« L’objectif n’est pas de contrôler la maladie, mais de l’éradiquer »
Une semaine après la confirmation de trois foyers de dermatose nodulaire contagieuse à Écleux, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard s’est rendue vendredi 17 octobre dans le Jura. Devant les acteurs de la filière, elle a annoncé plusieurs mesures de portée nationale : fermeture des exportations de bovins vivants pour 15 jours et interdictions des rassemblements d’animaux à caractère festif. Dans les trois régions concernées par la DNC, les marchés aux bestiaux sont également suspendus. Après avoir rappelé l’importance du respect des consignes sanitaires, Annie Genevard a assisté à un chantier de vaccination à Chaussenans avant de rencontrer les éleveurs d’Ecleux qui ont vu leurs cheptels dépeuplés.

« Le défi lancé à notre élevage est historique. Ce nouveau foyer à Ecleux illustre l'importance de maintenir une vigilance accrue sur le strict respect des restrictions au mouvement », a déclaré Annie Genevard lors de son arrivée à la préfecture de Lons devant un parterre de représentants de l’Etat, de la profession et d’élus locaux. « Les éleveurs qui ont sacrifié leurs troupeaux l’ont fait pour préserver le cheptel français. Ce sont eux les héros de l'histoire. Le sens aigu de la responsabilité collective est notre plus grand atout dans la lutte contre cette maladie ».
« L’objectif n’est pas de contrôler la maladie, mais de l’éradiquer », a-t-elle martelé d’emblée, rappelant que la stratégie engagée dans le Jura comme dans les autres zones réglementées repose sur trois piliers : le dépeuplement des foyers infectés, la vaccination massive et les restrictions de mouvement. « Cette stratégie a prouvé sa grande efficacité. Elle a permis d’enrayer rapidement les flambées dans les deux premières zones réglementées », poursuit la ministre. « Aujourd'hui en Savoie et en Haute-Savoie, la DNC est éradiquée, nous n'avons plus de foyer épidémique et cette zone sera bientôt libérée de toutes contraintes ».
Consciente que le dépeuplement d’un cheptel représente un drame pour son éleveur, la ministre insiste sur la dangerosité de la DNC : « Cette maladie est redoutable parce qu'elle n'est pas toujours visible ni même détectable par les différents prélèvements. C'est ce qui la rend si dangereuse. La DNC est classée au même niveau de dangerosité que la fièvre aphteuse ou la tuberculose bovine. Elle fait en plus beaucoup souffrir nos animaux ».
Plusieurs amendes pour déplacements illégaux
Elle a salué la réactivité des services de l’État, du GDS et des vétérinaires, tout en appelant à une vigilance accrue sur le respect des interdictions de déplacement. « Nous avons été plusieurs semaines sans voir de nouveaux foyers et ces derniers jours, le virus est apparu en Occitanie, dans le Jura, dans l’Ain. Les mouvements illégaux seront sévèrement sanctionnés », a-t-elle prévenu. Les contrevenants s’exposent à une amende de 4ᵉ classe, soit 750 € pour une première infraction, portée à 1 500 € en cas de récidive. Ces sanctions s’appliquent à tout déplacement d’animaux depuis une zone réglementée sans autorisation sanitaire. Les contrôles sont effectués par les gendarmes, notamment via des patrouilles routières et des survols en hélicoptère.
Le préfet du Jura Pierre-Edouard Colliex a précisé que dix contrôles de transports de bovins avaient été réalisés dans la semaine et que deux amendes avaient déjà été dressées. « Ces règles ne visent pas à punir, mais à protéger le cheptel », a insisté la ministre. Les déplacements d’animaux à l’intérieur des zones réglementées resteront possibles, mais uniquement sous dérogation, notamment pour des raisons de bien-être animal (vêlage, blessure, manque de fourrage, retour des troupeaux en bâtiments avant l’hiver, etc.)
Concernant la campagne de vaccination, Annie Genevard a rappelé qu’elle était obligatoire pour tous les bovins en zone réglementée et intégralement prise en charge par l'État. « L'éleveur qui résisterait à la vaccination se la verra imposée », a-t-elle précisé. Hors des zones réglementées, la vaccination contre la DNC reste interdite. Cette restriction vise à préserver le statut sanitaire des territoires encore indemnes. En effet, dès qu’un animal est vacciné, il perd son statut indemne. Une telle situation entraînerait des conséquences commerciales lourdes, notamment l’interdiction d’exporter ou de déplacer des animaux vers d’autres régions. C’est pourquoi les autorités concentrent les campagnes de vaccination autour des foyers confirmés, dans un rayon de 50 km, afin de créer une ceinture de protection tout en limitant l’impact économique sur les zones indemnes.
Des mesures nationales annoncées
Annie Genevard a profité de cette rencontre pour annoncer plusieurs nouvelles mesures d’ampleur nationale destinées à contenir la propagation du virus. Pendant quinze jours, tous les rassemblements d’animaux à caractère festif (foires, comices, salons, etc.) sont interdits sur l’ensemble du territoire français. Et dans les trois régions concernées par la DNC (Bourgogne–Franche-Comté, Auvergne–Rhône-Alpes et Occitanie), les marchés aux bestiaux sont également suspendus.
Autre décision forte annoncée ce jour par la ministre : la fermeture temporaire des exportations de bovins vivants pour deux semaines. Une mesure « difficile mais nécessaire », selon elle, « afin d’éviter que l’Union européenne ne reprenne la main sur nos règles sanitaires dans des conditions bien plus contraignantes ».

« 95% de bovins vaccinés d’ici la Toussaint »
L’après-midi, la ministre s’est rendue sur la commune de Chaussenans, où elle a assisté à la vaccination des 115 vaches du troupeau du Gaec de l’Espoir. Elle a tenu à saluer la mobilisation de l'ensemble des professionnels du monde de l'élevage et des vétérinaires. « Ils sont vraiment un pilier essentiel de notre stratégie et font un travail extraordinaire. La vaccination obligatoire d'une zone réglementée, ce sont des centaines de milliers de têtes de bovins qu'il faut vacciner le plus rapidement possible [350 000 pour la zone réglementée autour d’Ecleux dont 125 000 dans le Jura NDLR]. C’est un travail considérable qui s'ajoute à celui qu'ils ont ordinairement, au travail de surveillance des cheptels et aussi parfois, hélas comme ce fut le cas à Écleux cette semaine, ils sont chargés du dépeuplement des foyers infectés ».
Annie Genevard a aussi rappelé que l’État indemnisera les éleveurs pour la perte de leurs animaux, la désinfection des bâtiments et les pertes d’exploitation. Ils recevront dans un premier temps une aide forfaitaire pour chaque bête abattue en attendant le passage des experts qui détermineront la valeur marchande de l'animal.
Nicolas Zinzius, vétérinaire basé à Champagnole en charge de cette vaccination, a détaillé la logistique mise en œuvre : « Nous avons reçu les premières doses hier et commencé à vacciner dès ce matin. Notre cabinet doit vacciner 25 000 animaux, avec quatre vétérinaires ruraux mobilisés à plein temps. Nous avons commencé par les élevages les plus proches du cluster d’Écleux. Notre objectif est d’atteindre 95% de bovins vaccinés d’ici la Toussaint ».
Le but de cette course contre la montre est d’éviter l’apparition d’autres foyers et, par conséquent, d’autres dépeuplements. « Procéder à un abattage, c’est psychologiquement horrible », explique-t-il. « Mais nous sommes des vétérinaires sanitaires, nous n’avons pas le choix. Les éleveurs dont le troupeau a été abattu sont des victimes, mais ils font un don aux autres en sacrifiant leur troupeau. Ils perdent tout, mais l’acceptent pour protéger les autres. »
« Être éleveur, c’est de l’amour »
« Nous pensons évidemment aux éleveurs qui ont été touchés. Ce métier, c’est de l’amour. On aime nos bêtes qu’on a souvent vues naître », a confié Laurent Masson, un des exploitants concernés par cette vaccination et par ailleurs maire du village. « J’espère que les éleveurs seront bien accompagnés dans cette épreuve sanitaire longue, et que les services de l’État les appuieront ».
Christophe Buchet, président de la Chambre d’agriculture du Jura, a tenu à rendre hommage aux trois éleveurs d’Écleux. « Ils ont fait preuve d’un courage exemplaire. Leur ferme est désormais silencieuse le matin, mais ils sont restés debout, dignes et responsables. Ils veulent continuer leur métier, car pour eux, c’est une passion ». Il a également salué la chaîne de solidarité qui s’est mise en place : « La coopérative d’Ounans, à laquelle deux d’entre eux livraient leur lait, est une petite fruitière. L’ensemble de la filière Comté s’est organisée pour lui fournir du lait afin qu’elle ne pâtisse pas de la perte des deux troupeaux. À Écleux aussi, la solidarité des habitants a été impressionnante : elle a permis de créer une bulle autour des éleveurs pour qu’ils se sentent soutenus ».
Après avoir assisté à cette vaccination, la ministre de l’Agriculture s’est ensuite rendue à Ecleux pour apporter son soutien en comité restreint aux agriculteurs concernés par le dépeuplement.
