L’agriculture, une solution au défi climatique

A quelques jours de la COP 26, le réseau FNSEA a souhaité mettre en avant le rôle majeur de l’agriculture contre le réchauffement climatique. Le GAEC de Coutteret a donc ouvert ses portes à la presse le temps d’une visite pour expliquer les mesures mises en place sur l’exploitation pour réduire son empreinte carbone et avoir un système toujours plus résilient.

L’agriculture, une solution au défi climatique
Les abeilles apprécient le couvert végétal mellifère en interculture

Lorsque la famille Hervé vous parle de leur ferme établie à Pont-de-Poitte et Largillay, vous ressentez tout de suite une énergie positive qui fait du bien. Modestes, ils ne prétendent pas travailler mieux que leurs collègues mais expliquent avec passion et détermination leurs choix. Comme beaucoup d’agriculteurs jurassiens, les trois associés à la tête d’un troupeau de 85 laitières et d’un parcellaire de 225 hectares multiplient les projets pour atteindre l’autonomie alimentaire et énergétique tout en préservant l’environnement. « L’agronomie est la clé de notre système, on ne laisse rien au hasard » affirme en préambule David qui s’est installé il y a deux ans sur la ferme familiale. Lorsque vient le moment d’égrainer la première mesure mise en place sur l’exploitation, le pâturage ressort naturellement de la bouche des associés. Rien de spectaculaire mais avec un système fourrager mixte entre prairies permanentes et temporaires, un suivi rigoureux et quotidien de l’herbe avec un outil de mesure, et un pâturage tournant mais extensif ; tout est pensé pour optimiser la pousse en fonction de la météo. Outre l’intérêt économique, cette gestion de l’herbe permet de valoriser la photosynthèse des plantes permettant ainsi de capter le carbone. Rappelons si cela était encore nécessaire que des prairies en bonne santé sont gage d’autonomie alimentaire et de puits de carbone.

Plantation de 1.7 km de haies

Avec plus de 80 hectares à proximité du bâtiment principal de la ferme, la famille Hervé a créé des chemins pour faciliter le pâturage tournant. Pour protéger les vaches du vent et créer des espaces ombragés, le GAEC va implanter cet hiver 1.7 km de haies au bord de ces chemins en plus de la dizaine de kilomètres de haies déjà présente sur les terres de l’exploitation. Pour cela, les agriculteurs se font conseiller par Clémence Ravier de la chambre d’agriculture du Jura. « Les haies seront composées de buissons et d’arbres avec des essences naturellement présentes dans le secteur » détaille cette dernière. « Nous aidons au montage du projet pour bénéficier d’aides à la plantation, puis nous allons mettre en place un plan de gestion durable des haies de l’exploitation » complète la technicienne. Il faut dire que pour le GAEC, les enjeux du projet sont multiples. Si le bien-être des animaux reste le premier objectif, l’ombrage permettra de ralentir l’assèchement de l’herbe à proximité, et les haies seront valorisées comme une nouvelle ressource de l’exploitation en transformant les résidus de leur entretien en plaquettes bois pour le paillage de la litière des animaux.

Jean-Marie, David et Jacques Hervé ont expliqué à la presse les mesures mises en place sur l’exploitation pour réduire son empreinte carbone et avoir un système toujours plus résilient.

« Nous économiserons de la paille par un matériau issu de l’exploitation. Ainsi, nous réduirons notre dépendance aux achats extérieurs et, au final, nos émissions de gaz à effet de serre, » énumère Jean-Marie Hervé. « L’idée est d’avoir quelque chose le plus durable possible en remplaçant au fur et à mesure les arbres secs par de nouvelles pousses pour avoir un cercle vertueux pour l’environnement » complète son neveu.

Pas de sols nus

La vie du sol n’est pas en reste sur le GAEC. Pour les associés qui pratiquent l’agriculture de conservation des sols avec le moins de travail possible de la terre, étudier ce qu’il se passe sous la terre est primordial. « Il y a plus d’habitants dans les trente premiers centimètres du sol que sur le reste de la planète, c’est notre capital pour produire donc chaque agriculteur doit comprendre comment réagit son sol pour le préserver » explique Jean-Marie. « Sur notre exploitation, les sols se travaillent très mal. Donc depuis 5 ou 6 ans, nous nous sommes investis à fond dans le semis direct avec pour objectif de maintenir en permanence un sol couvert et au final cultiver le ver de terre » poursuit-il. « Nous faisons des essais et parfois nous essuyons des échecs car c’est une nouvelle approche mais désormais nous arrivons à obtenir des rendements similaires à nos voisins en utilisant 3 à 4 fois moins de gasoil » se satisfont les éleveurs qui cultivent 40 hectares de cultures. La présence en permanence de couverts végétaux entre deux cultures est également un avantage pour eux. Les associés recherchent à avoir un couvert le plus haut possible pour piéger les nitrates et faire s’exprimer le sol. Cela permet également d’éviter l’érosion et apporte un engrais vert à la culture suivante. Avec un mélange de douze espèces différentes (tournesol, phacélie, niger, sarrasin, pois, lin…), les agriculteurs ont eu cet été l’heureuse surprise de voir un voisin, apiculteur amateur, les remercier chaleureusement car ses abeilles se sont remises à produire du miel grâce au pollen récolté sur ces fleurs. Un encouragement qui conforte les agriculteurs à poursuivre dans cette voie dans les années à venir.

Vers une autonomie alimentaire et électrique

Toujours à la recherche d’autonomie et de résilience, le GAEC a implanté depuis quelques années des panneaux photovoltaïques sur le toit du bâtiment abritant les génisses et situé à Largillay. « Nous produisons 40 000 kilowatt/an qui sont vendus à EDF. Cela correspond à notre consommation d’électricité annuelle sur l’exploitation. Nous compensons nos achats par la production et ainsi tendons l’autonomie énergétique » développe Jean-Marie Hervé. « Une partie des toits de la stabulation orientés sud auraient pu accueillir également des panneaux photovoltaïques si le coût de raccordement au transformateur électrique n’était pas si important » regrettent notre hôte du jour par ailleurs secrétaire général de la FDSEA du Jura. Une revendication syndicale qu’il porte régulièrement face aux législateurs car les coûts de raccordement sont un véritable frein pour l’expansion massive de la production d’électricité sur les bâtiments agricoles. Toujours dans le même état d’esprit, l’exploitation souhaite tendre vers toujours plus d’autonomie et être la moins dépendante possible des marchés extérieurs en produisant au maximum la matière première des aliments nécessaires à leurs animaux (fourrages, céréales, colza…). Une nurserie tout confort est également en train de sortir de terre pour le bien-être des veaux et des éleveurs et à terme réduire au maximum les problèmes sanitaires et les coûts de pharmacie. Avec un jeune agriculteur plein d’entrain et des ainés réceptifs, les projets ne manquent au GAEC de Coutteret, preuve que l’agriculture jurassienne, par l’implication et le professionnalisme de ses paysans, a des arguments à faire valoir pour être enfin reconnue comme une solution majeure au défi climatique.

PE Brunet

1,7 Km de haies seront plantés sur les chemins d’accès aux pâturages.