Législatives
10 propositions pour une ruralité vivante

Fédération des chasseurs, des pêcheurs, chambre d’agriculture, communes forestières, OPA, syndicats des métiers de l’hostellerie, de l’artisanat du bâtiment, d’agriculteurs, des paysagistes … Quatorze organismes jurassiens ont travaillé ensemble pour adapter aux problématiques jurassiennes le manifeste pour des ruralités vivantes initié par la FNSEA. Ils l’ont présenté ce mardi 24 mai aux candidats aux élections législatives.

10 propositions pour une ruralité vivante

Couverture internet, moratoire sur les services publics, urbanisation, santé, tourisme, attractivité… Dix propositions pour faire prospérer l’économie jurassienne et la qualité de vie y sont formulées, véritable stratégie de développement durable au service du département qui concilie économie, social et environnement.

Si le Jura connaît les mêmes difficultés que toutes les zones rurales de France, il a aussi des atouts : son environnement est préservé et il est le département le plus industriel de France ramené au nombre d’emplois sur la population totale (21,6 %). Sa caractéristique principale repose sur l’importance du tissu de TPE PME réparties sur tout le territoire et son taux de chômage de 5,5%, le plus faible de Bourgogne Franche-Comté, qui risque de devenir un frein pour le développement de l’économie. 180 emplois sont par exemple actuellement disponibles rien que pour l’agriculture.

Renforcer l’attractivité

Pour que les ressources humaines soient un levier fort de ce développement, l’attractivité doit donc faire l’objet d’une démarche volontariste, ambitieuse et fédératrice, en liens étroits avec l’Etat, le département, les EPCI et l’ensemble des collectivités locales. Pour renforcer cette attractivité, la qualité de vie, l’offre de santé, les services à la petite enfance (crèche, accueil périscolaire, etc.), les loisirs, la culture, la couverture internet   doivent être développés et adaptés aux exigences des nouvelles populations urbaines qui ont choisi de s’établir en zone rurale depuis les confinements. 8 cadres sur 10 affirment aujourd’hui être prêts à déménager à la campagne.

Autre frein pointé du doigt : le zéro artificialisation net de la loi climat et résilience qui oblige d’ici 10 ans les collectivités locales à ne consommer que 50% des surfaces naturelles qui l’étaient auparavant, ce qui favorise les mauvais élèves qui bétonnaient le plus. Tendre vers le zéro sera très difficile dans le Jura car le département ne dispose pas d’assez de friches. Ors, derrière cette artificialisation, il y a l’activité économique.

Pour résoudre ces problématiques, les quatorze signataires du manifeste estiment qu’une plus grande décentralisation est nécessaire car la plupart des décisions sont prises par l’Etat.

Le travail réalisé pour la rédaction de ce manifeste a été salué par les sept candidats aux législatives ayant répondu à l’invitation.

S.C.

 

Les 14 signataires jurassiens : FDSEA, JA, chambre d’Agriculture, UMIH, fédération des chasseurs, fédération de la pêche, Communes forestières, Capeb, Fransylva, Safer, les entreprises du paysage, Geiq Industries, CNATP et Soelis

(de gauche à droite), Roland Brunet, président de la fédération de pêche, François Jouvanceau, président de la Capeb du Jura, Christian Lagalice, président de la fédération des chasseurs, Christophe Buchet, président de la FDSEA 39, François Lavrut, président de la chambre d’Agriculture et Philippe Cornu, président des JA ont présenté leurs 10 propositions.

Ils ont dit

Christian Lagalice, président de la fédération des chasseurs du Jura : « Les ruraux en ont assez d’avoir des décisions verticales. Nous sommes des acteurs de nos territoires, nous voulons agir. Nous les avons bien soignés, ils sont agréables à vivre : nous pouvons chasser, pêcher, cueillir des champignons ou des myrtilles. Mais nous avons l’impression que c’est fini, que les décisions viennent désormais d’en haut ».

Christophe Buchet, président de la FDSEA du Jura : « Ce manifeste des ruralités vivantes est novateur, réalisé avec des structures d’horizons diverses. Nous faisons tous le même constat pour notre territoire et avons une volonté commune. C’est un exercice de démocratie participative, nous sommes des corps intermédiaires, nous représentons les acteurs et les salariés du monde rural ».

Roland Brunet, président de la fédération de pêche du Jura : « Nous connaissons aujourd’hui des situations difficiles concernant l’eau. Les populations de poissons sont fatiguées et certaines villes doivent être alimentées en eau potable par camions-citernes. Nous avons besoin de plus d’assainissement et de réparer les fuites car plus de la moitié de l’eau potable se perd. Si ces problèmes d’eau s’amplifient, la paix sociale peut être remise en cause ».

François Lavrut, président de la chambre d’agriculture : « Nous avons besoin que vous nous écoutiez. Les agriculteurs nourrissent les hommes. Depuis la crise du covid et la guerre en Ukraine, on reparle de souveraineté alimentaire, notre rôle est remis en avant mais la solidarité doit être plus forte entre les ruraux et les urbains ».

Philippe Cornu, président des JA du Jura : « Dans les petites communes, la dotation par habitant est bien inférieure à celle des grandes villes alors que les réseaux sont plus longs, donc plus chers, et que les prix du foncier augmentent, sous la pression des frontaliers et des résidences secondaires. Nous craignons qu’à terme, à force de se regrouper, les petites communes disparaissent. Quelles réponses auront alors les agriculteurs lorsqu’ils ont des problèmes, par exemple sur des chemins de remembrement ou des problématiques vraiment locale ? ».

François Jouvanceau, président de la Capeb du Jura : « Entre le zéro artificialisation net, l’inflation et le prix des matières premières qui s’envole, la raréfaction des terrains à bâtir, le prix des habitations risque de bondir jusqu’à 400, voire 500 000 euros. »

Benjamin Marraud des Grottes (LR – 1ère circonscription) : « Avec la suppression de la taxe d’habitation, les communes ont perdu leur autonomie fiscale, donc des moyens d’action.  En retirant ce pouvoir aux maires, on est en train de tuer les petites communes. »

Danielle Brulebois (Ens - 1ère circonscription) : « Vos propositions sont pragmatiques, ambitieuses et réalistes. Ce sera pour nous une source de réflexion car le président de la République veut que la politique nationale soit en adéquation avec les problématiques locales. […] La majorité présidentielle souhaite renforcer la place des communes et faire confiance aux maires. »

Anthony Brondel (Nupes - 1ère circonscription) : (répondant à une question de la fédération des chasseurs) « La chasse est un acquis de la révolution française. En tant que républicains, nous ne souhaitons pas le remettre en cause, sauf en ce qui concerne certaines pratiques comme la chasse à courre. Nous devons trouver des solutions localement pour permettre aux randonneurs de se promener et aux chasseurs de chasser. »

Delphine Gallois Jobez (Ens – 2ème circonscription) : « L’environnement est une problématique transversale, il doit être intégré dans tous les projets. C’est important pour notre avenir, pour nos enfants […] Sur le ZAN, le Jura a été un bon élève, peut-être devrions nous avoir une dérogation pour ne pas être pénalisé ».

Gérôme Fassenet, suppléant de Justine Gruet (LR – 3ème circonscription) : « Votre manifeste est rempli de bon sens. Si on veut de l’économie, il faut des services, des loisirs, des associations, du social pour accompagner les plus faibles. Nous préconisons depuis des années une approche globale pour que les salariés viennent s’établir dans le Jura. »

Anne Colette Prost (Ens - 3ème circonscription) : Il faut réfléchir à un amendement de la loi Notre pour permettre plus facilement sur les communes rurales la construction d’habitations. »

Christian Richard, suppléant de Rim El Mezoughi (DVG - 3ème circonscription) : « Les maires ont de nombreuses contraintes mais les budgets ne sont pas extensibles. C’est souvent l’Etat qui finance les plus gros projets et donc c’est le préfet qui décide. Cela prend du temps. Les élus locaux sont souvent tributaires et dans l’attente de ces prises de décisions ».

Sept candidats aux législatives ont répondu à l’invitation des signataires du manifeste pour des ruralités vivantes

LES 10 PROPOSITIONS

1 : Faciliter l'installation et la transmission d'entreprises en milieu rural

Le maintien du maillage des activités agricoles, forestières, touristiques, commerciales et artisanales sur l’ensemble du territoire du département est essentiel au dynamisme de la ruralité. Plusieurs mesures doivent être maintenues et encouragées :

•    PÉRENNISER le principe fiscal des zones de revitalisation rurale (ZRR) qui contribue directement au développement économique des territoires ruraux.

•    INCITER les collectivités locales à mettre en place des soutiens à l’immobilier d’entreprise en liens étroits avec la Région.

•    METTRE EN PLACE un dispositif spécifique pour l’hôtellerie - café - restauration pour gérer la sortie du « patron boom », sur le modèle des mesures de la cellule hôtellerie.

•   LAISSER DAVANTAGE de latitude aux préfets pour favoriser l’implantation d’entreprises en zone rurale, en accord avec les collectivités locales.

2 : Revitaliser le tissu industriel, agricole, commercial et artisanal des zones rurales

•      LA MESURE PHARE de ce chapitre repose sur la proposition d’exonérer de charges patronales pendant 3 ans toutes les créations d’emplois en CDI jusqu’à 5 salariés pour les entreprises situées dans des communes de moins de 3 000 habitants.

•      FAVORISER L’OFFRE ALIMENTAIRE ET AGROALIMENTAIRE LOCALE en s’appuyant sur les Projets Alimentaires de Territoire. Il en existe 4 en cours ou en devenir dans le Jura.

•      MAINTENIR DES DISPOSITIFS PUBLICS D’AIDES à l’investissement et renforcer le rôle de BP dans une place de chef de file.

3 : Faire de l’emploi partagé une solution d’avenir pour pérenniser les emplois en zone rurale

•      LA GÉNÉRALISATION DES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS (qu’ils relèvent du domaine privé ou d’un mixte public/privé) permet d’une part de créer des emplois à temps plein non délocalisables, et d’autre part, elle permet pour les entreprises, de se doter de compétences dont elles ne pourraient pas bénéficier seules.

Comme les Groupements d’employeurs d’insertion et de qualification (GEIQ Agricole - GEIQ Industrie), cette formule est adaptée aux TPE et doit être soutenue et encouragée dans les zones rurales.

•      PROMOUVOIR DAVANTAGE L’APPRENTISSAGE dans tous les secteurs en tension : métiers de la forêt, du bâtiment, de l’agriculture, de l’hôtellerie- restauration.

4 : Renforcer le lien Entrepreneurs/territoires

•      LES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES DISPOSENT DE LA DOUBLE COMPÉTENCE : développement économique et maison de service au public. Ces EPCI permettent de tisser un maillage territorial et pourraient constituer autant de relais de proximité pour les entreprises. Au-delà des services publics, les maisons France Service doivent trouver d’autres fonctions en direction du monde l’insertion, de la formation, de l’emploi et de l’entreprise.

•      ADAPTER LES DOCUMENTS D’URBANISME en instaurant un minimum constructible pour accueillir de nouveaux ménages en zone rurale à faible densité de population. Le « Zéro artificialisation net » doit être adapté.

•      MIEUX ACCOMPAGNER ET PRENDRE EN COMPTE le maintien à domicile des personnes âgées et accompagner le développement de nouveaux services.

•      INTÉGRER LES ÉVOLUTIONS liées à la pratique du télétravail et accompagner la création d’espaces de travail partagé (tiers lieux).

•      ADAPTER L’OFFRE DE SANTÉ avec d’une part une population locale vieillissante et d’autre part, de nouveaux habitants.

•      ADAPTER LES SERVICES pour les jeunes ménages : crèche, MAM, accueil périscolaire.

5 : Offrir des ouvertures de marchés et des opportunités économiques

•      DONNER DAVANTAGE DE POIDS AU CARACTÈRE LOCAL des productions ou des entreprises en les valorisant davantage dans les appels d’offres.

•       VALORISER LOCALEMENT LES MESURES liées à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et aux contributions carbone.

•      VALORISER LES OPÉRATEURS INTERNET qui assureraient une couverture optimale du réseau internet sur l’ensemble des territoires ruraux à échéance 2024.

6 : Redonner du souffle au commerce local et développer des espaces de coopération

•      MAINTENIR UN SOCLE MINIMUM DE COMMERCES DE PROXIMITÉ en octroyant une aide forfaitaire annuelle aux Communes de moins de 700 habitants pour le maintien de cafés, de restaurants, d’hôtels et de commerces de première nécessité.

•      METTRE EN PLACE DES DISPOSITIFS d’accompagnement spécifiques pour le commerce ambulant.

•      ASSOUPLIR LES CONTRAINTES imposées aux établissements recevant du public en zone rurale, en créant une nouvelle catégorie.

•      MIEUX GÉRER LES LICENCES IV et avoir la possibilité d’en créer.

•      DISPERSER ET STRUCTURER L’OFFRE commerciale à l’échelle des EPCI et lui donner de la visibilité pour mieux la promouvoir.

7 : Faire des entreprises rurales des moteurs de la neutralité carbone

•     DÉVELOPPER DES PROJETS D’ÉNERGIES RENOUVELABLES AGRICOLES ET SYLVICOLES en associant les acteurs des territoires, les collectivités… Le gisement jurassien présenté ci-contre est vaste et plusieurs projets sont lancés ou à l’étude dans le département.

•     STIMULER LES PROJETS D’ÉCONOMIES CIRCULAIRES en mettant en lien les besoins avec les ressources disponibles notamment par le recyclage des déchets. Le Jura est un précurseur en la matière avec le développement du centre Rudologia, les initiatives sur la protection des puits de captages d’eau potable, le recyclage des boues d’épuration, …

•     FAVORISER LES CIRCUITS COURTS ET LA VENTE DE PRODUITS EN DIRECT DANS LES EXPLOITATIONS, les diverses coopératives de producteurs (fruitières à Comté, viande, …) et en soutenant les initiatives de développement de produits locaux et de distribution.

8 : Revitaliser les centres bourgs

•      DÉDIER DES FONDS SPÉCIFIQUES AUX PETITES COMMUNES. Plusieurs démarches sont soutenues par l’État, la Région Bourgogne Franche-Comté et le Département du Jura pour dynamiser les Centres-Bourgs en favorisant l’activité économique et les petits commerces, la rénovation des logements vacants de centre-ville, la création de tiers lieux.

•      FAVORISER LA REVALORISATION DES FRICHES, l’urbanisation des dents creuses, et la conservation des corridors verts. Ces orientations sont fortement mises en avant dans les documents d’urbanisme en constituant un axe stratégique de développement foncier.

9 : Développer les projets de territoire

LES EPCI JURASSIENS SONT POUR LA PLUPART ENGAGÉS DANS CE TYPE DE PROGRAMME. Il faut simplifier les procédures, renforcer la collaboration public/privé entre les acteurs, élus, entreprises, … et gagner en agilité pour être réactif face aux évolutions rapides de la société et des attentes.

Il faut renforcer les actions opérationnelles et concrètes prévues dans les CRTE (Contrats de relance et de transition écologique), les PAT (Projets alimentaires de territoire), … déjà engagées par les collectivités jurassiennes pour fédérer les acteurs autour d’un développement équilibré et partagé entre les villes et les campagnes.

FAVORISER TOUTES LES MOBILITÉS : le  développement  des  mobilités « douces » ne doit pas empêcher la modernisation, l’évolution et la sécurisation des réseaux routiers et ferroviaires pour diversifier l’offre : rendre l’utilisation de l’autoroute obligatoire pour une partie du fret, notamment.


10 : Fédérer les habitants pour co-construire

•      CRÉER UN LIVRET D’ACCUEIL à l’échelle des EPCI pour améliorer l’attractivité, l’intégration et mettre en valeur le territoire : emploi du conjoint, logement, école, services, loisirs…

•      IMPULSER DES CHARTES D’ENGAGEMENTS RÉCIPROQUES dans les communes pour fédérer les habitants et acteurs du territoire autour de projets communs pour générer une vision collective et co-construite du développement, en tenant compte des attentes citoyennes, dans le respect de la propriété privée et des usages communs.

•      VALORISER ET FAIRE CONNAITRE LES ENTREPRISES en organisant des salons type Made in Jura, Weekend gourmand du chat perché, Percée du vin jaune, Salon de l’habitat, fêtes de l’agriculture, évènements sportifs et culturels… pour valoriser le savoir-faire jurassien, la qualité des paysages, le tourisme durable, le patrimoine environnemental… Cela permettra de renforcer l’attractivité du département vis-à-vis de l’extérieur.

•      MIEUX PRENDRE EN COMPTE et associer les acteurs dans la construction et l’aménagement d’infrastructures, conduisant à accueillir du public.