Colza et légumineuse gélive
« Chaque légumineuse a un ou plusieurs effets »

A Aumur, Alexandre Gomet cultive son colza associé à des légumineuses depuis 7 ans. Une technique que l’agriculteur inscrit dans un système alliant semi-direct, paillage et couverture systématique des terres libres. Son mélange de six légumineuses, qu’il améliore d’année en année, lui a permis de diminuer sa consommation d’insecticide d’au moins 50%. Sol en meilleur état, meilleure résilience, diminution de la quantité d’insecticide utilisé… Selon lui, les avantages de sa pratique sont nombreux.

« Chaque légumineuse a un ou plusieurs effets »
« La paille est comme une peau pour la terre, » explique Alexandre Gomet

Alexandre Gomet est agriculteur à Aumur, dans le Nord du Jura, depuis 10 ans. Installé en individuel, hors cadre familial, il a repris la ferme d’un de ses voisins. Avec les nouvelles surfaces acquises depuis, il cultive 90 hectares. Entre 10 et 15 ha, selon les années, sont dédiés au colza. Le reste se partage entre la production de maïs, de soja, de blé, d’orge et de prairie. Alexandre possède aussi quelques ruches et élève une cinquantaine de brebis allaitantes commercialisées en circuit court. En parallèle, il a conservé son emploi à temps plein dans le négoce de céréales.

« Quand je me suis installé, j'ai commencé comme tout le monde, » se souvient-il. « Je semais le colza avec un semoir traditionnel et devais utiliser beaucoup plus d’anti-limaces. Après 2 ou 3 ans, j’ai totalement changé de technique, je suis passé au semi-direct et couvert systématique sur toutes les terres libres ».  Il laisse aussi la paille de la récolte précédente au sol pour protéger du soleil et de la pluie la terre à limons battants sur laquelle il cultive et qui a tendance à sécher l'été et rester humide l'hiver. « Les couverts permanents amènent des nutriments à la vie du sol et l'améliorent », explique-t-il. « Le système est un peu plus autonome ».

A chacun sa recette

Concernant le mélange de légumineuses, à chacun sa recette. Après n’avoir utilisé que du trèfle la 1ere année, Alexandre a peaufiné la sienne. Six plantes entrent dans le mélange. Chacune a un ou plusieurs effets : les lentilles, les vesces et le trèfle d’Alexandrie apportent une couverture pour fermer le sol et restituent de l’azote, le Fenugrec perturbe les insectes avec son odeur de curry, le lin agit contre les limaces et la placelie remonte la potasse prise dans le sol grâce à ses longues racines. Alexandre n’utilise pas de fèverole car les graines étant plus grosses que les autres, il faudrait passer le semoir deux fois pour la mettre à la bonne profondeur. « Mais c'est une des meilleures cultures pour les associations. La féverole fournit de l'azote et a de très bonnes racines, » précise-t-il

« Lorsqu'elles se dégradent l'hiver, en plus de l'azote, elles apportent du sucre au sol qui dynamise le système. Un complément d’engrais reste nécessaire.  On essaie de mettre au maximum de l’engrais à base organique, dans des quantités un peu moindres qu’avant ».

une semaine a peine après avoir semé, le colza et les légumineuses commencent à lever

Moitié moins d’insecticide et d’anti-limaces

Depuis, le céréalier aumurois a constaté une diminution des doses d’anti-limaces et d'insecticides (entre – 50% et – 80 % selon les années) : « Certaines récoltes, lorsque ça va bien, je n’utilise plus qu’un insecticide. Parfois je suis obligé d’en mettre 2 ou 3. Mais avant d’associer les légumineuses au colza, j'en utilisais 5 ou 6 ».

 « J’aime bien les champs propres, c'est la base d'une bonne récolte.  J'utilise encore du désherbant mais pas au même moment. On ne fait plus du systématique, on s'adapte ».

Avant de semer, Alexandre passe la herse pour remuer la paille : « Cela perturbe les campagnols et détruit des œufs de limaces ». Les graines, toutes de taille identique, sont directement mélangées dans le semoir. 12 kilos de graines sont utilisés par hectare, dont 2,4 kilos de colza. « On a la même concentration de graines de colza au mètre carré qu'en agriculture traditionnelle. La différence, c'est que les inter-rangs sont pleins ».

Pour semer dans la paille, Alexandre a investi et acquis un semoir à dents et une herse à paille, achetés environ 80 000 € avec son frère lui-aussi exploitant. Un seul passage permet de poser la graine en terre et de remettre la paille par-dessus.  Le coût de l’achat est compensé par le faible nombre d'heures de tracteurs.

Les vers de terre de retour

La paille protège la terre du soleil en retenant l'humidité mais aussi de la pluie. « Nous n'avons plus de croûte de battance lors des gros orages, plus d’ornière dans les champs qui gagnent en portance, » se réjouit l’agriculteur. « La paille, c’est comme une peau pour la terre. Elle a d’autres avantages : elle conserve le carbone et sert d'alimentation aux vers de terre qui améliorent le sol. Pour se nourrir, ils travaillent le sol sur une profondeur plus importante que des labours. Cela permet aux racines des plantes de mieux se développer. Au départ je comptais 50 vers de terre au m². Aujourd'hui il y en a plus de 350. Préserver la santé du sol est important si on veut rester agriculteur sur des terres vivantes ».

Bon an, mal an, avec sa technique associant légumineuses gélives, couvert systématique, semis direct et paillage, Alexandre récolte entre 30 et 49 quintaux de colza par hectare (moyenne annuelle 32 qt/ha). Comme il utilise peu d’insecticide, il a pu placer ses ruches aux abords des champs de colza : « Les abeilles sont en très bonne santé et disposent de fleurs tout au long de l'année. Et les brebis pâturent les couverts ».

S.C.

Le semoir pose les graines en terre avant de les recouvrir de paille

Une association gagnante

Le Contrat de solutions, ce sont 45 partenaires du secteur agricole qui s’engagent pour des solutions concrètes, efficaces, durables pour la protection de toutes les cultures. Plus de 100 fiches détaillent les leviers pour réduire l'utilisation et l'impact des produits phytosanitaires. Zoom sur une association de cultures avec plusieurs atouts dans sa poche.

Dans certaines conditions, telles que les milieux argilo-calcaires, le potentiel de développement du colza est limité. La flore est alors souvent plus difficile à détruire et la pression des ravageurs y est plus élevée. L’utilisation de produits phytosanitaires est donc généralement plus importante, malgré une efficacité parfois limité en raison de phénomènes de résistance fréquents. Néanmoins, il est possible d’optimiser la capacité de croissance de cette culture, avant l’hiver, sans pour autant apporter d’intrants dans la parcelle. Comment ? Par l’association d’un colza à des légumineuses gélives, qui seront naturellement détruites par le gel pendant l’hiver.

Les graines de colza, associées à une ou plusieurs légumineuses gélives (ex : féverole), doivent être semées en mélange. Ce semis peut être réalisé en une fois (mélanger toutes les graines dans la trémie du semoir) ou en deux passages (semis décalé : un rang de colza en alternance avec des légumineuses). Une préparation du sol en amont est nécessaire pour assurer la réussite de la levée à la fois du colza et des légumineuses. Cette solution est prioritairement adaptée aux contextes argilo-calcaires.

Les atouts de cette combinaison

Les légumineuses gélives apportent naturellement de l’azote au colza. Elles permettent une meilleure structuration du sol (limite l’excès d’eau et l’asphyxie racinaire) et sont naturellement détruites en hiver. Leur présence réduit aussi les levées secondaires d’adventices et amoindrit l’impact des insectes d’automne sur les colzas (altise adultes et larves de charançons du bourgeon terminal). 

Cette solution peut être couplée à d’autres mesures agronomiques comme le semis direct ou le travail du sol simplifié. 

Concrètement, cette solution permet de baisser d’environ 40 % l’ITF désherbage et évite au minimum un traitement insecticide à l’automne (réduction d’1 IFT insecticide). Elle permet aussi de réduire les charges et améliore le rendement de la culture. Les frais engagés dans le mélange de semences à associer au colza sont donc moindre. Par ailleurs, cette solution ne nécessite pas d’investissement, le semis en mélange dans la trémie étant possible.

Pour en savoir plus : https://contratsolutions.fr/ 

Les Couverts enrichissent la terre. Les abeilles d'Alexandre y butinent et ses brebis y pâturent