré que les systèmes à pâturage permettent en 40 ans de retrouver les quantités de carbone de la forêt de départ. Pour le Sud,d’un point de vue d’un agronome, l’élevage est la base de l’intensification agroécologique, il a un impact faible sur le changement climatique par les émissions de GES et offre une palette de ressources qui permet d’atteindre l’autonomie. Il n’aggrave pas forcément la qualité des sols mais peut les restaurer. »

AC