Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne
« Calinothérapie » pour pépiniéristes

Cédric MICHELIN
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Le 15 avril au Château de Santenay, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) tenait son assemblée générale sur le thème de « la pépinière viticole, le premier maillon de la filière viticole ». En effet, ce sujet est majeur tant le changement climatique (gel, sécheresse, dépérissement, etc.), accélère la nécessité d’adapter les itinéraires techniques. Mais dans quelle(s) direction(s) ? D’abord vers un rapprochement des deux professions.

« Calinothérapie » pour pépiniéristes
De g. à d., Christophe Raucaz, Pierre-Marie Guillaume, Philippe Collin et Thiébault Huber.

Pour Thiébault Huber son président, la CAVB doit avoir un « rôle centralisateur de tout ce qui peut se faire dans les organismes viticoles » sur les dossiers environnementaux et sociétaux. « On subit les maladies, le dépérissement, le gel, la sécheresse, la grêle… tous ces aléas nous mettent face à des défis. Il y a des solutions renouvelables à chaque », introduisant ainsi la table ronde pour demain un « matériel végétal, des porte-greffes plus tardifs, résistants aux sécheresses, au calcaire actif de nos sols…, c’est un levier énorme », espère-t-il aboutir, lui qui a été reconduit pour un deuxième mandat (quatre ans). Si le conseiller régional, Christian Morel, évoquait le projet Qanopée lancé par l’Interprofession des vins de Champagne, il fut quasiment le seul finalement à en parler. Pourtant, « vous aurez besoin d’énormes financements et donc de fonds Feader en complément, prévenait-il en proposant d’en appeler aux départements, comme ceux du Grand Est », plus en avance.

Chute de la production de plants

Prenaient place alors Pierre-Marie Guillaume des pépinières éponymes basées en Haute-Saône et président du Syndicat des pépiniéristes du Centre-Est ; Christophe Raucaz, secrétaire général de la Fédération nationale des pépiniéristes et pépiniériste en Savoie et Philippe Collin, pépiniériste à Sainte-Marie-la-Blanche. Avec 4.000 ha de vignes mères en France, 200 millions de plants par an, le syndicat prévoit une production en baisse, autour de 150 millions de plants en 2030. La France reste le premier exportateur mondial avec 14 millions de plants exportés (contre 15 M importés principalement d’Italie et d’Europe de l’Est) car l’origine France est reconnue pour « sa qualité et traçabilité », laissant sous-entendre en creux qu’Italie ou Espagne ne sont pas à ce même niveau d’exigence, comparait Christophe Raucaz « malgré la même étiquette bleue ».
Voulant renforcer le lien de confiance avec les vignerons français, la Fédération propose à ses adhérents des formations (ampélographie, sanitaire…) et une marque, Vitipeps qui vient couronner la prospection à « 100 % » des vignes de base. Les appellations de Bourgogne ont elles rajouté l’obligation d’un traitement à l’eau chaude mais ce « n’est pas un vaccin, le pied pouvant être contaminé après ».

Les vignerons reviennent aux affaires

Le président de la CAVB reconnaissait aussi que la profession viticole avait laissé se défaire le « lien » avec les pépiniéristes, ou les structures conjointes, depuis plusieurs décennies, mais qu’avec les « importants défis climatiques » d’aujourd’hui, elle était « obligée de revenir » pour « avancer ensemble ». L’association Grapvi gère la pré-multiplication des porte-greffes et greffons, ces derniers sont vendus ensuite aux pépiniéristes. Président du Grapvi, Pierre-Marie Guillaume confirmait « avoir besoin de calinothérapie » après ces « gros problèmes de communication » mais qui semblent derrière désormais. « On est dans le même bateau pour affronter l’avenir ensemble et trouver des solutions ».

Des pépiniéristes mal en point

Tout n’est pas sauvé pour autant. Si le parc de vignes mères de greffons « retrouve des superficies » actuellement, « les abandons du métier explosent » côté pépiniéristes, notamment en raison des contraintes administratives et exigences sanitaires. « Nous sommes dans le marché ouvert européen avec des prix de base à 1,10 € le plant alors que nos plants français sont périssables et coûtent cher à produire », engendrant risque financier et faible trésorerie. Le secteur fait face à une pénurie de main-d’œuvre, peine à investir dans des machines à greffer (45.000 € pièce) et « a demandé à la Région un plan de soutien ».
Et le projet initial de prémultiplication sous serre leur paraissait disproportionné - « pour être superclean » -, selon les pépiniéristes qui craignaient alors de voir « tripler les coûts du plant » bourguignos, qui aurait grevé leur compétitivité. « On a changé les contraintes techniques qui voulaient au départ une serre quasi-étanche, bioclimatique, avec des coûts énergétiques importants ». Pour autant, le président du Grapvi l’assure : il « tient aussi à produire en pleine terre » en Centre-Est et dans le Val de Saône.

Des clones aux… clones

Les attentes des vignerons semblent « évoluer » aussi. « Vous ne plantiez que des clones mais après réflexion, vous voulez maintenant des massales qui sont en fait des polyclonales », glissait-il. Il encourage cette tendance qui va « dans le sens d’élargir la base génétique et avec raison puisqu’à la dégustation des vins, il y a des gains et plus de complexité » aromatique.
Pour conclure sur une note positive, à l’image des vignerons, eux aussi « passionnés » par leur métier, Philippe Collin l’assurait, les « relations en Bourgogne sont bonnes entre un vigneron et son pépiniériste ». Lui qui accueille des classes de la Viti et du CFPPA de Beaune à Sainte-Marie-la-Blanche, lançait une invitation générale à « venir se rendre compte du travail journalier », et ce dès le lycée. Le meilleur moyen encore de travailler tous ensemble…