Chambre régionale d'agriculture
Contrats de filières : l'intelligence collective à la manoeuvre

Quand le contexte est mouvant, l'avenir incertain et que les interrogations se renforcent sur les stratégies à définir, il importe de serrer les rangs et de placer l'intelligence collective à la manoeuvre. C'est ce qui s'est passé avec la réalisation des contrats de filières qui viennent d'être signés très officiellement à l'occasion de la session de la chambre régionale d'agriculture BFC, qui s'est tenue au Legta de Fontaines en Saône et Loire.
Contrats de filières : l'intelligence collective à la manoeuvre

L'instant était solennel, à la mesure de l'important travail fourni en amont par les principales filières agricoles régionales, le réseau des chambres d'agriculture BFC, la chambre régionale d'agriculture et la gouvernance régionale représentée par sa présidente, Marie-Guite Dufay, pour finaliser ces contrats. Tous et toutes se sont impliqués dans ce travail de réflexion prospective, nourri par les audits d'exploitation et les audits filières, le réseau des chambres ayant largement contribué à l'efficacité de l'ensemble. Ces contrats de filières concrétisent aussi d'une certaine façon, l'important chemin parcouru depuis la fusion des régions pour « apprendre les uns des autres et apprendre à travailler ensemble » comme l'a rappelé Christian Decerle, président de la chambre régionale d'agriculture. L'objectif étant d'aboutir à un travail de reflexion permettant d'évoluer vers « des filières mieux organisées, plus harmonieuses et qui sachent mieux répartir la valeur ajoutée », avec en ligne de mire constante l'amélioration du revenu des agriculteurs. Ce qui suppose à tous les niveaux de « mobiliser tout euro mobilisable ». Le président de la chambre régionale d'agriculture BFC n'a pas manqué de saluer « la grande réactivité du conseil régional », qui vient également d'être sollicité pour aider à pallier les conséquences de la sécheresse persistante. Ce dernier travail soutenu par une forte implication des conseils départementaux et mené avec la participation des services de l'Etat, envoie « un signal et un message extrêmement positifs »... et concrets.

 

Grandes cultures : maintenir les capacités de production

 


En grandes cultures, le maintien des capacités de production est essentiel à la cohésion et à la cohérence de l'ensemble des systèmes. Leur performance et leur résilience supposent une gestion raisonnée des usages de l'eau, un accompagnement sur le volet des phytos, l'amélioration de la valeur ajoutée par la qualité et le développement de marchés de niches ou la diversification des cultures. Ces nouveaux marchés dépendants aussi de la permanence d'outils industriels performants. « Le nerf de la guerre reste le maintien des exploitations sur le territoire et la présence d'un tissu coopératif dynamique ». L'ordonnance définissant les modalités de la séparation du conseil et de la vente, étant assimilée à « un mauvais signal » qui risque « de rendre le remède pire que le mal »...

 

Lait conventionnel : maintenir un potentiel laitier dynamique


En lait conventionnel, la production reste au centre des préoccupations, car l'attractivité du métier dépend largement du maintien d'un potentiel laitier suffisamment dynamique. Ces ambitions doivent être soutenues par la modernisation des installations d'élevage laitier (besoins techniques et normes européennes) tout en restant à l'écoute des nouvelles attentes sociétales. Les pistes de travail sont nombreuses et diverses, à la hauteur des enjeux que sont : la différenciation des produits, la gestion des aléas climatiques et économiques, la plus grande résilience des systèmes, le maintien d'outils de transformation performants, un niveau de prix assurant la pérennité des exploitations et de la production régionale en lait conventionnel.

 

Viande bovine : faire évoluer le modèle actuel


La filière a mené sa réflexion en parallèle à la conduite des Etats généraux de l'alimentation, la déception n'en est que plus grande sur le sujet de la co-construction du prix, qui représentait un combat interne essentiel à mener. Cet objectif d'équité dans la formation du prix reste essentiel, mais la réflexion concerne aussi la nécessaire évolution des modèles d'exploitation et les conciliations à introduire entre un modèle familial traditionnel et un modèle entrepreneurial, à même de répondre à la nécessité de sécuriser et d'encourager les reprises, alors que l'importance des capitaux à mobiliser est en totale inadéquation avec la réalité économique. Un travail important reste à mener sur la restauration hors domicile, où la part de viande importée ne cesse d'augmenter, l'évolution des modes de consommation profitant essentiellement aux importations. La filière viande bovine BFC souhaite promouvoir un modèle de production qualitatif, bien identifié régionalement, dans toute la diversité de ses expressions. La génétique restant le pivot de ce développement sur les marchés français comme à l'export.

 

Viande porcine : maintenir les effectifs, segmenter la production


La fonction nourricière de la production porcine doit être réaffirmée, comme sa parfaite intégration dans les systèmes d'exploitation qui produisent aussi des céréales. L'amélioration des performances techniques, la modernisation des élevages au service d'une meilleure acceptabilité sociétale et environnementale, conditionnent l'attractivité de la filière et donc le maintien et le développement de structures d'élevage porcin. Contrairement aux idées reçues, c'est une production vertueuse qui trouve son équilibre et sa justification dans une démarche d'autonomie alimentaire et de production d'engrais organiques limitant l'achat d'intrants. Encore faut-il que la filière dispose des moyens permettant de rattraper un certain retard sur investissements dans les économies d'énergie, le sanitaire, l'autonomie alimentaire. Autre réflexion à mener : la segmentation des produits et l'innovation alimentaire, des leviers qui ont assuré le succès de la filière avicole. Regagner en performance économique tout en répondant aux défis sociétaux, tels sont les deux axes majeurs du contrat 2019-2021.

 

Prioriser les actions


Il aura fallu trois ans pour aboutir à ces signatures de contrats de filières, le temps nécessaire à une réflexion en profondeur et à apprendre les uns des autres. Mais la présidente de Région relève aussi que ce long pas de temps a permis de « révéler l'immense potentiel des richesses régionales et de la complémentarité entre les systèmes ». La construction collective des contrats de filière a obligé à prendre les éléments de réflexion par le bon bout, l'objectif étant pour tous de parvenir in fine à une réelle amélioration du revenu agricole. La président de Région est consciente que les moyens disponibles restent limités par rapport « à l'immensité des enjeux et à l'ampleur du travail à mener », ce qui impose à toutes les filières de prioriser les axes de travail et les actions.


AMK


Tous connectés... Les enjeux du numérique


Séquence remue méninges et séance « disruptive » autour des enjeux numériques, avec Hervé Pillaud, éleveur vendéen, tombé dans la marmite du numérique, qui milite activement pour que l'agriculture -et les agriculteurs - prennent sans attendre ce virage, vu comme « un nouvel âge pour l'humanité ». L'important, parmi le large panel d'utilisateurs et de non utilisateurs des outils numériques, c'est d'en percevoir les atouts et de passer d'une consommation en pointillé à un niveau de réflexion plus stratégique, qui profite économiquement et techniquement au système d'exploitation dans son ensemble.
Nous sommes entrés dans l'ère numérique par le petite porte, analyse Hervé Pillaud, qui regrette que l'on plaque des outils numériques sur des pratiques existantes, alors que la richesse des outils disponibles doit justement permettre de repenser ces pratiques et ces usages en profondeur. Il encourage à s'approprier le digital dans une vision entrepreneuriale, l'outil permettant d'être plus pleinement responsable de ses décisions, mieux informé et de communiquer de façon plus ciblée.
A condition bien sûr, de concilier le niveau d'équipement avec les besoins réels et dans l'objectif de gagner en compétitivité (qualité des échanges, réactivité et productivité). Un outil bien adapté à la tâche permet de libérer le cerveau et de laisser parler l'intuition, la capacité d'innovation et de réflexion... vision globale. Autant donc utiliser les machines pour ce qu'elle savent faire le mieux (calculs, probabilités, tâches répétitives, manutentions diverses...) . Le numérique peut ainsi avoir un effet libérateur, la souplesse et la diversité des outils d'apprentissage permettant d'acquérir assez rapidement et à son rythme, suffisamment d'autonomie pour prendre de la hauteur.