Manifestation
Les éleveurs Haut-Jurassiens sonnent les cloches au Parc !
A l’appel de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs, des éleveurs du Haut-Jura et du Pays de Gex se sont donnés rendez-vous à Lajoux le 21 mars pour « sonner les cloches » aux élus et agents du Parc Naturel du Haut-Jura. Jusqu’à présent, ils faisaient la sourde oreille aux sollicitations de la profession. La révision de la charte du PNR et sa politique sur le loup font l’objet des principaux reproches envers un syndicat mixte de plus en plus hors-sol du point de vue des agriculteurs.
La non-réponse des élus du Parc à un courrier FDSEA/JA 39 aura déclenché un mouvement syndical agricole inédit dans le Haut-Jura. Près d’une centaine d’agriculteurs et une trentaine de tracteurs, venus du Grandvaux, du Haut-Jura et du Pays de Gex se sont retrouvés devant la maison du PNR à Lajoux, au son des klaxons et des cloches. Il faut dire que depuis plusieurs années, les relations avec le monde paysan n’ont cessé de se tendre, la politique pro-loup du Parc étant la goutte d’eau faisant déborder le vase.
Plus globalement, les agriculteurs ont le sentiment de ne jamais être entendu lorsque l’on daigne les recevoir, à l’image de la révision de la charte du PNR qui encadrera la politique et les actions du PNR pour les quinze prochaines années. Lorsque les agriculteurs font le bilan de la dernière charte, peu de positif en ressort avec surtout de nouvelles contraintes à la clé. Même sur les mesures agro-environnementales et climatiques, le Parc a réussi le tour de force d’exclure bon nombre de bénéficiaires depuis la nouvelle PAC alors qu’il aurait suffi de reconduire l’existant.
« J’ai assisté pendant plusieurs années aux réunions sur l’utilisation des fonds leader par le PNR, mais les subventions sont plus facilement destinées à la création d’abris pour vélos ou pour l’achat d’une voiture électrique à Saint-Claude que pour le développement agricole » regrette amèrement Laurent Mussillon dont l’exploitation se trouve à Grande Rivière en zone natura 2000. « Le Bleu de Gex a adhéré à la marque du PNR « valeur parc », c’est preuve de notre bonne volonté pour faire avancer les choses, mais aujourd’hui cela ne change rien sur le prix du lait et la quantité de fromages vendus, c’est plutôt nous qui donnons du crédit à ce label pour la communication du Parc. Nous attendons autre chose pour soutenir la production locale » explique Léon Gros, éleveur basé à Bellecombe et responsable FDSEA localement.
Plantation d’une haie comme symbole
Alors qu’une délégation était reçue par la présidente, le vice-président et la direction du PNR (voir encadré), les éleveurs ont relevé les manches dans la bonne humeur pour symboliquement planter une haie de noisetiers devant l’entrée de la maison du Parc, agrémentée d’éléments rocheux caractéristiques du territoire et d’une pancarte rappelant les dates d’interdictions de la taille de la haie. L’objectif de cette action qui a respecté les biens et les personnes dans une ambiance plutôt bonne enfant, FDSEA/JA souhaitaient souligner la mise de côté de l’acte de production au profit de réglementations environnementales faisant fi des conditions météorologiques et de tout bon sens paysan. Car au-delà de l’absence de politique économique agricole, c’est la politique environnementale du PNR qui faisait l’objet de plus de griefs au sein des manifestants.
Le sentiment prédominant étant de mettre sous cloche ce territoire au fort handicap naturel, où sans l’intervention de l’homme, les paysages et les milieux se referment vite et souvent s’appauvrissent. Le maintien du pastoralisme durable est pourtant un enjeu pour l’environnement reconnu par tous jusque dans le plan loup. Mais dès que des projets de réouverture des espaces autre fois agricoles sortent de terre, le parc se pose plutôt en entrave aux projets plutôt qu’en accompagnement. « Personne du Parc n’a répondu à notre invitation il y a trois ans lorsque nous avons organisé une journée sur les communaux de Saint-Pierre pour constater quelles techniques d’aménagement permettent de maintenir durablement ou non des combes ouvertes. » tempête un jeune éleveur du Grandvaux. Même son de cloche pour les alpagistes des crêts du haut-Jura qui déplorent depuis plusieurs années l’attitude des agents de la collectivité vis-à-vis des pratiques agricoles.
Si le PNR n’est pas responsable de toutes les réglementations, son inaction pour aider concrètement les agriculteurs dans leur cœur de métier, à savoir nourrir les gens, a dans le contexte actuel du mal à passer. Il semble donc urgent pour les élus du Parc d’instaurer de véritables conditions de dialogue pour co-construire demain des projets agro-environnementaux voulus par les agriculteurs. C’est en tout cas le souhait des agriculteurs des filières traditionnelles du Haut-Jura qui se sont déplacés à Lajoux la semaine dernière.
PE BRUNET
Une délégation reçue par les élus du Parc
En fin de matinée, les représentant des FDSEA et JA du Jura et de l’Ain ont été reçus par la Présidente du Parc, Françoise Vespa, le Président de la Commission agricole, Yann Bondier-Moret, la Directrice et le chargé de mission agricole.
Le président de la FDSEA 39, Christophe Buchet a pu exposer aux élus ce qui a conduit à cette action syndicale puis les membres de la délégation se sont tour à tour exprimés. « Au fil du temps, le Parc ne nous écoute plus. Vous avez voulu mettre un maximum de surfaces en Natura 2000 et aujourd’hui, on ne peut plus retourner un morceau de prairie sans faire une étude d’incidence » lance Laurent Mussillon pour poser le débat. Puis c’est au tour de Xavier Pagnier des JA de prendre la parole : « Vous voyez uniquement l’agriculture comme une activité qui produit du paysage et de la biodiversité. Vous ne voyez pas l’acte de production et c’est pourtant ça qui nous fait vivre. » De son côté, Alain Carrichon, éleveur dans l’Ain et Président des alpagistes de Haute Chaîne, pointe du doigt la multitude d’interdictions liées à la Réserve de la Haute Chaîne et la manière dont la question du loup a été approchée par le PNR, sans concertation avec les organisations agricoles départementales.
Dans ce contexte, la Présidente, Françoise VESPA renvoie les débats aux différentes commissions prévues pour réviser la charte mais les représentants agricoles ne voient pas les choses de cette manière : « Le Parc existe depuis 40 ans et années après années les relations se distendent. Il n’est pas question de continuer comme cela et se retrouver noyés dans des groupes techniques alors que l’enjeu principal de ce territoire, c’est l’avenir de l’agriculture. Nous voulons redonner du sens politique à ce qui est fait sur ce territoire et nous sommes prêts à y participer mais pas de cette manière. Nous voulons un travail conduit sous l’égide de la Commission agricole avec des représentants professionnels. Un Parc, c’est une force de frappe supplémentaire et nous devons nous en servir de cette manière, pas pour créer davantage de contraintes ».
Si l’échange s’est conclu avec de bonnes intentions, les responsables syndicaux attendent des actes. Suite dans les semaines à venir…