Irrigation
Des pistes pour faire face à la flambée de l’électricité
L’économie d’énergie est devenue un enjeu majeur pour les irrigants depuis la hausse fulgurante des tarifs de l’électricité. Des économies sont possibles en aménageant ou en renouvelant certains équipements d’irrigation.
Les agriculteurs irrigants vivent une période de fortes tensions. Outre les contraintes réglementaires et la pression sociétale autour de l’accès à l’eau, ils doivent faire face une hausse brutale des prix de l’électricité. La répercussion a été immédiate pour ceux dont le contrat de fourniture était à renégocier, mais elle arrivera dans un second temps pour les plus chanceux qui bénéficient encore des anciens prix. Bien que mieux armés pour la négociation, les réseaux collectifs ont quand même subi de fortes hausses. « L’inflation est telle que bon nombre d’irrigants ont choisi de diminuer significativement leur surface irriguée pour cette année, observe Frédéric Noguier, directeur commercial pour Lindsay Europe. Si les conditions climatiques sont les mêmes que l’an dernier, imposant de nombreux tours d’eau, le risque est qu’aucune culture irriguée ne soit rentable cette saison. » Afin de limiter l’augmentation de la part représentée par les dépenses énergétiques dans le coût global de l’irrigation, il est possible d’intervenir à plusieurs niveaux d’une installation.
Agir en priorité sur le pompage
Le premier levier le plus impactant est la partie pompage, car elle constitue la source principale des pertes d’énergie, comme le confirme le volet irrigation du Projet Eden mené par Arvalis, la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne et l’Inrae. Le rendement d’une vieille pompe atteint parfois difficilement 50 %, alors qu’il avoisine 70 % pour les pompes récentes. En se basant sur les différentes exploitations analysées, l’étude a montré qu’en moyenne, sur la totalité de la puissance électrique consommée par une installation avec enrouleur, 82 % sont utilisés pour mener l’eau jusqu’au canon et seulement 18 % sont réellement employés pour l’application de l’eau. Les installations dotées de pivot offrent de bien meilleurs résultats avec 42 % de la puissance dédiée à l’application de l’eau. Pour ceux qui en ont les moyens, le changement de pompe peut donc être très bénéfique. L’étude Eden a par exemple mis en évidence une consommation électrique quasiment divisée par deux chez un agriculteur qui avait opté pour une nouvelle pompe.
Dans le cas d’installations à plusieurs équipements d’irrigation où la pompe est amenée à fournir des pressions variables, il est aussi justifié de s’équiper d’un variateur de fréquence faisant varier le régime de la pompe en fonction des besoins.
Augmenter les diamètres de tuyaux
Afin de limiter les pertes de pression, il est possible d’augmenter le diamètre des conduites d’irrigation. Cela influence aussi le choix des diamètres de tuyaux polyéthylène des enrouleurs. « Pour des enrouleurs de 400 mètres, à débit égal, les agriculteurs optent désormais pour un diamètre de 110 mm voire plus, à la place du 100 mm qui était auparavant la norme. De même, pour les modèles de 500 mètres, on passe à du polyéthylène de 120 mm », assure Frédéric Noguier.
Toujours concernant les utilisateurs d’enrouleurs, les irrigants peuvent abaisser les pressions de fonctionnement en remplaçant le canon par une rampe équipée d’un busage basse pression. « Cette solution n’est toutefois opérationnelle que pour les cultures basses comme les pommes de terre, oignons, betteraves… Et le gain de pression est limité, car celle-ci doit rester suffisante, afin que le tuyau polyéthylène ne se déforme pas. »
Passer au pivot ou à la rampe pour baisser la pression
Solution plus radicale, mais aussi la plus efficace en énergie, le remplacement des enrouleurs par un pivot ou une rampe a été favorisé par les aides du plan de relance. « Avant la crise énergétique, le principal argument des acheteurs de pivots était l’économie de main-d’œuvre. Désormais, la contrainte énergétique et la raréfaction de la ressource en eau sont aussi importantes », analyse Frédéric Noguier. Les pivots sont en effet beaucoup moins gourmands en pression que les enrouleurs. « Les installations récentes peuvent fonctionner avec une pression de 2,5-3 bars en entrée de pivot, même avec un canon d’extrémité. » Quant aux pivots et rampes existants, des gains sont envisageables en renouvelant le busage, les nouvelles générations d’arroseurs rotatifs étant conçus pour fonctionner à 1 bar, voire 0,7 bar. « Dans le cas d’exploitations faisant cohabiter pivots et enrouleurs, il est impératif de disposer d’une pompe à variation de fréquence », avertit le spécialiste. Quant aux irrigants qui seraient tentés par l’énergie solaire pour entraîner leurs pivots, « le seul intérêt des panneaux solaires se limite aux zones isolées non raccordées au réseau électrique. Dans le cas contraire, la puissance nécessaire pour l’entraînement du pivot (environ 2 kW pour un modèle à 4-5 travées) étant négligeable, il est très difficile de rentabiliser des panneaux qui n’alimentent le pivot qu’en journée, même avec un prix d’électricité élevé. »
Michel Portier
Situer sa puissance électrique consommée par mètre cube d’eau
Il est possible d’évaluer la consommation énergétique de son installation d’irrigation en relevant les compteurs d’eau et d’électricité avant et après une position d’irrigation. Il est conseillé de sélectionner une position médiane vis-à-vis de la distance par rapport à la pompe et de prendre un dénivelé moyen dans les parcelles à dénivelé. On calcule ensuite le ratio énergétique de l’installation en kilowattheure par mètre cube en divisant la valeur relevée sur le compteur électrique par celle indiquée sur le compteur d’eau. Pour se situer, il suffit de comparer le chiffre obtenu aux moyennes issues du suivi de 42 installations dans le cadre du projet Eden de 2012 à 2015. À noter que ces ratios ont été mesurés sur des installations sans dénivelé avec un pompage de surface. Ils ne sont donc pas représentatifs pour des pompages en nappe ou des zones à fort dénivelé.
Cette étude a d’ailleurs démontré la meilleure performance énergétique des pivots et de la couverture intégrale, qui affichent respectivement un ratio moyen de 0,40 et 0,41 kWh/m3, par rapport aux enrouleurs qui atteignent 0,57 kWh/m3.