Société
Mesdames, osez les métiers au féminin

 L’agriculture se féminise. Dans les cours de ferme ou sur les bancs des établissements de l’enseignement agricole, les effectifs de femmes ont fortement progressé. Elles sont aussi beaucoup plus nombreuses à prendre des responsabilités au sein des organisations professionnelles agricoles. De plus en plus, les agricultrices assument avec fierté leur métier, comme en témoignent des membres de la Commission des agri­cultrices de la FNSEA. 

Mesdames, osez les métiers au féminin
Les participantes à la table ronde sur la place des femmes dans des milieux professionnels masculins, organisée au Salon de l’agriculture.
Catherine Faivre-Pierret, productrice de lait dans le Doubs, présidente de la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA.

Nombreuses sont les agricultrices à qui, au moins une fois dans leur carrière, on a demandé : « Il n’est pas là, le patron ? » Quand le patron est une patronne, les commerciaux et divers représentants doivent ravaler leur fierté. À l’heure où le monde agricole compte 29 % d’agricultrices, dont un quart sont cheffes d’exploitation, l’agriculture se conjugue au féminin. Au fil des générations, des pionnières sont devenues agricultrices par le mariage ou par héritage. D’autres étaient des aventurières qui ont osé se lancer par conviction. Que de chemin parcouru, que de combats menés pour battre en brèche les stéréotypes les plus tenaces. À commencer par celui de la pénibilité. La mécanisation et les nouvelles technologies ont accéléré les possibilités. Cela, toutes le reconnaissent et concèdent « qu’à un moment donné, ce n’est pas une tare de demander de l’aide ». Femme ou homme, l’activité agricole peut de moins en moins se concevoir de manière individuelle. « Le monde agricole est aussi pour nous les femmes, en complémentarité avec les hommes », a confié Catherine Faivre-Pierret, productrice de lait dans le Doubs, récemment élue à la tête de la Commission nationale des agricultrices.

Jouer la complémentarité

En effet, loin d’elles l’idée de rejouer la guerre des sexes, car comme l’a très justement dit Karen Serres, ex-présidente de la Commission nationale des agricultrices : « Nous sommes complémentaires. L’essentiel étant de rester soi-même y compris dans sa féminité, car cela n’a pas de sens de faire semblant d’être un mec ! » Pas de faux-semblant non plus quand il s’agit d’interroger sa capacité à gouverner, comme en a témoigné Christiane Lambert, présidente de la FNSEA : « Une femme qui devient présidente est plus facilement qualifiée d’ambitieuse. Et pourtant à poste égal, une femme se demande si elle a les compétences avant de se positionner, alors qu’un homme se positionnera d’emblée ».

Installée hors-cadre familial dans la Drôme, et désormais présidente de l’Acta (instituts techniques agricoles), Anne-Claire Vial a, quant à elle, estimé « que les choses évoluent lorsque quelques-unes ouvrent la voie. Au début, j’étais contre la politique des quotas, mais s’ils n’avaient pas été mis en place, nous n’en serions pas là dans les chambres d’agriculture. Maintenant, il faut aller plus loin en ouvrant les portes des coopératives et des outils économiques aux femmes ».

« Devenir des mentors ! »

Le récit de chacune est traversé par une forme de sororité où ténacité, sincérité et solidarité ne sont pas de vains mots. Ce qui, hier, pouvait être qualifié de naïveté devient une corde pas si sensible, fondamentale au vivre ensemble.

La ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, a confié en avoir fait l’expérience à ses débuts de magistrate : « Je me suis traîné cette réputation de naïveté et de sensibilité pendant très longtemps, pourtant, je pense avoir jugé plus de criminels, arpenté bien plus d’hôpitaux psychiatriques, de prisons que beaucoup de mes confrères. Il m’a fallu attendre cinquante ans pour écrire un livre intitulé « Vous êtes naïve, Madame le juge ». L’émotion n’exclut pas la raison. Ce droit à l’émotion, nous devons le revendiquer ». Désormais ministre, Isabelle Rome explique que son combat premier est d’offrir aux femmes le plus de liberté possible. « On a toutes et tous besoin de modèles auxquels s’identifier. Bon nombre d’entre vous pourraient devenir des mentors ! » n

Sophie Chatenet

Dates Clés

Un long combat vers la reconnaissance et l’égalité

1980 : Création du statut de co-exploitante. Les femmes ont alors acquis le droit d’accomplir les actes administratifs nécessaires à la bonne gestion de l’exploitation.
1985 : Apparition de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). Les conjoints ont alors pu s’associer tout en individualisant leurs tâches et leurs responsabilités. Toutefois, il s’agit d’une identité professionnelle à par­tager avec le mari, et non d’un droit personnel attribué aux femmes.
1999 : Création du statut de conjointe collaboratrice qui marque un réel pro­grès, notamment en matière de protection sociale des agricultrices.
2006 : L’étendue de la couverture sociale pour les conjointes d’exploitants.
2011 : La possibilité de créer un groupement agricole d’exploitation en com­mun (Gaec) entre époux.
2019 : La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) a ouvert la possibi­lité de bénéficier d’indemnités journalières en cas de maternité, lorsque les futures et jeunes mamans n’ont pas la possibilité de se faire remplacer